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Irakly Avaliani joue Frédéric Chopin – 6/6

Première du disque. Visuel : Masha S.

 

Bonne nouvelle pour ceux qui ont survécu difficilement à la cérémonie LGBTQIAZERTY+ inclusiviste donc excluante d’ouverture olympique,

  • plus consternante que choquante,
  • plus affligeante que blasphématoire, et
  • encore plus grotesque que daubée du fondement (et pourtant) :

impossible de conclure un récital Chopin digne de ce nom sans une pièce brillante et clairement identifiée – pardon, iconique ! Irakly Avaliani assume cette convention en claquant in extremis la Polonaise en La bémol op. 63. Pourtant, le prélude n’a pas le côté clinquant dont certains pianistes le parent. Point

  • de violents changements d’intensité,
  • d’accents surpuissants ou
  • d’octaves staccato transformés en ronflement de missile.

L’interprète opte plutôt pour un crescendo intérieur, c’est-à-dire moins une montée en puissance des nuances qu’une élévation de la tension musicale à libérer à la dix-septième mesure, quand éclot le thème. Là encore, que l’on ne s’attende pas à une déflagration produite par un pilote de Rafale passant le mur du son au-dessus de Gruissan pour escagasser les estivants et faire frémir sa nana en train de se dorer la pilule en monokini sous les yeux intéressés des MNS-CRS scrutant à la jumelle la longue langue de sable de Narbonne-Plage. Irakly Avaliani privilégie le contraste entre

  • lié et détaché,
  • rigueur et agogique,
  • forte et mezzo forte.

On n’en goûte que mieux

  • l’allant du tempo,
  • le swing bondissant de la main gauche,
  • les boosters de pulsation que sont
    • arpèges,
    • triolets,
    • appogiatures,
    • mordants et
    • triples croches bondissantes, ainsi que
  • la pédalisation précise qui est à l’excès de vinaigrette noyant la salade pas fraîche dans une flaque d’amertume fade ce que le cadre en or et bronze ouvragés est au tableau de maître.

Ainsi, en nous communiquant le frisson attendu du golden hit, l’interprète semble dissimuler le mix de virtuosité et de musicalité derrière

  • l’évidence,
  • la netteté,
  • la maîtrise et
  • la conviction que le texte suffit à emporter l’enthousiasme.

Il a fort justement conscience que les excès

  • de digitalité,
  • de sensiblerie ou
  • de stabylotage avec
    • un rouge sanguinolent gorgé de fortissimi,
    • un jaune pétard passionné de super ralentis ou
    • un violet sombre noyant les notes ou les maladresses dans la mélasse d’un sustain opportuniste

n’apportent rien

  • à la partition,
  • à son exécution, ni
  • à l’effet wow garanti sur l’auditeur.

 

 

Sans rompre avec l’esthétique liminaire, la partie centrale en Mi à la modulation inattendue mais, une fois glissée, presque logique du la bémol – mi bémol – do au sol dièse (donc la bémol au piano) – mi – si, claque avec plus de tonicité que de bombage de torse martial (que l’on sache, la polonaise op. 53 n’a jamais été une polonaise militaire bis).

  • Les octaves obstinés, redoutables à plaquer, sont incroyablement légers ;
  • leur motorisme obstiné est un superbe écrin pour sertir une main droite légère et vibrante ; et
  • le travail sur le toucher ébaubit
    • (attaque,
    • enfoncement,
    • tenue,
    • effacement).

Les choix esthétiques d’Irakly Avaliani montrent une foi admirable dans la musicalité d’une section

  • certes moins mélodieuse,
  • certes plus rythmique que catchy,
  • donc souvent jouée (“pour contraster avec la finesse des parties A”) avec
    • la douceur,
    • la délicatesse et
    • la poésie d’un agent à moustache s’effondrant dans son lit après sa ronde de nuit qui fut surtout une ronde des troquets.

La transition en La bémol se repaît des à-coups rythmiques et stylistiques auxquels le pianiste accorde l’attention presque hypnotisante qui s’impose avant l’explosif retour du thème premier. Cette fois, le Franco-géorgien lâche les chevaux.

  • Énergie féroce,
  • percussivité débridée,
  • plaisir des décibels lancés comme des confettis :

le bouquet final de ce disque

  • totalement plaisant,
  • habilement construit et
  • résolument festif,

rappelle que

  • finesse d’exécution,
  • jubilation et
  • musicalité

ne sont ennemies que sous les doigts de musiciens limités, intellectuellement ou techniquement (parfois les deux, hélas). Ô surprise ! Irakly Avaliani ne semble point émarger dans cette catégorie. Alléluia, d’autant qu’il nous reste quelques disques du zozo à découvrir et à partager avec curieux, gourmands et lecteurs de hasard.


Pour écouter le disque en intégrale, c’est ici.
Pour retrouver les précédents épisodes, c’est ci-dessous.
1. La barcarolle op. 60
2. Trois nocturnes
3. La polonaise-fantaisie op. 61
4. Trois mazurkas
5. Trois valses

 

Gérard Reach, “Pour une médecine humaine”, Hermann – 2/4

Première du livre (détail)

 

Le livre de Gérard Reach [par référence à Pierre Réach, nous avions écrit le patronyme du ponte avec un accent : faute désormais corrigée], que nous avons commencé de feuilleter ici, s’interroge sur les possibilités d’une rencontre réciproque entre un médecin et un patient. Quand on vient de sortir d’une consultation de médecine générale facturée 38 €, soit plus de 4 SMIC horaires, par un soignant “en secteur 1 avec autorisation de dépassement” (dépassements ? man, pourquoi ?) passant plus de temps à regarder le superbe écran de son Mac qu’à observer les plaies pour lesquelles on vient le consulter, la pertinence de ce questionnement resurgit, et nous reprenons avec d’autant plus d’intérêt l’analyse du diabétologue et professeur d’université.
Nous nous étions quittés sur une question presque aussi saugrenue que celle des conditions permettant l’efficience de la consultation : pourquoi un patient prend-il ou ne prend-il pas son traitement voire les décisions qui peuvent lui faire du bien, par exemple

  • ingurgiter moins de frites même si les gens honnêtes admettront que c’est quand même meilleur que du salsifis ou du pâtisson,
  • se lever parfois de son canapé et pas que pour s’aller chercher une bière (à moins que le canapé soit à cinq mille pas du frigo ou de la réserve, mais c’est rare),
  • cesser d’utiliser cette pipe qui, si, est une pipe ?

En effet, si rencontre il doit y avoir, elle ne peut exister sans la prise en compte de l’action du patient. Or, celle-ci n’est pas toujours logique car elle s’inscrit dans ce que Gérard Reach appelle une économie comportementale. L’économie n’est rien d’autre que l’optimisation des gains. Appliquée au comportement du patient, elle peut être conçue comme l’articulation entre

  • l’évaluation de l’utilité d’un choix,
  • la valeur du résultat et
  • la probabilité que ledit résultat advienne

(l’on aurait ajouté l’évaluation des effets secondaires, peut-être distincte de l’évaluation de l’utilité). En premier lieu, nous, patients, évaluons nos traitements sur l’échelle de l’utilité espérée (125), du moins en théorie. Plus pragmatique, l’économie comportementale ne peut que constater que la réalité n’est pas aussi simpliste. Aussi curieux que cela semble, il est incontestable que nous n’agissons pas toujours selon ce qui nous serait bénéfique.
Gérard Reach l’illustre avec un pari qui consiste à proposer une alternative à quelqu’un :

  • soit tu sors de la pièce et je te donne 450 € à coup sûr ;
  • soit tu sors de la pièce, et tu as une chance sur deux de percevoir 1000 € (l’autre chance, c’est de ne rien percevoir du tout).

