Giovanni Panzeca et alii jouent Boulanger, Gerber et Schulé (Cascavelle) – 5/6

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Première du disque

 

Pour conclure le récital René Gerber, au cœur de son nouveau disque, Giovanni Panzeca a choisi le Triptyque pour orgue, qui s’ouvre sur une pastorale, avec anche et trémolo. Le tempo est allant, la mélodie qui circule du grave au médium clairement caractérisée. L’organiste fait vibrer la musique en

  • actionnant la boîte expressive (qui permet de pratiquer crescendo et decrescendo),
  • soignant les couleurs de sa registration, et
  • en prêtant l’attention requise à l’acoustique pour éviter les effets de floutage.

Même si la personnalisation de la partition est perceptible (à 1’07 et à 4’05, par exemple, on soupçonne la coupure du mi de la pédale avant le passage en ternaire d’avoir été introduite moins pour laisser s’évaporer le son que pour faciliter d’éventuels montages, même si cette astuce annihile la liaison voulue par le compositeur entre ces deux pulsations – de même à 4’55 pour le passage de trois à quatre temps), la juxtaposition d’atmosphères sied à l’orgue Tamburini choisi pour l’enregistrement – un instrument de relativement petite taille, néanmoins à l’aise dans

  • les trios,
  • les fonds et
  • les fanfares,

et parfaitement adapté à ce répertoire. En permettant de colorer les multiples

  • explorations,
  • reformulations et
  • modulations

du thème matriciel, l’orgue met en valeur le travail sérieux de l’interprète, qui s’exprime tant dans sa restitution d’une partition loin d’être aussi simple à jouer qu’elle est fluide à écouter, que dans sa créativité dans le respect (ou non) des indications du compositeur relatives aux tempi (le ritendo et le passage à une battue modérée à 7’07 sont par exemple allègrement enjambés) : infidélité n’est pas toujours faute de goût !

 

 

Fidèle à sa patte, René Gerber substitue

  • au développement le remâchonnement (et hop),
  • au déploiement la mutation, et
  • à la geste narrative l’obstination permettant de réinventer l’identique jusqu’à le rendre méconnaissable donc palpitant à écouter au long des 7’30 de la composition.

S’insère alors une brève musette sur B-A-C-H. Il s’agit d’un trio où

  • la main droite divague gentiment autour
  • de blanches décalées à la pédale et
  • du motif matriciel, obstinément ressassé à l’anche de la main gauche (certes, René Gerber exigeait un hautbois à l’autre main, mais l’adaptation aux spécificités de l’orgue ici capté se peut défendre car, à l’écoute, cela fonctionne très bien).

La fonction d’interlude de cette miniature souligne le caractère construit de ce triptyque, où les pièces semblent se répondre les unes aux autres. Ce n’est pas une raison pour en savonner l’exécution, et Giovanni Panzeca s’en garde bien, qui ajoute même à 1’11 un solide ritendo à l’orée de la dernière reprise du contrechant liminaire.
Le cycle se conclut par une « Fête » en Si. Une curiosité : le livret propose l’incipit de la partition de l’allegro assai. Dès lors, l’on ne peut que s’étonner de la liberté avec laquelle l’organiste traite le texte – ainsi des quatre premières mesures de la pédale, qui s’éloignent sans fard de la rythmique mentionnée par le texte. Ce serait peut-être rédhibitoire en configuration d’examen ou de concours. Or, ça tombe bien, les circonstances sont autres et donnent plutôt l’intuition d’un musicien cherchant à interpréter le texte plutôt qu’à l’ânonner dans une lecture fade. Gardons-nous donc d’adopter une posture de clergyman guindé afin de mieux profiter de cette toccata de René Gerber çà et là librement redécorée par la fantaisie de Giovanni Panzeca. De la sorte, nous nous gobergerons davantage

  • de l’énergie du fortissimo,
  • de l’envie d’avancer dont témoignent le tempo et les modulations nourrissant le propos, ainsi que
  • de la tonicité transmise par l’agencement entre
    • le thème à la pédale,
    • le motorisme de la main gauche et
    • les commentaires de la main droite.

 

 

La seconde partie s’ouvre sur ce qui s’apparente un temps à une volée de cloches manualiter. René Gerber semble s’amuser de la plasticité de son thème dont il varie

  • la tonalité,
  • les accompagnements et jusqu’à
  • la rythmique, bientôt suspendue pour préparer le retour du thème premier à la pédale.

Giovanni Panzeca interprète avec une vitalité bienvenue – dont témoigne la liberté dont il fait preuve pour intensifier le dynamisme, comme cette énergisation de la main droite à 1′, pour la conclusion de la première partie – cet hymne à la joie auréolé d’une coda solennelle non dénuée de la surprise qui va bien (avant-dernier accord). Les limites d’un clavier d’orgue expliquent la non-octaviation à 1’44 (en fonction des instruments, une octaviation par une registration appropriée pourrait être envisagée) ; en revanche, à 3’07, les octaviations des deux premières mesures à trilles (sol# de l’une, fa# de l’autre) ont plus à voir avec l’enthousiasme de l’interprète en plein finale qu’avec les contraintes techniques de l’orgue !
Autant de signes que nous avons affaire à une interprétation tonique et joyeuse, ce qui n’est pas tout à fait pour nous déplaire… et ce qui
suscite la curiosité pour la dernière piste du disque, promettant les Métamorphoses sur un air ancien, id est l’opus 51 de Bernard Schulé. Nous la chroniquerons prochainement. D’ici là,

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À suivre !