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Michel Barré, Benoît Fourreau, Camille Lebréquier, Adrien Ramon, Shigeko Hata. Photo : Josée Novicz (ça va, j’avais oublié d’apporter à l’artisss le vrai pareil photo alors que je venais de racheter une carte spécialement pour la soirée, ça arrive…)

Oui, c’est un cliché, et alors ? Les cuivres, c’est sympa. Les cordes, c’est chichiteux et ça respire trop fort ; les bois, c’est mignon mais ça chougne ; les pianisss, ça surjoue l’émotion et ça saoule sur la longueur. Non, pour donner envie d’aller voir un concert, y a pas : faut mettre des cuivres. Même nous, on fait pareil, c’est dire. Il n’y a donc nul hasard si François Segré et l’institut Goethe ont choisi de lancer la nouvelle saison de leur série mensuelle « Classique en suites » avec le quintette Magnifica, auquel s’ajoutent les bons services de Shigeko Hata, soprano.
Trente ans après ses premières distinctions, dont les concours de Baltimore et… Narbonne, la formation est constituée de deux trompettisss (Michel Barré et Adrien Ramon), une cornisss (Camille Lebréquier, dont la pédale de commande pour tablette fascina bruyamment jusqu’à notre voisine nonagénaire or something), un trombonisss (Pascal Gonzalès) et un tubisss, Benoît Fourreau. Leur répertoire du soir alterne avec habileté arrangements pour quintette, que signent sporadiquement Michel Barré et Benoît Fourreau, et pièces pour quintette et soprano. Les œuvres remixées pour quintette seul n’hésitent pas à taquiner les intouchables (ainsi de « La fille aux cheveux de lin » ou de la redoutable BWV 578, dont les amateurs de vitesse et de headbanging apprécient tant la version de Ton Koopman) et des tubes de cuivre (« Arrivée de la reine de Saba » ou « Fantaisie brillante », transformée ici en grand défi lancé à chaque instrumentisss, tubisss compris). La soprano récupère, elle, une flopée de golden hits, dont « Je dis que rien ne m’épouvante », l’air de Marguerite-Castafiore et « Ebben? Ne andrò lontana », mais aussi quelques relatives raretés dont « Conduisez-moi vers celui que j’adore ». La plupart des arrangements séduisent, même si certains, joyeusement provocateurs, peinent à s’approprier un original, qu’il paraisse simple à rendre (fugue de Bach, plaisante mais dont on n’a guère ressenti le vertige et, bizarrement, les contrastes entre l’agilité requise et la puissance que permet la composition dans ses tutti) ou compliqué à traduire dans la langue des cuivres (Debussy, Catalani). La distribution des rôles entre solistes et accompagnateurs, la recherche d’une sonorité commune et la précision des attaques ou des respirations convainquent et effacent presque les p’tits sursauts que peut susciter, par exemple, l’étrange hiatus que l’on entend quand sont concaténés l’ouverture de Carmen et l’air de Michaela.


Ces bizarreries, ces inégalités de détail importent, en vérité, autant qu’une larme sur une plaque de verglas. (Certes, par respect pour Kaamelott, je pensais écrire “autant qu’un pet sur une plaque de verglas”, mais il se murmure qu’un peu de tenue ne nuit pas, surtout le jour. Bref.) En effet, le concert donné par le quintette Magnifica fait plus que remplir sa promesse de moment agréable, intelligent et grand public (présentation des pièces voire des compositeurs). La variété des pièces, par leur style et par leur écriture, la délicatesse des musiciens – même quand untel semble souffrir le martyr à chaque note sous son barda de huit kilos ! –, l’agencement du programme et la présence d’une soprano de haute volée remportent un enthousiasme mérité. Car il faut dire quelques mots de Shigeko Hata : cerise rose sur le bonbon cuivré de ses compères, elle apporte un souci d’incarnation spécifique à chacune de ses interventions ; elle séduit par le spectre large de sa tessiture, toujours tenue sans pour autant chercher la puissance au-delà de ses capacités, surtout dans une salle à l’acoustique sèche ; elle stupéfie par un souffle et une spontanéité live qui la rendent autant remarquable que sympathique au public – même le petit arrangement avec sa gorge, assumé avant la dernière grande vocalise, ajoute à son aura… Tout cela est élégant, goûtu et accessible à tous sans que les so called happy few puissent y trouver à redire.

La bonne nouvelle est que les curieux franciliens, par cette notule alléchés, pourront retrouver le même menu à la salle Cortot, le 1er février 2018… après avoir profité du CD/DVD publié en 2011 et du p’tit nouveau, paru en 2017 mais invisible sur Amazon ou sur le site du label, et à peine visible en tout petit sur le site perfectible mais pro et élégant, managé par Pascal Gonzalès – les deux galettes sont parues chez Indésens. Quant à nous, il est temps de boucler l’article afin de réfléchir aux clichés qu’il nous faudra plaquer en guise d’incipit, pour le prochain compte-rendu, après les médisances de celui-ci : le concert suivant de cette série réunira violon et piano. Chichi et comédie, vraiment ? D’ici le 24 octobre, on a le temps de trouver une justification. En revanche, si vous tente un concert de grand standing à 10 € (placement libre), dans un cadre cosy, suivi d’un cocktail généreux et servi avec le sourire afin que chacun se remette de ses émotions et puisse rencontrer les artistes, guettez ici l’apparition de cette date et réservez vite : toutes les dates sont complètes très promptement. Pour une fois dans cet étrange business de la musique classique, c’est aussi brillant que justifié.

Repérée non loin de là, voici sans doute la salle de team building où le sextuor s’est briefé avant la bataille.