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Annette Dasch à Pleyel (Paris), le 4 janvier 2016. Photo d'après Josée Novicz.

Annette Dasch à la Salle Pleyel (Paris), le 4 janvier 2013. Photo d’après Josée Novicz.

Chic, les vacances sont presque finies, ce qui signifie que les propositions de concerts à aller goûter voire écouter se multiplient. Ainsi, les deux cents ans de Wagner (qui ne les pas vraiment atteints, précisons) sont le prétexte de deux concerts donnés par l’Orchestre philharmonique et le Chœur de Radio-France. Le premier s’est tenu vendredi 4 janvier.
La première partie s’ouvre sur la très belle ouverture du Hollandais volant. En théorie du moins, puisque l’impatientant orchestre se permet de répéter pendant les vingt minutes qui précèdent le concert. Disons-le : cette impolitesse est minable.
L’Ouverture du Hollandais puis le Prélude de Lohengrin, eux, paraissent plutôt interminables – on exagère à dessein. La direction de Marek Janowski, qui tient à sévir essentiellement par cœur, alterne de belles tensions – notamment dans les passages virtuoses, où l’orchestre fait preuve d’une brillante maîtrise digitale – et des moments ennuyants – transitions molles, passages lents qui semblent étirés sans fin… De quoi attiser la hâte d’un public venu applaudir la spécialiste du rôle d’Elsa, vue sur Arte pendant les fêtes : Annette Dasch, qui vient chanter, ça doit bien la faire rigoler tant elle est habituée aux intégrales, un bout du troisième acte (son personnage, marié depuis peu à Lohengrin, trahit alors son serment et demande à l’époux de révéler son identité, ce qui entraîne la cygnisation du chevalier mystérieux). Après des premières phrases étonnamment timides, la vedette déploie un timbre très dramatisé : même en version de concert, la quasi-Scarlett Johansonn joue son personnage, le vivifie, veille à en traduire les émotions. Le contraste est donc puissant avec Stephen Gould, qui impressionne par une voix puissante sur toute la tessiture de Lohengrin, mais n’incarne pas son rôle – lire la partition ne l’aide peut-être pas… L’ensemble, vocalement, est de belle facture, peut-être néanmoins en-deçà des attentes, le laps laissé à Annette Dasch pour subjuguer un public acquis étant, semble-t-il, trop court pour que la star mette à profit l’étendue de son talent.
Signalons tout de même l’incorrection du Chœur, à la hauteur de celle de l’orchestre ou du service comm (“bienvenue à ce concert de Noël”, “vos réponses nous serons très utiles”, palsambleu !) : pendant sa brève apparition en tutti (les femmes chantaient en off deux minutes lors de la seconde partie), on entendait plus les tournes de page que la Marche des fiançailles. C’est franchement lamentable. Au moins. Notons aussi, pour l’anecdote que, pendant la mi-temps, très brève, Annette Dasch a accepté de se prêter au jeu des autographes et des photos avec une bonne grâce étonnante. (On a fait attention à la graphie de grâce, mais, de grâce, la prochaine fois, que l’on attend avec appétit, pourquoi ne pas opter pour une robe moins, comment dire, près du bidon ?)

Violeta Urmana à la Salle Pleyel, le 4 janvier 2012. Photo d'après Josée Novicz.

Violeta Urmana à la Salle Pleyel, le 4 janvier 2012. Photo d’après Josée Novicz.

La seconde partie offre le début de Tannhäuser (Ouverture et Venusberg), dans la version de “Paris” précisent les connaisseurs. Derechef, l’orchestre alterne des passages splendides (incipit joué avec des nuances très délicates) et des moments où, as far as we’re concerned, on s’ennuie. Les attaques ne sont pas souvent précises (il nous semble entendre de nombreux décalages entre les pupitres, et des rattrapages un peu bâtards), et les contrastes de dynamiques ne rendent pas autant qu’ils devraient, tant le chef semble avoir du mal à mener les musiciens dans ce rude morceau de roi. L’apparition de Violeta Urmana est attendue avec d’autant plus de gourmandise.
En effet, la diva chargée de conclure le concert affronte un court classique, la Mort d’Isolde (cette sotte se suicide un chouïa trop tôt, juste avant que son mari officiel vienne la pardonner). Et le résultat est magnifique. Même si l’orchestre semble, là encore, se traîner, la soprano saisit son auditoire dès les premières notes. Ce n’est pas seulement bien chanté, ce qui est déjà cossu vu la partition, c’est surtout beau. La voix est splendide – pas juste spectaculaire : riche, profonde, harmonieuse ; et l’interprète semble s’amuser des difficultés inouïes de la partition (largeur de la tessiture, sauts de registre, pianos dans les suraigus, tenues impossibles…). Même si un iota de vibrato en moins aurait pu emporter les minimes réticences des esprits les plus chagrins, quel dommage de ne pas en entendre davantage ! C’est incontestablement – d’autant que je suis d’accord avec moi, et que c’est moi qui décide – le grand moment de la soirée.
Par chance, ce 6 janvier, Violeta Urmana revient à Pleyel affronter la scène de l’Immolation. Ce sera forcément extraordinaire, mais j’ai hâte d’aller le vérifier.