Beaucoup préfèreront prendre les 450 € et renoncer à l’hypothèse des 1000 €. Or, comme on peut toucher une fois sur deux le pactole, cela signifie que l’utilité espérée avec cette éventualité est de toucher 1000 X 0,5, donc 500 €. Cela illustre, d’une part, notre tendance à l’heuristique (trouver des solutions simples à partir de raisonnements partiels) et, d’autre part notre gestion entre l’attrait des gains et l’aversion pour les pertes. Dès lors, il appert que, en médecine comme dans la plupart des secteurs anthropiques, l’économie et la logique sont défiées en permanence par de nombreux biais pouvant conduire tant à des erreurs de diagnostic qu’à de mauvais choix des patients.
Quand les biais sont volontaires et non inconscients, Gérard Reach propose à la suite de Richard Thaler de parler de comportement nudgé, id est induit par un nudge, le p’tit coup d’pouce qu’on donne pour influencer le comportement des gens (de nous, donc). Nudger quelqu’un, c’est pas forcément méchant : un médecin peut chercher à influencer son patient afin qu’il change son comportement et limite ses comportements néfastes à sa santé. Cette question de l’influence pousserait à regretter, si l’ouvrage n’était pas déjà aussi compact, que l’auteur ne nous offre pas un détour sur les voies croquignolesques offertes par le marketing en général et la littérature du neuromarketing en particulier (à titre personnel, il nous faut avouer que nous aurions volontiers troqué ce développement en apparence futile contre les présentations biobibliographiques d’auteurs comme Hannah Arendt ou Sigmund Freud, sans doute utiles en cours magistral mais ici trop générales pour nous passionner, et parfois répétitives – ainsi de la récurrence de “Freud avait conscience de l’importance de son œuvre”, 149 et 158). Il n’en reste pas moins que l’influence exercée par un médecin, quand elle n’est pas exercée de façon transparente, peut poser des questions éthiques, ne serait-ce que parce que de nombreux conseils, masqués ou non, sont délivrés sur des bases statistiques alors que le patient reste un individu (141).
Nous devons à l’honnêteté de reconnaître que les pages suivant ces observations, consacrées à une série de considérations sur l’esprit et le cerveau dans la philosophie, nous ont moins passionné car, bien que ces remarques évoquent la construction

  • de l’opinion,
  • du raisonnement et, plus largement,
  • de la notion de pensée,

notions indispensables à l’examen d’une relation bipartite, ce catalogue forcément sommaire nous a paru moins explicitement ancré dans la problématique régissant l’ouvrage. Ce nonobstant, peut-être faut-il considérer que ce passage participe de la philosophie reachienne, laquelle semble aimer

  • glaner,
  • accumuler et
  • exploiter

largement des minerais avant de les broyer dans le moulin à analyser, quitte à ressasser quelques expressions sans doute automatiques chez l’auteur (ainsi du “pour reprendre la belle expression de Jerome B. Schneewind”, 197, qui devient “pour reprendre le beau titre du livre de Schneewind” p. 203, mais ça, c’est un cadeau pour le chroniqueur qui veut feindre avoir lu tout le livre avec la même attention vétilleuse et malveillante – pour nous, donc, dont on entend, j’espère, le rire sardonique digne d’un Gargamel des grands jours, ceux où il a un Schtroumpf dans la main juste au-dessus d’une marmite gargouillante et qu’il feint de ne pas savoir que, comme d’habitude, le Grand Schtroumpf va in extremis lui schtroumpfer un pot sur le crâne tandis que le Schtroumpf costaud va tirer d’un coup sec la corde enroulée autour de sa cheville et de la patte avant droite de son malheureux félin, c’est pour ça que, au fond, on l’aime bien, Gargamel). À sa façon posée et prudente, l’auteur finit par renouer avec sa réflexion sur l’éthique en situant son émergence, plus logiquement qu’historiquement, dans le passage de l’acceptation

  • d’une Loi naturelle,
  • parfois maquillée en Loi divine, à
  • la construction d’une Loi humaine.

Cette proposition permet de donner de la profondeur au dialogue entre loi et volonté, qui fait écho, à sa mesure, au dialogue entre prescription médicale et respect de la prescription. L’auteur invoque saint Augustin pour souligner qu’

 

il n’y a rien de monstrueux à vouloir, pour une part, et, pour une part, à ne pas vouloir (207).

 

Inutile de stigmatiser le non-respect d’une ordonnance ou d’un protocole de soins (c’est tellement vrai que le respect du protocole, notamment dans les cas extrêmes de cancer comme celui décrit par l’ami Jean-Paul Bertrand-Demanes, paraît démentiellement extraordinaire) : ici, il s’agit de comprendre les mécanismes présidant à l’action ou à la non-action. Or, avant d’être triste, hélas, la chair est faible, et la binarité est rarement le fort de la volonté humaine. Ce constat, à la fois banal et tamponné par maints grands noms de la théologie philosophique, et vice et versa, pose la question du libre arbitre.
Notons que, de notre point de vue, c’est sans doute l’une des forces de Pour une médecine humaine que d’amener le lecteur à se poser des questions plutôt que de poser des réponses, d’autant que cela fait écho au projet de “médecine humaine”, par opposition à un art vertical de soigner. Certes, en brassant large, Gérard Reach ne peut qu’effleurer les multiples références qu’il évoque, tant dans le champ philosophique que dans le champ religieux, qu’il soit juif, chrétien ou musulman ; mais il y a là le meilleur de la pédagogie qui consiste à

  • proposer des outils de réflexion fondés en raison et articulés entre eux,
  • ouvrir des possibles pour enrichir la pensée de l’autre et
  • ne point trop en dire afin, d’une part, d’en pouvoir dire beaucoup (je cite plusieurs courants philosophiques au lieu de n’en citer qu’un et de l’approfondir), et, d’autre part, d’inciter à la curiosité en fonction des idées et des pistes qui auront résonné chez le lecteur.

Cette stratégie de la frustration raisonnée, pour malicieuse qu’elle soit, n’élude pas le récurrent reproche de catalogue que le lecteur est légitime à adresser aux sommes – comme l’est Pour une médecine humaine – contraintes à concaténer des millions de références et de faits, parfois en les synthétisant habilement (une fois n’est pas coutume, l’on conseillera la fulgurante biographie d’Emmanuel Kant à peine cachée p. 222). Un résumé du scepticisme en quelques paragraphes ne saurait être satisfaisant, s’emporteront les spécialistes. Toutefois, dans cette volonté d’évoquer les sous-jacents, s’expriment

  • une ambition intellectuelle communicative,
  • une envie de partage généreux du savoir,
  • une humble reconnaissance de dettes de celui qui ne prétend pas avoir forgé sa philosophie uniquement à partir de son propre cogito, et
  • une volonté d’esquisser une cartographie sur laquelle les gourmands pourront zoomer par la suite.

