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"Boris Godounov" à Pleyel. John Graham-Hall (Chouïsky), Ain Anger (Pimène), Ferrucio Furlanetto (Boris), Anastasi Kalagina (Xénia) et Marian Talaba (Grigori). Photo : Josée Novicz.

“Boris Godounov” à Pleyel. John Graham-Hall (Chouïsky), Ain Anger (Pimène), Ferrucio Furlanetto (Boris), Anastasi Kalagina (Xénia) et Marian Talaba (Grigori). Photo : Josée Novicz.

C’est désormais une tradition : l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, emmené par Tugan Sokhiev, vient faire une escale à la salle Pleyel pour y donner un opéra en concert. Cette année, c’est la première version de Boris Godounov. Bien que non-tabacophile, nous y fûmes.
L’histoire : à la fin du seizième siècle, Boris Godounov est porté au pouvoir “par le peuple” et surtout parce qu’il a assassiné l’héritier de sept ans. Grigori, un jeune moine, décide de venger l’enfant. Méfiantes, les autorités se lancent à sa poursuite. Réfugié en Lituanie, il revient, menaçant, avec une troupe d’usurpateurs. Boris, perturbé par cette nouvelle et troublé par son crime, meurt d’effroi en implorant le pardon divin et le trône pour son fils.

Le choeur Orfeon Donostiarra

Le chœur Orfeón Donostiarra. Photo : Josée Novicz.

La représentation : même dans la version de 1869, moins spectaculaire que la version ultérieure, l’opéra de Moussorgski prête à grand spectacle : chœurs spectaculaires au début puis çà et là, genres différents (drame, burlesque, émotion…), grand orchestre avec cloches et effets carillonnants, ensembles et contrastes. C’est sans doute cette attente emphatique qu’il fallait oublier pour apprécier le concert donné à la salle Pleyel. Après un début tonique, qui rend difficilement audibles les premières interventions des chanteurs, Ferrucio Furlanetto (Boris) en tête, l’orchestre se contente d’assurer un service routinier, plutôt propre mais jamais émouvant. On aimerait que l’orchestration chante un peu plus, que les trouvailles d’orchestration (récurrentes timbales piano, par ex.) nous emportent davantage. Pourtant, nous n’arrivons pas à nous laisser séduire. Les leitmotivs sonnent factices, les tutti manquent de souffle, et les voix semblent à l’avenant.
À commencer par le Chœur Orfeón Donostiarra. Sa première intervention, niaise, séduit car elle mime la soumission du peuple, censé manifester un enthousiasme de pacotille. Or, ses interventions suivantes, en ensemble ou par pupitres (femmes / hommes), manquent de percussion. Cela sonne juste, et c’est déjà une belle chose ; mais expressivité et puissance paraissent perfectibles.
Les solistes participent de cette impression d’avoir affaire à une représentation “bien mais sans plus”. Après des débuts timides, Ferrucio Furlanetto fait sonner sa voix. Là encore, les notes sont là, mais l’Italien ne compense pas son originalité (une voix non typiquement russe ayant la légitimité de chanter un rôle aussi caricatural, chic !) par une qualité différente. Sa mimique récurrente (se prendre la tête dans les mains en s’inclinant) donne une idée du manque d’expressivité que l’on pourrait lui reprocher, par-delà une technique sûre et une voix qui ne rompt pas. Assurément, ce Boris-ci ne parvient pas à nous saisir et à nous bouleverser, moins même qu’Ain Anger, tonnant Pimène, ou Marian Talaba, plus farfadet qu’inquiétant mais impeccable Grigori. Sera-ce le fruit d’un casting correct (beaucoup, de Ferrucio Furlanetto à Garry Magee, ont l’habitude de chanter cet opéra) et d’un manque de travail en commun ? Le fait est que les seconds rôles, à l’instar de la vedette, sont tous acceptables, mais rares sont ceux qui séduisent vraiment grâce à une voix plus marquante que les autres (très sûr Pavel Tchervinsky, bref mais expressif Stanislav Mostovoi en Innocent…). Certes, émouvoir en concert est plus difficile que toucher dans une version mise en scène. Toutefois ce nonobstant quoique, vu le savoir-chanter des zozos sur scène, c’est tout de même dommage.

Marian Talaba (Grigori), Sarah Jouffroy (La nourrice), Hélène Delalande (L'aubergiste), Anastasia Kalagina (Xénia) et Stanislav Mostovoi (L'innocent).

Marian Talaba (Grigori), Sarah Jouffroy (La nourrice), Hélène Delalande (L’aubergiste), Anastasia Kalagina (Xénia) et Stanislav Mostovoi (L’innocent). Photo : Josée Novicz.

En conclusion : en dépit d’une composition qui invite au souffle et au vertige (le grand dictateur mis à bas par la peur d’un fantôme d’enfant…), malgré des moyens considérables (chœur mixte, grand orchestre, quinze solistes !), le grand frisson n’était pas au rendez-vous ce mercredi soir à Pleyel. Malgré le plaisir d’entendre une telle pièce et le snobisme qu’il y a à repartir déçu d’une telle débauche de talents, c’était, as far as we are concerned, décevant comme un mauvais mille-feuilles : prometteur, mais chpoufi en bouche.

Générique de la représentation

Générique de la représentation