Les grands entretiens – Cyprien Katsaris, l’intégrale

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Photo : Bertrand Ferrier

Tout commence par une notule de notre composition sur un disque associant des œuvres de Cyprien Katsaris à celles de Mikis Theodorakis. En guise de pitch, une captatio provocatrice : « Cyprien Katsaris serait le Tom Cruise de la musique si Tom Cruise avait du talent. » L’interprète, concertiste international depuis plusieurs décennies, agacé d’être à nouveau placé sous le sceau de la scientologie (et irrité par notre peu d’estime pour Tom Cruise, n°2 de l’Église), s’émeut. Nous lui proposons de le rencontrer afin de comprendre l’impact de la scientologie sur son travail artistique. Entre deux concerts et trois jurys internationaux, il accepte. Voici le résultat : un feuilleton exclusif sur un artiste engagé, réalisé en 2018 et publié pour la première fois intégralement.


1. La scientologie vue par l’artiste


Le projet de cet entretien est de vous permettre d’exprimer – et de nous permettre de comprendre – l’importance de la scientologie dans votre art. En effet, vous avez exprimé publiquement, à de nombreuses reprises, votre attachement à la doctrine de Hubbard et à son Église. Cet engagement est rare chez un “musicien classique” français ; et il n’est pas sans inconvénient. Pour preuve, vous êtes souvent exaspéré quand des critiques musicaux, professionnels ou dilettantes, font référence à cet engagement. Vous estimez en effet que ces scribouillards caricaturent votre position en ignorant tout de votre engagement – tout sauf, expliquez-vous, ce que ressassent les médias scientophobes. Cet entretien a donc pour objectif de clarifier ce que croit un scientologue (1), comment la scientologie a rencontré et influencé votre travail d’artiste (2), et comment l’artiste que vous êtes vit son engagement en faveur d’une organisation très controversée (3).
D’emblée, je tiens à préciser que vous m’avez proposé de relire la retranscription de mes propos. Je ne le veux pas. Vous écrivez ce que vous voulez. Vous êtes entièrement libre. Simplement, j’ai souhaité vous rencontrer pour vous donner un point de vue autre. Je vais vous parler de l’intérieur, par opposition ou par contraste avec ce qui est colporté sur Internet. Donc, dans un premier temps, je tiens à vous donner quelques informations sur ce qu’est la scientologie, en précisant toutefois que je ne suis pas son porte-étendard. Personne ne m’a jamais demandé de l’être.

Néanmoins, vous donnez l’impression d’être souvent en première ligne pour défendre et justifier l’Église de scientologie.
En première ligne ? Non, mais j’estime qu’il y a une injustice des grands médias. Pour vendre, ils aiment parler de sujets controversés, catastrophistes ou sensationnalistes. Ils sont prompts à signaler que l’Église est en procès, mais absents au moment de reconnaître que 90 % de ces affaires ont été gagnées par l’institution. En Belgique, il y a deux-trois ans, le juge a déclaré à la fin du procès : « Je n’ai trouvé aucun méfait à leur reprocher, ces gens-là sont poursuivis uniquement parce qu’ils sont scientologues. » Il y a bien quelque chose qui ne colle pas. La scientologie gêne.

Qui gêne-t-elle, d’après vous ?
Pour le comprendre, il faut comprendre ce qu’elle est, donc qui était L. Ron Hubbard, le fameux LRH ! LRH était un personnage multitalentueux. C’était l’un des plus célèbres auteurs de science-fiction, très admiré d’Isaac Asimov. Il a écrit beaucoup de bouquins d’aventure, afin de gagner de l’argent. Cet argent lui a permis de continuer ses recherches dans le domaine du mental et de l’esprit.

Pouvez-vous préciser ce qui, selon LRH, distingue le mental et l’esprit ?
Au début, c’était assez proche. Mais, au fil du temps, LRH a affiné son analyse. Disons que le montreur de marionnette, c’est l’esprit ou l’âme ; les fils, le mental ; la marionnette, le corps.