En effet, en dépit de son aspect peut-être fastidieux, faute d’un lien explicite avec la problématique du livre (on l’aura compris, c’est ce qu’il manque çà et là à notre esprit étroit), en tout cas plus cumulative qu’hypothético-déductive, cette géographie

  • de l’intime,
  • de la prise de décision,
  • de la définition d’un comportement et
  • de la construction d’un moi,

permet d‘avancer dans le raisonnement par petites touches, en explicitant, sans s’y appesantir, des idées et des concepts utiles au sujet et parfois devenus vagues depuis nos cours de terminale – ainsi l’auteur rappelle-t-il quelques clefs kantiennes telles que

  • l’impératif catégorique (qui colore la notion de “liberté de la volonté” chez Harry Frankfurt, 235),
  • l’autonomie et l’hétéronomie (qui trouvent un écho dans “le souverain” chez John Stuart Mill, 234), et
  • la raison morale (qui se reflète, à l’échelle individuelle, sur le “vouloir désirer” appliqué aux valeurs chez David Lewis, 237).

À travers de multiples prismes, Gérard Reach tient à examiner l’éthique dans ses différentes dimensions, parmi lesquelles

  • l’altérité (pour développer une éthique, je dois poser que les autres, comme moi, sont des “centres indépendants de conscience”) et
  • la justice au travers de
  • l’équité

laquelle consiste, selon John Rawls, et c’est pas gagné, ne serait-ce que parce que c’est plus mignon que précis, à

  • garantir la plus grande liberté individuelle tant qu’elle est compatible avec celle des autres,
  • se battre pour l’égalité des chances et
  • s’assurer que les moins bien lotis peuvent survivre.

Cette longue ballade philosophique et diachronique permet à l’auteur d’exposer les principes de la bioéthique non pas comme des concepts purement médicaux mais comme les fruits d’une réflexion polymorphe et plurimillénaire qui se cristallise dans une tétralogie associant les

  • principes hippocratiques
    • de bienfaisance et
    • de non-malfaisance aux
  • principes proposés par Tom Beauchamp et James F. Childress que sont
    • le respect de l’autonomie (donc du consentement éclairé du patient) et de
    • la justice (pour la répartition des ressources médicales et budgétaires) (243).

Les quatre pistes alimentent la réflexion mais peuvent aussi entrer en friction. Par exemple, je ne dois pas nuire au malade, mais si je juge que ce n’est pas à lui de bénéficier d’un greffon, je le tue, ce qui est une façon un tantinet radicale de lui nuire… Sans apporter une solution pleinement satisfaisante, ce qui est bon signe car il m’étonnerait voire m’inquiéterait qu’un tel blob existât, la tétralogie des principes pointe que l’éthique, en médecine comme ailleurs, ne prend sens que dans la mesure où est établie la reconnaissance de l’autre en tant que personne. Il n’est pas de rencontre possible sans prise en considération de l’altérité mettant “Moi-même et l’Autre en face-à-face comme dans une consultation médicale”. L’exploration de cette nouvelle piste ouvrira notre prochaine notule sur ce livre !

 

Carlos Zaragoza et Kishin Nagai, “Five verses” (IBS) – 5/5

Première du disque

 

Quand on se voit commander une pièce pour un examen final permettant d’obtenir un prix du CNSMDP, non seulement il ne faut pas hésiter à en demander beaucoup à l’interprète, mais c’est même une obligation absolue. Pourtant, régulièrement, des musiciens férus de musique contemporaine viennent puiser dans ces partitions à peu près injouables pour garnir leur récital – ainsi d’Orlando Bass avec le monstrueux diptyque “Passacaille et fugue” de Michel Merlet, cas évoqué tantôt ici. Luis Naón, nommé professeur de “composition et nouvelles technologies” au CNSMDP à trente ans, s’est donc lâché dans cette pièce où Kishin Nagai n’est pas invité puisque la partition, à l’écriture précise, associe saxophone soprano et “sons fixés” (la personne chargée de l’électronique ne semble pas avoir été nommée sur l’enregistrement, peut-être était-ce simplement une bande-son confiée à l’ingénieur du disque). Notons que la pièce est régulièrement investie par d’autres interprètes – on peut écouter ici une version alternative par Géraud Étrillard, et même se rendre en jet privé au Japon pour écouter Koji Yamamoto l’interpréter en concert au Gotanda Cultural Center Music Hall de Tokyo ce 22 août 2024.
L’œuvre, explique le compositeur, est inspirée non pas d’un poème comme l’aurait exigé le principe général du disque, mais, en sus d’un rêve, d’un texte où Jorge Luis Borges valorise la relativité du temps et sa concentration dans un point particulier appelé “aleph temporel”. Publiée chez Gérard Billaudot dans la collection d’un certain Vincent David évoqué tantôt, elle s’articule en cinq parties où le saxophoniste dialogue avec plusieurs saxophones, un Tubax (sorte de sax contrebasse) et des claviers enregistrés. La bande semble émerger du néant qu’elle décrit ensuite, associée à un saxophone aux intensités variées.

  • Le mélange des sons réels et enregistrés (sans doute encore plus saisissants sur un enregistrement qu’en concert !),
  • l’entrelacement des parties et
  • les effets
    • d’écho,
    • de diffraction,
    • de mutation,

suggèrent un espace nouveau que l’oreille est invitée à découvrir tandis que le cerveau incite l’œil à l’imaginer.

  • Bribes,
  • brisures,
  • sons
    • tenus,
    • détrempés,
    • bruitistes

attisent ce suspense d’une découverte toujours glissante.

  • La quête des cimes suraigües que la technique repousse toujours,
  • l’invention de percussions multiples,
  • la précision des synchronisations entre orchestre virtuel et soliste

ne cessent de happer l’auditeur, gommant presque la virtuosité de gymnaste instrumental exigée du musicien

  • (souffle,
  • rythme,
  • justesse,
  • célérité,
  • sonorité,
  • intentions).

 

 

Tout se passe comme si le compositeur travaillait à l’émergence d’un possible aussitôt métamorphosé par d’autres possibles qui lui ressemblent et ne le contredisent pas, se contentant – c’est pire – d’interroger

  • l’ontologie de l’évidence,
  • la substance du perceptible et
  • la réalité de l’étant.

En témoignent

  • trilles,
  • glissendi,
  • notes
    • répétées,
    • déformées,
    • trahies,
    • percutées par les “sons fixés”,

semblant dénoncer l’évidence du chemin que l’on suit comme s’il était le chemin, alors qu’il n’est que notre chemin : d’autres chemins ont déjà bifurqué, qui existent autant que le nôtre, avec la même violente évidence que porte la précision exigée par la partition. Peu importe que nous nous focalisions sur le saxophone live, celui-ci n’est qu’une voie insérée dans un espace qui le dépasse et nous surpasse. Car c’est bien cette notion d’espace qui s’impose, plutôt que ses concurrentes et parfois complices que sont

  • l’événement donc le sursaut,
  • la narration donc l’arc diégétique,
  • la tension donc la dynamique qui, selon la logique kantienne, nous permettrait de nous “orienter dans la pensée” à l’aide de critères universels ou quasi.

