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Cello Woman, 2 en 1Peut-on faire de bonnes chansons avec rien que soi-même et, accessoirement son violoncelle ? Après une longue essspérience incluant des sessions devant des centaines de gens venus voir pas elle, et d’autres incluant plein de gens venus la voir, elle, voire l’entendre, Katrin’ Waldteufel alias Cello Woman propose des éléments de réponse sur son disque cyberproduit par des internautes admiratifs de son talent… et de son audace : propulser un double CD (en fait, seize chansons, on est loin du projet fou et merveilleux d’une Élisa Point balançant cent chansons en cinq disques d’un coup, mais quand même) à l’ère de la médiocrité et du formatage – cette ère qui nous répugne parfois tant elle nous ressemble souvent, j’me comprends, bref.
Le premier disque de huit chansons présente l’artiste à son meilleur ou à ce que nous préférons chez elle, c’est-à-dire seule face à son violoncelle. D’emblée, « La ligne », titre co-écrit parolistiquement avec Gilles Roucaute, saute aux oreilles esgourdies : mélodie, swing, hommage inconscient à l’Iron Maiden du Brave New World (« there’s a thin line between love and hate », puisque il s’agit du désir fou de « trouver la ligne / entre [par exemple] ma vie et cell’ que j’imagine »). La voix est précise et féline ; la miss se révèle spécialiste de la diphtongue superflue mais amusante sur le « i » ; le violoncelle-marque-de-fabrique se dévoile dans des atours rythmiques et précis : le projet se faufile sous de pétillants auspices. Même si tout ne fascine pas forcément en studio – humour de bon aloi mais trop convenu de « La partition », du « Mariage » dont le texte nous séduit moins que la musique et l’interprétation, des « Boutons » (ces « copains que t’as sur la gueule » décrits par Stéphane Traumat sur une musique rappelant l’incipit de « L’année prochaine » d’Anne Sylvestre), chanson d’amour peu gonflée voire presque plate comme « Te perdre », simple idée qui ne décolle pas comme le Traumatique “magasin de souvenirs [qu’on n’a jamais eus] » évoquant « L’usine à chagrins » de Michèle Bernard… S’en tenir à cette impression serait une erreur, car Katrin’ Waldteufel ne se situe pas sur le seul axe de la chanson « à texte ». Sa vraie originalité et son charme authentique résident dans sa capacité à utiliser le cadre de la chanson pour faire de la musique avec sa voix et son violoncelle.
Or, le second disque s’ouvre à d’autres instruments. De quoi s’inquiéter ? Pas au vu du premier titre. Certes, le texte de « Lundi soir », co-signé par Stéphane Traumat, ne brille pas par son originalité. Cependant, la musique de KW et les arrangements de Bastien Lucas font pétiller cette bluette tubique à souhait. Du coup, souci de ne pas se laisser enfermer dans un genre aidant, KW s’autocontre aussitôt en glissant un hymne enfantin à l’écologie, original à défaut d’être émoustillant. Si, par la suite, l’on n’est décidément pas admiratif de ses chansons d’amour (« T’es beau », « Savoir dire non », « Raspail » où l’on entend, cette fois, des échos de Romain Didier [« Bye-bye » pour les rimes en –ail, « Je t’écris je t’aime en braille » pour « J’veux lire en braille sur ton poitrail »]), on ne craque pas non plus spontanément pour ses chansons d’humour parolées par Stéphane Traumat (« Mes cliques et mes claques », piètre jeu de mots autrement esssploité par Gérald Genty dans « Clic-clac », issu de Humble héros). En revanche, on gourmandise – non, ça ne veut rien dire, mais quand on est trois pour écrire “Y a nos regards qui connivencent”, bon – en dégustant des chansons énigmatiques comme « Si tu vois mon père » ou les  plus dynamiques et les plus violoncelleuses comme « Avec ma grand-mère ».
Bref, chacun l’aura compris, de même que Nathalie Miravette ne se résume pas à « Cucul », Katrin’ Waldteufel est avant tout une musicienne qui ne saurait ni se contenter de son superhit « Tilleul menthe », ni s’y c(h)antonner. Dans ses ritournelles, le texte n’est dans ses cordes (vocales ou violoncelliques) qu’un outil pour s’exprimer, souvent en arrière-fond d’un désir de sons et de notes qui explique peut-être les excroissances instrumentales allègres mais pas toujours justifiables dans l’économie de la chanson (coda un peu longuette de « Lundi soir » doublant, sur le disque, la longueur de la chanson sans réelle créativité des solistes – la version YouTube rend mieux justice à ce titre…). Peu importe le genre à la miss. En fait, peu importe à la miss. Fait-elle de la chanson à texte ? de l’intervention arty où elle chante avec quatre cordes plus deux ? de la pop intelligente mais libre ? de l’autofiction mise en musique ? Dans « 2 en 1 », les étiquettes valsent comme on valsait au Second Empire. Quelques déceptions pointilleuses de l’intégrissse de la chanson à texte alla papa, et alors ? Elles sont d’autant plus hors sujet que dominent le plaisir d’entendre une musicienne singulière qui chante ce qui lui chante, et l’excitation de découvrir la formule à deux que la demoiselle propulsera le 15 décembre à l’espace Jemmapes. En conclusion, malgré les réserves relatives qu’un double disque, quelque original qu’il soit, peut susciter sur un esprit autant ouvert que borné, et surtout réciproquement, nous n’avons nul doute que cette déglingosse enflammera la salle à chansons du canal Saint-Martin. Donc nous serons dans la ce-pla pour rendre hommage à sa mère-grand et mettre le dawa si elle est faya. Mais genre, carrément, yo.