Fruits de la vigne – Domaine Striffling, « Le viognier de Guigui » 2023
Commercialisé par correspondance à 10 €, donc un peu plus cher chez les dealers version brick and mortar, le « Viognier de Guigui » est un vin de France monocépage produit par le domaine Striffling. L’entreprise le destine à une « vocation apéritive », peut-être pour partie grâce à sa faible teneur en alcool (à peine 11 %). Vinifié à basse température et élevé dans des cuves en inox, le jus est diffusé à deux mille bouteilles et peut être consommé dans les quatre ans suivant son embouteillage.
La robe du millésime 2023
- déploie une teinte unie,
- frisotte autour du jaune clair et
- semble chercher la juste nuance entre limpidité et chromatisme (avec un « chro », pas un « trau », bien).
Le nez
- sent le soleil,
- laisse entrevoir un fond d’herbe coupée puis
- s’épanouit en fricotant avec les agrumes, quelque part entre sanguine séchée et pamplemousse pas encore tout à fait mûr.
(Oui, je sais, officiellement, c’est plutôt la pêche ou l’abricot qui domine, mais cette notule étant officieuse, elle cherche à partager une expérience, pas à copier-coller un communiqué de presse ou une fiche-produit.)
La bouche
- offre une amertume délicate,
- se pare d’un arrière-goût sucré d’une élégance émoustillante, et
- laisse a posteriori barboter dans les naseaux comme un souvenir de café matinal.
À rebours des suggestions apéritives, notre dealer nous suggère de tester la fiole au cours d’un repas. Moderne comme un canevas qui remplacerait le cerf ou le soleil couchant par un cheeseburger, nous payons donc à la fiole un double mariage. Les asperges vertes grillées au four la chaussent comme un gant. Le plat
- renforce la douceur du vin,
- flatte son expressivité et
- permet de mieux apprécier la longueur en bouche du liquide quand l’explosion gustative des asperges s’atténue.
Dans un second temps, face à des échantillons finement coupés d’une charcuterie italienne très relevée, le viognier
- calme le feu d’un assaisonnement flamboyant,
- confronte agréablement sa puissance d’apaisement au piquant du mets, et
- convainc par son habileté à rendre très stimulante cette sensation oxymorique.
De quoi nous inciter à saluer ce nectar à l’évidence aussi multicartes qu’un VRP motivé. Grâce à lui, le temps d’une gorgée,
l’axe de la Terre dérive
et nos mains se rejoignent
soudain nous sommes
la lumière qui a manqué
(extrait de « Sans bord, sans bout du monde » [1995] d’Hélène Orion, in : Un visage appuyé contre le monde et autres poèmes, Gallimard, « Poésie », 2025, p. 132).