L’œuvre de Luis Naón, par-delà sa fonctionnalité démonstrative, nous reconnecte à une forme de liberté précieuse pour le mélomane. Elle offre un panel

  • de musicalité,
  • de bruitisme et
  • d’insaisissabilité produite par
    • la profusion
      • (confrontation,
      • fluctuation,
      • mutation),
    • la confusion (synchronisation) et
    • la diffusion (rapprochement du vivant et du fixé).

Carlos Zaragoza y déploie une expressivité rigoureuse qui clôt ce disque

  • bi-goût (première partie plus consonante, seconde partie plus frissonnante),
  • pensé (mais avec souplesse) et
  • passionnant dans sa diversité

avec art et gourmandise. Merci à Orlando Bass pour la découverte !


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour retrouver les précédents épisodes, c’est ci-dessous.
1. Le Vieux Coffret d’André Caplet
2. Sonate de Paul Hindemith
3. Five verses d’Orlando Bass
4. …Y… de Vincent David

 

Le roi des tons

Pierre-Marie Bonafos le 26 juin 2024 au théâtre du Gouvernail (Paris 19). Photo : Rozenn Douerin.

 

En général, en chanson, ça se passe bien. Tout est simple, il suffit d’ajouter de la musique

  • aux paroles,
  • aux notes
  • ainsi qu’à l’harmonie,

et ça sonne. Cependant, parfois, certains finasseurs font la tête et protestent devant l’absence d’accidents, ces altérations qui rendent le discours tantôt plus subtil tantôt, juste, plus compliqué.
Un jour, lassé d’entendre les gausseries sur mes chansons sans dièse ni bémol à l’armature, ou si peu, j’ai écrit un truc spécifiquement avec quatre bémols. J’aurais pu faire pire, mais j’étais pas en forme. Pierre-Marie Bonafos, qui lit la clef de sol à l’envers aussi bien que la clef d’ut deuxième, m’a accompagné (avec Claudio Zaretti à la contrebasse) à la création scénique de cette fredonnerie. Le revoici dans notre pacte commun qui couronne, ce me semble, celui qu’il y a peu de chance qu’on voie détrôné un de ces jours : le roi des tons.

 

 

Pauline Klaus – Le grand entretien – 2/6

Détail de l’affiche des Musicales, édition 2024

 

À l’occasion de l’édition 2024 des Musicales d’Assy, festival impulsé par Pauline Klaus dont la nouvelle saison commence le 22 juillet 2024, nous entamons la publication d’un grand entretien avec la violoniste-pédagogue-organisatrice.

  • Diplômée du CNSM de Paris,
  • lauréate du Conservatoire royal de Bruxelles,
  • auréolée – au moins – d’un master de philosophie en Sorbonne,

l’artiste nous ouvre les coulisses d’une carrière singulière mais pas solitaire, associant, entre autres,

  • le quatuor (avec ses complices du Lontano),
  • le concert avec orchestre et
  • le récital solo

à, donc, l’invention et la réinvention d’un festival créatif mais aussi à l’enseignement à hauteur humaine,

  • chaque activité,
  • chaque passion,
  • chaque heureux détour

semblant nourrir l’inspiration de la musicienne. Bonne découverte aux curieux !

Cliquer pour découvrir l’épisode précédent
1. Être violoniste, non-mode d’emploi


Épisode 2
Faire du violon un métier,
les coulisses d’un choix

 

Pauline Klaus, lors du premier épisode, nous avons découvert que « devenir violoniste » n’a pas toujours été l’alpha ou l’oméga de vote vie.
Non.

Quand, pourquoi et comment la situation change-t-elle ?
Ça se joue surtout autour de rencontres. Grâce à quelques personnes, je comprends qu’il existe de nombreuses manières de faire de la musique que je ne soupçonnais pas forcément. Ce genre de constat, ce n’est pas quelque chose qui se théorise ou s’analyse tout seul, dans sa chambre. Il faut le vivre.

Donc la question du « quand » n’a pas de sens ?
Si elle sous-entend l’existence d’un instant précis, non. Je n’ai pas, soudain, décidé de donner telle ou telle direction à ma vie. Petit à petit, je me suis éloignée de la philosophie. Dans le même temps, j’ai eu la chance de croiser pas mal de gens qui, chacun à leur façon, m’ont poussée à prendre la décision de me consacrer entièrement à la musique.

 

 

 

« La concurrence me rendait un peu malade »

 

Pouvez-vous nous donner des exemples de ces moments-pivots ?
J’insiste : il n’y a pas un moment-pivot, pour reprendre votre terme. Cela a été un ensemble de découvertes, de personnes… Parmi elles, je peux citer ma rencontre avec le violoniste Alexis Galpérine. Alexis me suit depuis très longtemps sans jamais chercher à décider à ma place. Au contraire, il m’accompagne en essayant de m’ouvrir un maximum de portes et en ne cherchant pas le moins du monde à me forcer en m’expliquant que « c’est ça ce qu’il faut faire, et pas autre chose » comme s’il n’y avait qu’une voie possible.

Mais il n’a pas été le seul à vous éclairer.
Non, il n’a pas été le seul ! Je pense notamment avec émotion à mes professeurs au Conservatoire royal de Bruxelles. Je suis allée en Belgique parce que j’avais besoin d’air. J’étais en dernière année de master de philosophie, et j’ai pensé que c’était l’occasion d’entrer dans une école, de voir ce qui s’y trame mais aussi de m’éprouver et de passer des concours…

L’expérience a été heureuse.
Plus encore, ç’a été presque une révélation, et la concurrence a disparu au profit d’une vision très différente de l’accomplissement.

Pourtant, vous passiez des concours ?
Dans les concours, la concurrence est normale. Elle va avec la quête d’un dépassement, d’un idéal, et elle n’exclut pas une noblesse du sentiment. Ce qui me gêne, c’est quand elle est omniprésente dans un certain état d’esprit, même hors des concours. Dans mon entourage musical proche ou lointain, cette sensation de compétition perpétuelle me poursuivait et me rendait un peu malade.

Et ce n’était pas le cas à Bruxelles.
Non. C’était une classe de jeunes passionnés. Nous partagions nos programmes, allions aux mêmes concerts ou écouter le concours au Reine-Elisabeth avec nos professeurs, ne parlions que de musique toute la journée… Voilà un exemple très clair de ce qui a contribué à me décider.

 

 

 

« J’ai aimé passer à l’action »

 

Donc vous bouclez votre cursus philosophique et décidez de devenir violoniste. Qu’est-ce que cela change dans votre organisation ?
Je ne sais pas si ça se formule ainsi. Une chose est claire : faire de la musique, pour moi, c’est être musicien. C’est une façon de vivre qui, en un sens, rejoint la philosophie. C’est une espèce de discipline pratique qui va, très concrètement, construire mon équilibre.

Le rituel du musicien de haut niveau vous convient.
Oui. J’aime la routine. J’aime, tous les matins, monter mes gammes, jouer telle œuvre de Bach, travailler tel morceau qui m’obsède depuis tant d’années. Ça me structure.

Vous avez trouvé cette exigence en Belgique.
En effet,  et cela a rejoint une idée que m’enseignait mon premier professeur et que l’on retrouve par exemple dans des sagesses orientales d’une grande profondeur, la discipline constitue l’humain.

