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Hilary Hahn (Cité de la musique, 30 octobre 2013). Photo : Josée Novicz.

Hilary Hahn (Cité de la musique, 30 octobre 2013). Photo : Josée Novicz.

Salle comble, star, agents de sécurité et musique vivante : tel est le programme de ce mercredi, pour le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Jaap van Zweden.
Le concert s’ouvre sur La Nuit transfigurée d’Arnold Schönberg, dans sa version pour orchestre à cordes. Dans cette musique de chambre amplifiée (à la base, la composition s’adressait à un sextuor), les cordes du Chamber Orchestra font merveille. Le son est riche, les différents mouvements sont bien caractérisés, les transitions et modulations sont soignées, les nuances intermédiaires entre le piano et le forte paraissent dessinées en direct par Jaap van Zweeden. Le résultat fait entendre de la très belle musique superbement jouée. Revers de la médaille, le seul reproche éventuel serait justement que cette beauté gomme un brin l’inquiétude consubstantielle à certaines parties de cette pièce “à programme” (on n’entend pas exactement le “Je suis fautive auprès de toi / J’ai commis une faute atroce”). Détails négligeables : en réalité, cette demi-heure liminaire est saisissante.

La Nuit transfigurée, version 1. Photo : Josée Novicz.

La Nuit transfigurée, version 1. Photo : Josée Novicz.

Le Concerto pour violon de Samuel Barber suit. Réputé pour être essentiellement une pièce virtuose, il est confié à l’archet de Hilary Hahn, vedette du genre – d’où, suppose-t-on, la présence exceptionnelle d’agents de sécurité devant les coulisses et dans la salle, avec interdiction de prendre des photographies, ha-ha. Sémillante dans une robe qui mêle jupe couture et top proche de la vulgarité des patineuses artistiques, la star ne déçoit pas. Elle dialogue avec l’orchestre dans un premier mouvement où le lead sinue classiquement dans l’orchestre avant d’arriver au soliste ; elle contraste avec talent les différents caractères du mouvement lent, plus classique ; elle se tourne vers ses confrères tuttistes entre volonté d’entendre, de dialoguer et de contrôler ; et elle fait jaillir avec maestria les doigts solides qu’il faut pour tenir le dernier mouvement et son finale ébouriffant. De son côté, l’orchestre répond aux indications du chef comme il se doit, même si, d’où nous sommes, il nous semble par moments couvrir la soliste. Dans l’ensemble, restent, évidents, un travail maîtrisé et une musique agréable à défaut d’être, à nos oreilles, absolument bouleversants.

La nuit transfigurée

La Nuit transfigurée, version 2. Photo : Josée Novicz.

Après une heure de concert et une pause Kitkat-grenadine (ou équivalent) pour les spectateurs, le Chamber Orchestra revient donner les 25′ de la Symphonie n°9 de Dmitri Chostakovitch – sans doute l’une des plus palpitantes, peut-être parce que la plus concentrée. C’est la fête aux pétillements, et cette version le souligne avec pertinence. La farce affleure dans les grondements des trombones ; le cirque des percussions répond aux envolées des cordes ; l’orchestre se gonfle et se dégonfle avec une précision qui dynamise cette musique. Dans le deuxième mouvement, les bois se mettent en valeur comme il se doit (et non “les doigts se mettent en valeur comme il se boit”, ça n’aurait aucun sens) avant que la dernière partie, enchaînant trois mouvements et demi, ponctue cette pièce avec une énergie vigoureuse où le Chamber Orchestra of Europe fait merveille. Le triomphe qui conclut le concert salue autant une œuvre stimulante qu’une phalange menée avec une efficacité, une précision et une malice excellentes par Jaap van Zweden.
(Cela dit, chère voisine, si j’ai applaudi très fort et très longtemps pile dans ton oreille à la fin du concert, c’est que j’ai beaucoup apprécié la soirée, et peut-être aussi un p’tit peu que tu m’as bien fait chier à mâchonner bruyamment ta salive et à te bouffer les ongles. Un partout, n’est-ce pas, gougnafière ?)