Paradoxalement, ce qui pourrait paraître fastidieux dans la musique (les gammes, les exercices, le travail personnel qui n’en finit pas) semble aussi, à vos yeux, ce qui la libère – et peut libérer, un temps, ses auditeurs – de la pesanteur terrestre, quotidienne et pragmatique.
C’est une réalité ! La musique n’est pas qu’une occupation ou une activité. Les œuvres que nous jouons ne sont pas que de jolis objets. Elles participent d’une manière de donner un sens très simple aux journées, de dessiner des perspectives, de se projeter dans une année, de régler le temps – en un mot : de vivre.

De vivre pour soi et avec les autres, peut-être ? Spécifiquement, étiez-vous alors centrée sur les possibles que vous ouvrait votre projet de professionnalisation, ou aviez-vous déjà l’appétence pour la musique de chambre qui vous caractérise pour partie aujourd’hui ?
La musique de chambre, je ne l’ai pas pratiquée d’emblée. C’est un peu dommage, mais l’enseignement du violon devrait davantage prendre en compte cette pratique, même si l’orchestre est tout aussi passionnant. Là encore, c’est le hasard des rencontres qui, avec son lot de découvertes, a fait le travail.

 

 

 

« Rien n’est acquis, jamais »

 

Qu’avez-vous découvert spécifiquement ?
Ce moment où nous n’avons plus besoin de nous parler pour expliciter les idées que nous avons, pour communiquer, pour avancer ensemble vers ce que nous souhaitons obtenir. Grâce à la musique, quand nous ne sommes plus dans les mots, j’ai l’impression fantastique que nous atteignons une relation humaine parfaite.

Néanmoins, j’imagine que la pratique régulière de l’exercice n’est pas toujours aussi sublime…
Certes, cette fusion n’est pas toujours possible et, parfois, le langage est fort utile ! Mais le simple fait d’approcher une telle émotion me galvanise.

« Devenir violoniste », c’est être potentiellement soliste avec ou sans orchestre, chambriste et éventuellement musicienne d’orchestre. Vous choisissez de vous concentrer sur les deux premiers axes. Est-ce une évidence instantanée ?
En musique, je crois qu’il peut y avoir de l’évidence mais pas tellement d’instantané ! C’est difficile et c’est progressif. Quand un musicien sort du conservatoire après avoir décidé que sa vie serait violon, il doit encore découvrir, petit à petit, ce qui est envisageable et ce qui ne l’est pas. Je ne suis pas sortie en me disant : « Tiens, je vais monter un festival et un quatuor à cordes ! » Même aujourd’hui, je continue de me demander ce que ça peut être et comment ça peut évoluer.

Vous refusez de considérer que vous êtes arrivée, ce qui supposerait qu’il n’y a plus rien à craindre, à gagner ou à inventer de plus…
Et pour cause ! Rien n’est fixé. Rien n’est acquis, jamais. Une grande partie des vies d’instrumentistes – et pas que des instrumentistes – se décide sur le tas. Il faut aller chercher demain.


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Chroniques des deux disques du quatuor Lontano .

 

Irakly Avaliani joue Frédéric Chopin – 5/6

Première du disque. Visuel : Masha S.

 

Tout est relatif, comme disait Einstein qui était relativement pas con”, clamait Wally avec une once de lucidité. Ainsi des deux valses op. 64 qui encadrent le trio proposé par Irakly Avaliani, après

  • la barcarolle,
  • les nocturnes,
  • la polonaise-fantaisie et
  • les mazurkas

et avant la polonaise op. 53. Côté dramatique : le compositeur a cassé avec George S. un an plus tôt et il mourra un an plus tard. Côté moins dramatique : il dédie les trois valses à son élève la baronne de Rothschild (pas à madame Michu) et périt place Vendôme (pas avenue Roger-Salengro dans le neuf cube, au cul du périph’). Non, ça ne change rien à cette cochonnerie qu’est la mort, mais ça colore peut-être un rien le drame. Par respect pour cette circonstance funèbre, on omet de regretter un minutage annoncé sur la quatrième qui ne correspond pas au timing réel des pièces : parfois, un peu de pudeur ne nuit point, boudu, surtout pour ceux qui ont l’opportunité de découvrir l’art dont on cause sur YouTube et, donc, libéré des basses conditions matérielles du CD si importantes pour l’auteur, vieux, des lignes précédentes et suivantes.

 

 

La valse en ut dièse mineur op. 64 n°2 confirme l’envie d’Irakly Avaliani d’en découdre avec les tubes. Peut-on faire de la musique avec des sons qui sont (haha) censément déjà connus de tous ? L’interprète le démontre en travaillant les légèretés :

  • discrétion du ploum-ploum harmonisant de la main gauche,
  • énergie fugace des rebonds et appogiatures de la main droite,
  • art subtil d’équilibrer
    • tenue,
    • phrasés,
    • mordants
    • chromatismes et
    • notes répétées.

On est d’autant plus happé par

  • les traits,
  • l’agogique et
  • la modulation centrale.

L’aisance technique du pianiste n’est jamais démonstration mais bien plutôt

  • suggestion d’un courant d’air,
  • évocation d’une échappatoire au pragmatique, et
  • recherche de cette liberté qui nous manque à nous autres ensuqués sur la planète Terre.

 

 

La première valse de l’opus 70 en sol bémol majeur me renvoie à ma lutte avec une chanteuse à qui j’essaye d’expliquer que sa voix serait plus claire en la mineur qu’en la bémol mineur, tonalité dans laquelle je suis censé l’accompagner alors que, entre sept bémols et zéro, je prends la bulle. Six bémols, ici, dans les doigts d’Irakly Avaliani qui n’en a cure et délivre un “molto vivace” pas piqué des hannetons et cependant présidé par un souci de caractériser

  • les touchers,
  • les registres et
  • le rythme entre
    • pulsation régulière,
    • trilles habillant l’immuabilité,
    • triolets déstabilisant la rigueur et
    • appogiatures impulsant de nouveaux souffles.

Impressionnant : ça ne baragouine pas,

  • ça virevolte,
  • ça retient,
  • ça énergise et
  • ça rebondit.

 

 

La maîtrise de la pédalisation que l’on savoure ici sera de première nécessité sur le “molto vivace” de la première valse en ré bémol (seulement cinq accidents, une peccadille) de l’opus 64, dont le succès contribue à l’oubli de la troisième œuvre de la série. Le musicien y déploie

  • un jeu éthérique,
  • un groove à décoiffer un fan de funk et
  • une basse à la fois
    • précise,
    • présente et ce nonobstant
    • immatérielle.

Il y a de la sorcellerie dans cet art d’habiter

  • le clavier,
  • la division du temps et
  • l’insaisissable chopinien, et hop.

Quoi qu’il advienne avec la polonaise en La bémol qui nous attend pour la prochaine chronique, un hénaurme moment de l’album, à la fois

  • tubesque,
  • musical et
  • poétique.

 

À suivre…


Pour écouter l’intégralité du disque, c’est par exemple ici.

Pauline Klaus – Le grand entretien – 1/6

Pauline Klaus, le 24 juin 2024, Paris 8. Photo : Bertrand Ferrier.

 

À l’occasion de l’édition 2024 des Musicales d’Assy, festival impulsé par Pauline Klaus dont la nouvelle saison commence le 22 juillet 2024, nous entamons la publication d’un grand entretien avec la violoniste-pédagogue-organisatrice.

  • Diplômée du CNSM de Paris,
  • lauréate du Conservatoire royal de Bruxelles,
  • auréolée – au moins – d’un master de philosophie en Sorbonne,

l’artiste nous ouvre les coulisses d’une carrière singulière mais pas solitaire, associant, entre autres,

  • le quatuor (avec ses complices du Lontano),
  • le concert avec orchestre et
  • le récital solo

à, donc, l’invention et la réinvention d’un festival créatif mais aussi à l’enseignement à hauteur humaine,

  • chaque activité,
  • chaque passion,
  • chaque heureux détour

semblant nourrir l’inspiration de la musicienne. Bonne découverte aux curieux !


Épisode 1
Être violoniste, non-mode d’emploi

 

Pauline Klaus, on vous définirait facilement comme « violoniste », mais le mot est un peu vague et ne recouvre que partiellement votre champ d’activités artistiques… Pourriez-vous déterminer quand avez-vous décidé d’être violoniste, et que voulait alors dire ce mot ?
Dans mon cas, on ne peut pas dire que le projet a été clair d’emblée et que, par la suite, je suis allée tout droit ! Certes, le violon était au cœur depuis le début, mais être violoniste, ça se fait petit à petit… et, en ce qui me concerne, ce n’est pas fini. À chaque étape que l’on franchit, parfois sans le savoir, l’idée sous-jacente d’« être violoniste » se renouvelle.

Néanmoins, comment le chemin a-t-il commencé ?
La musique m’a toujours transportée. Ça, c’était une évidence. Pas que ce serait un métier. Pas du tout.

 

« Ma perception de la musique passe par le chant »

 

Comment se passe votre rencontre avec le violon et avec l’idée de « violoniste » ?
Mon éducation musicale n’est pas exclusivement centrée sur le violon. En ce sens, elle est atypique, si je compare avec celle de beaucoup de mes collègues

En quel sens ?
Je n’ai pas commencé par prendre des cours au conservatoire. Grâce à un hasard du destin, j’ai été placée dans les mains d’une ancienne professeure [NDLR : le présent blog n’utilise pas l’écriture inclusive mais respecte évidemment les choix de formulation des artistes] à la retraite qui s’est occupée de moi pour m’enseigne le violon en cours privé pendant quatre ans. C’était une personnalité fantastique. Elle avait soixante-quinze ans et avait connu des figures comme Ginette Neveu ou Yehudi Menuhin. Elle ne s’occupait que du violon.

Explicitons : dans le monde musical formaté, c’est un péché mortel.
En tout cas, pour le reste de ma formation musicale, on m’a fait comprendre que je devais tout de même passer par le conservatoire. J’y suis donc allée en intégrant pour cela la maîtrise de l’établissement. J’ai eu une chance extraordinaire : pour le violon, j’avais une professeure inspirée et totalement dédiée à mon cas car j’étais son unique et ultime élève ; et, à côté, pour le travail collectif, l’harmonie, le souffle, j’avais la maîtrise, animée par Jean-Dominique Abrell, un homme  formidable, dominicain, trompettiste à l’origine, organiste ensuite, enfin chef d’un chœur d’enfants à qui il faisait chanter du grégorien et un répertoire polyphonique complètement fou allant de la Renaissance à Benjamin Britten et Maurice Ohana… Aujourd’hui encore, ma perception de la musique passe par le chant ; et mon activité d’enseignement découle aussi de cette double expérience assez inhabituelle.

Le violon n’arrive donc pas seul dans votre découverte concrète de la musique.
Non. J’ai adoré l’instrument, mais j’ai été rapidement plongée dans un monde qui le débordait.

 

 

 

« La philosophie me nourrissait »

 

D’où votre parcours que vous revendiquez comme « atypique »… même si vous retombez rapidement sur vos pieds académiques !
Certes, quand les choses sont devenues sérieuses, j’ai fait un passage rapide au conservatoire du Mans pour obtenir mon DEM. C’est important, d’avoir un diplôme, non ?

Vous l’avez eu, votre diplôme, et vous êtes repartie.
À cette époque, je me cherchais et je cherchais ma voie. J’avais connu cette enseignante qui m’avait donné ce qu’elle avait à donner, mais qui avait aussi conscience qu’elle ne pouvait plus m’aider à m’insérer dans le monde dans lequel je devais entrer. À moi de me débrouiller avec ça !

Le milieu du violon au conservatoire est compétitif, non ?
C’est normal, mais je ne m’attendais pas vraiment à cet esprit de concurrence. Je devais être dans un monde un peu préservé ; si bien que les premiers contacts avec cette réalité de la musique ne m’ont pas ravie. J’ai longtemps cherché un professeur qui me parle ; et, pendant ce temps, j’ai suivi des études de Lettres et de philosophie.

Puisque vous l’assumez, on peut pointer le fait que vous êtes titulaire d’un master de philosophie. Cette formation était-elle l’objet d’une féroce négociation avec vos parents sur l’air du « d’accord, tu fais de la musique à Paris mais tu obtiens un vrai diplôme » ?
Vous croyez ? Un master de philosophie, je ne sais pas si, professionnellement, c’est très rassurant.

Soit, la philosophie, c’est évanescent, mais un diplôme, c’est concret ; alors que devenir saltimbanque…
La question ne se posait pas du tout en ces termes. Pour la musique, ma famille ne baignait pas dans le milieu professionnel, même s’il y avait une pratique instrumentale d’amateurs. Pour la philosophie, l’essentiel de ma motivation est que j’avais en tête des questions qui ne me laissaient pas tranquille. De vraies questions métaphysiques sur la vie, le temps, la mort… Des questions qui résonnent avec les grandes problématiques philosophiques et des textes qui ont parfois été écrits il y a des siècles ! J’avais l’impression d’une proximité assez incroyable avec ces auteurs d’autant que, à cette période, je passais pas mal de concours. Je me sentais très seule. Je trouvais l’atmosphère plutôt sèche, j’oserais dire : plutôt pauvre. La philosophie me nourrissait et me répondait.

 

 

 

« J’ai aimé passer à l’action »

 

Aviez-vous la sensation d’être, pardon pour la caricature, la provinciale qui débarque dans la Kapitale Où Tout Se Joue ?
Musicalement ? Non. Peut-être l’étais-je, mais la vérité m’enjoint de dire que je n’avais pas la tête à ça. En tout cas, je n’ai pas été facilement en harmonie avec les exigences et les codes attendus.

Donc, entre le DEM et l’idée que votre instrument puisse devenir un outil professionnel…
… il y a un temps de latence, c’est certain. Pour moi, la musique s’inscrivait dans un ensemble de questions métaphysiques, politiques, qui me donnaient l’impression que la professionnalisation des jeunes musiciens, telle qu’elle m’apparaissait, était un enfermement assez redoutable. J’ignorais quelle place la musique prendrait dans ma vie car je craignais qu’elle fût synonyme d’une manière d’inconscience au monde. J’avais envie d’être en prise.

En prise avec quoi ?
La vie, le réel, les choses. Être en prise, voilà. Et ce qui m’étonne encore, c’est que cette façon de percevoir les choses s’est complètement inversée.

La philosophie vous a asséchée ?
Non, mais, plus j’avançais en philo, plus je trouvais que l’air se raréfiait. Les textes qui me portaient tant devenaient de plus en plus difficiles, se prêtant mal au partage. J’ai beaucoup travaillé sur Derrida, Heidegger et la métaphysique allemande. Quand j’en parlais, j’avais l’impression que plus personne ne me comprenait. À l’arrivée, nous n’étions plus que trois ou quatre à être en capacité de débattre des sujets qui me passionnaient. Ce n’était plus du tout l’idée que je m’étais faite de la philosophie.

N’avez-vous pas eu la sensation flatteuse d’avoir intégré une élite d’experts ?
Au contraire, j’avais la sensation terrible d’être absorbée par des sujets qui me paraissaient parmi les plus universels et pourtant d’être renvoyée à un truc de niche qui n’était intelligible et partagé que par une poignée d’initiés.

Heureusement, comme la philosophie vous avait porté quand la musique vous décontenançait, la musique vous a portée quand la philosophie ne vous a plus comblée.
Il est vrai que, en parallèle, je commençais à donner des concerts, à rencontrer d’autres musiciens, à découvrir qu’il se passait plein de choses. C’est l’opposé de ce que m’inspirait la philosophie. J’en avais fini avec les concours, si bien que je découvrais que la musique est un art vivant, un art à vivre, un art de vivre. J’ai aimé passer à l’action. Inventer des concerts. Créer. Réunir des gens.

Ce que vous n’auriez pu imaginer quand vous avez découvert le violon…
Non. Ni à quinze ans. Certaines orientations prennent du temps pour mûrir. Peut-être est-ce aussi ce qui les rend si précieuses a posteriori.


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Violence de la motivation

Au théâtre du Gouvernail (Paris 19), le 26 juin 2024. Photo : Rozenn Douerin.

 

Gad Elmaleh, grand philosophe du copier-coller s’il en est, a expliqué que, pour réussir l’impossible, l’essentiel, c’est la vo-lon-té. Il est temps de nuancer le propos en substituant, ce qui paraît plus réaliste, la mo-ti-va-tion à la volonté. La preuve avec cette chanson qui plonge au cœur de lettres et du néant.

 

 

 

Gérard Reach, “Pour une médecine humaine”, Hermann – 1/4

Première du livre (détail)

 

Il y a quelques années, peut-être un siècle, donc, j’avais écrit en savante compagnie un livre sur la médecine, sa pratique actuelle, ses critères d’évaluation, son appréhension par les patients, ses débordements et ses mèmes parfois suscités par le désarroi d’usagers peinant à se retrouver devant un médecin rare, pressé, obnubilé par l’écran de son Mac et effaçant les us holistiques de ses confrères d’antan par une réduction du malade à des symptômes pour lesquels existent des médicaments déjà préchoisis et prédosés par un logiciel. Au tout dernier moment, l’éditeur s’est dérobé. Par conséquent, c’est avec une immense curiosité que j’ai entamé la lecture de Pour une médecine humaine. Étude philosophique d’une rencontre (Hermann, “Le bel aujourd’hui”, 2022, disponible par ex. ici pour 24 €) du professeur Gérard Reach, diabétologue et membre de l’Académie de médecine, soucieux de claquer dans ce fort volume de 450 pages un texte mêlant bilan, réflexion et perspectives sur la pratique médicale.
L’enquête part d’un audacieux présupposé, celui qui considère que médecin et patient sont tous deux des personnes (si) et, partant, que pour penser une “médecine humaine”, il faut s’interroger à la fois sur la nature de la relation entre les deux parties (c’est la”rencontre” dont parle le sous-titre) et sur la notion de personne – c’est pourquoi le présupposé est audacieux ! Or, pour arriver à cette fin, il convient de creuser encore plus profond pour déterminer comment penser la relation interpersonnelle. Pour penser, Gérard Reach propose une approche trilogique assez schématique pour être convaincante : la pensée s’articule autour

  • d’un savoir polymorphe,
  • d’un faire qui en tire (parfois) les conséquences, et
  • d’un être souvent lui-même articulé entre versants
    • professionnel,
    • social et
    • privé.

Dans cette perspective, la pensée est un acte singulier ; alors, peut-elle être partagée ? En d’autres termes, “comment deux personnes peuvent-elles penser ensemble ?” (23) Répondre à cette question est indispensable pour définir une médecine humaine, c’est-à-dire une médecine qui prenne en compte chacun des deux pôles d’une consultation dans sa spécificité d’être pensant. Les écrits de Hannah Arendt peuvent aider à percevoir les enjeux de ce questionnement.

  • D’abord, elle a souligné à travers l’exemple des totalitarismes et au premier chef du nazisme, que la pensée extirpe l’individu de la masse. À l’inverse, plus l’individu se fond dans la masse, plus sa possibilité de penser s’écrabouille, avec les conséquences que l’on ne peut plus ignorer.
  • Ensuite, la philosophe a insisté “sur le fait que les hommes agissent et pensent ensemble, en se parlant.” La pratique de la médecine s’appuie sur un décorum notamment local, technique, gestuel et idiolectique ; mais elle ne devrait pas faire l’économie de l’échange verbal allant au-delà de “Vous avez votre Carte vitale ? Mal à la gorge ? Très bien, je vous prescris du Doliprane et votre amoxicilline, c’est trente euros, vous serez remboursé par votre mutuelle, bon courage”.
  • Enfin, après avoir rappelé l’importance de la singularité et de la parole, Hannah Arendt a pointé la nécessité de réactiver sans cesse notre capacité à penser, laquelle a la fâcheuse tendance à se mettre sur veille pour éviter d’user les piles. Gérard Reach le traduit en langage médical en distinguant le possible, le souhaitable et l’éthique avec, voletant autour, le danger de l’acte mécanique et de l’hybris conduisant à de désastreuses innovations (40).

Suivons l’auteur en admettant, as far as we’re concerned, que penser soit nécessaire. Reste à déterminer l’essence du processus, id est comment fonctionne ce “penser”. Divers exemples et références conduisent Gérald Reach à estimer que la pensée est une manière de coordonner notre relation entre

  • un évènement,
  • des états mentaux incluant
    • désirs,
    • croyances,
    • émotions,
    • compétences,
    • connaissances et
    • éléments non intentionnels, et
  • action (53).

Ce désir d'”ajuster le monde à l’esprit” implique trois mécanismes.

  • La déduction tire d’une règle connue ce qui en découle ;
  • l’induction m’amène à tirer une règle de ce que je constate ;
  • l’abduction consiste à remettre en cause la règle si je constate que ce qui en découle ne s’y plie pas (72).

Évidemment, cette tripartition résonne avec le processus présidant au diagnostic médical, appliquant des règles générales à une réalité qui, souvent, cadre avec elles et, parfois se dérobe. Mais le raisonnement, médical ou non, affronte diverses interférences, plus ou moins bénéfiques, dont

  • l’intention,
  • la volonté (ou la “volition”),
  • l’habitude,
  • l’effort et
  • la soumission.

Or, ces interférences sont constitutives de la pensée. Gérald Reach en veut pour exemple le fait que longtemps, il a fumé la pipe, allant jusqu’à arracher l’étiquette lui rappelant – ce qu’il ne pouvait ignorer en tant que médecin et parent d’enfants furieux de le voir fumer – que fumer, c’est pas super bon pour la santé. En ce sens, penser ce qu’est penser oblige à admettre que le lien entre l’acte de penser et l’action n’est pas univoque. Il intègre trois virtualités :

  • l’irrationalité en tant que conséquence de l’émotion (j’aime bien fumer, donc je fume) ;
  • la possibilité d’une “duperie de soi” (je sais que fumer peut entraîner le cancer, mais je ne sais pas avec certitude que ce sera le cas pour moi) ; et
  • la confusion entre désirs et réalités (sur des gens vigilants et bien informés comme moi, le tabac ne saurait produire d’effets aussi délétères qu’un cancer) (95).

Ces façons de penser, plus ou moins chaotiques, s’étalonnent ici à l’aune de la médecine et de son mètre absolu : le cancer. L’auteur en fait le paradigme de la relation entre pensée et action, c’est-à-dire de notre gestion entre désir et temporalité. Actuellement, j’ai envie de fumer ; cependant, j’estime qu’il est préférable de mourir d’autre chose que du cancer (et plus tard de préférence) ; partant, je ne fume pas. C’est rationnel. Ce nonobstant, je sais qu’arrêter de fumer ne me préserve pas absolument du risque de cancer. Alors, pourquoi ne pas fumer – on verra plus tard si la règle générale se vérifie ? Gérald Reach évoque en diabétologue ses deux étonnements :

  • que des patients ne suivent pas leur traitement (ils préfèrent ce qui est immédiatement bon pour eux) et
  • que des patients le suivent (leur récompense peut paraître abstraite).

La question spinoziste qui en découle serait alors : “Qu’est-ce qui m’efforce de persévérer dans mon être ?” En d’autres termes, qu’est-ce qui me pousse à agir et me soigner pour conserver ma santé ? Il semble que la conception du temps, dans son immédiateté ou dans sa longueur, impacte notre capacité à réfléchir nos actions selon l’équilibre que nous trouvons pour le binôme patience-impatience (121). Une médecine humaine résulterait donc d’une prise en compte réciproque et explicitée des

  • perceptions,
  • analyses et
  • objectifs

du patient par le médecin et du médecin par le patient. Comment construire cette réciprocité en tant que base de la “rencontre” promise par le sous-titre du livre ? Nous le découvrirons peut-être, si Dieu ou Esculape nous prête vie, dans une prochaine notule !

 

Carlos Zaragoza et Kishin Nagai, “Five verses” (IBS) – 4/5

Première du disque

 

Voici une histoire sinon de vieux copain du moins de potager – celui

  • que l’on cultive,
  • que l’on habite, et
  • que l’on quitte un jour (pour toujours)

à l’instar d’autres qui plaquent leur arbre comme des saligauds ne sachant pas s’il est encore debout le chêne ou le sapin de son cercueil. Vincent David (que le livret préfère prénommer Vicent) s’est appuyé sur un poème de Juan Ramón Jiménez pour composer …Y…, une pièce placée après

dans le cadre du disque festonnant autour de “musique et poésie”,

D’après son site, Vincent David se considère comme “l’un des saxophonistes-compositeurs le plus reconnu au monde”, c’est pas rien. Son double statut apporte ainsi un contrepoint intéressant à Five Verses, écrit par un pianiste-compositeur. Il s’inspire d'”El viaje definitivo” (“Le dernier voyage”), qui pivote autour du “y”, le “et” espagnol. En gros, le texte raconte que le narrateur s’en ira et quittera son cher potager et cependant les cloches continueront de sonner et le village de vivre et le jardin de fleurir autour du puits blanc, et lui sera seul et sans foyer et sans arbre vert, et les oiseaux continueront de chanter.
En écho phonique au premier vers (“… y yo me iré”), le compositeur crée une cellule de cinq notes : si do mi mi bémol ré, avec, au cœur, le fameux “y”, donc le si, puisque ce qui déchire le poète est moins de partir que de prendre conscience que, quand il sera loin voire mort, ce qui est une façon assez radicale d’être loin, rien ne changera. Le travail sur la conjonction de coordination s’accompagne d’une exigence : il faut préparer le piano avec “des vis, de la pâte à fixe et une anche de saxophone”.
La cellule matricielle est énoncée à l’unisson par le sax soprano et la main droite du piano. Ce guide dans l’oreille, l’auditeur comprend très vite que la note n’est qu’une explicitation du projet musical. Ici,

  • les franges, périphéries, irisations sont aussi importantes que la hauteur,
  • la périphérie presque indéfinissable compte davantage que le son lui-même,
  • le souffle et la résonance habitent davantage la partition que la portée en tant que telle.

Cela fait peut-être écho au poème qui est celui du projet ou de la projection d’un départ définitif. Autrement dit, de même que l’idée n’est qu’une approche – souvent trompeuse – de la réalité, la note est une perception aussi utile que réductrice de la musique.

  • Cordes étouffées ou frottées,
  • claquements de doigts,
  • échos de registres entre les complices pivotant autour du si

côtoient une musique volontiers imitative

  • (trilles d’oiseaux,
  • frémissements éoliens,
  • clapotement de l’eau du puits,
  • prolongement évoquant la permanence du monde même après que nous l’avons quitté à travers
    • la pédalisation,
    • l’inclination pour les ostinato, et
    • la récurrence de la séquence liminaire ).

 

 

La torsion des sons naturels propres au piano et au saxophone semble, elle, se référer au déchirement que suscite cette vision.

  • L’usage du suraigu,
  • les effets de détimbrage et
  • les contrastes entre moments de synchronisation et de désynchronisation

creusent une esthétique de la narration imaginative.

  • Ici, une marche funèbre se pare d’un lyrisme inaccessible (la nostalgie ?) ;
  • çà, la partition s’engonce dans les graves avec une violence secouante (l’effroi ou le désespoir suscité par l’idée de la mort ?) ;
  • là, des récurrences en unisson tentent de prolonger l’instant qui se déforme puis se dérobe (la mise en sons de notre condition éphémère ?).

Partout, Vincent David paraît soucieux et capable de nourrir les fantasmes picturaux de son auditeur en travaillant

  • la granularité du son,
  • la variété des dynamiques et
  • l’intimité de l’énigmatique que scelle une coda en fade out imprévisible.

Le résultat ? Une musique

  • à la fois conceptuelle et incarnée,
  • tâchant de déborder le cadre strict donné par l’utilisation de deux instruments imposés, et
  • capable de captiver celui qui l’écoute par
    • sa puissance cinématographique,
    • sa richesse sonore et
    • sa capacité à associer astucieusement

      • récurrences servant de fil rouge,
      • surgissements réinjectant de l’attention donc de la profondeur d’écoute, et
      • élégance diégétique (le compositeur ne se contente pas de collationner des sons, il raconte une histoire à demi-mots musicaux).

En moins amphigourique, c’est vachement bien fait, d’autant que cette démarche séduisante bénéficie

  • de la souplesse,
  • de la précision et
  • de la conviction

des musiciens que nous retrouverons tantôt dans une dernière pièce avant que nos chemins ne bifurquent…

 

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