Revenons-en à LRH…
C’est un homme fabuleux. Il a été explorateur. Il a été pris dans la Seconde Guerre mondiale. Marin, il a été très lourdement blessé jusqu’à perdre l’usage d’un œil et à finir estropié. Or, il a récupéré toute sa santé par lui-même, en rapport avec ce qu’il avait découvert du sujet, du mental et de l’esprit[1]. Il a été aviateur, photographe ; il a même composé de la musique légère. En 1950, ce personnage tout à fait particulier publie son premier ouvrage de base, La Dianétique. La dianétique, Bertrand, c’est un néologisme qui vient du grec : dia, à travers, et nous, le mental.

Comment définiriez-vous ce terme ?
La dianétique est une méthode qui permet à une personne de se débarrasser, par elle-même et grâce à cet outil, de toutes sortes de choses qui peuvent la gêner dans la vie – ce que nous appelons des aberrations mentales. La vérité, c’est que nous sommes tous un p’tit peu zinzins, à des degrés divers. Toutes sortes de raisons l’expliquent. Elles proviennent du passé et forgent ce que nous appelons une attitude aberrée. Or, lorsque LRH a synthétisé ses découvertes, il les a envoyées à l’association gouvernementale officielle des psychiatres. Les mandarins, prenant cela de haut, n’ont pas répondu mais y ont vu une certaine rivalité. Ils ont donc rejeté ces découvertes que LRH voulait leur offrir, et ils ont eu peur car il obtenait des résultats absolument sensationnels[2]. Il faut savoir qu’un tout premier manuscrit de LRH avait été piqué par Staline[3]. Celui-ci avait entendu parler de ses découvertes, et avait imaginé qu’il pourrait utiliser les découvertes de LRH dans le domaine militaire, par ex. pour le contrôle mental. Une agence de renseignements américaine lui a aussi proposé de travailler pour eux – LRH a refusé. Il voulait rester indépendant car son but était d’aider les gens à se débarrasser de ce qui peut les gêner dans leur vie, et à s’améliorer sur le plan des aptitudes quelles qu’elles soient.

Quand paraît La Dianétique
… oh, c’est aussitôt un énorme succès qui ne s’est pas démenti : actuellement, il a dépassé les vingt ou trente millions d’exemplaires, et il a été traduit en plus de cinquante langues[4]. Par la suite, LRH a continué ses recherches et, en 1954, il a isolé ce que l’on appelle communément l’âme ou l’esprit. En d’autres termes, il a découvert qu’il existe une étape ultérieure. La dianétique, par rapport au mental, peut aider jusqu’à un certain point ; mais il faut que l’être spirituel s’en occupe… en toute liberté ! Car une règle d’or dit : ce qui n’est pas réel pour vous n’est pas réel pour vous, alors ce n’est pas réel pour vous. Par exemple, cette chaise, je ne peux pas vous obliger à croire qu’elle est bleue. Si vous me dites qu’elle est rouge, je ne vous obligerai pas à croire qu’elle est bleue. En revanche, je peux vous donner un outil pour que, par vous-même, vous découvriez si cette chaise est bleue ou rouge. En scientologie, rien n’est imposé. Il faut découvrir par soi-même. Venez, je dois vous montrer quelque chose…

La bibliothèque LRH de Cyprien Katsaris (détail). Photo : Bertrand Ferrier.

Mazette, quelle bibliothèque ! Il y a là plusieurs dizaines de volumes, peut-être plus de deux cents, tous issus des écrits ou dits de Ron Hubbard…
Les volumes que vous voyez sont très différents les uns des autres. Il y en a de sept sortes. Par exemple, LRH publiait des bulletins au fur et à mesure de ses recherches. Ce sont les volumes rouges que vous apercevez. Les volumes verts concernent le management.

Quel rapport entre des écrits sur le management et la doctrine d’une religion ?
Pour faire connaître toute la masse de connaissances assemblée par LRH, il a fallu mettre au point des organisations de scientologie où les gens puissent aller étudier.

Vous-même, avez-vous étudié le management scientologique ?
Non, ce n’est pas mon domaine. Cependant, quelqu’un qui veut se lancer dans une entreprise peut utiliser tout ce qui est écrit là-dedans. Donc vous avez des livres rouges, des livres verts ; là, troisième sorte, les volumes bleus rassemblent les premières retranscriptions écrites des conférences.

Et après cela se trouvent d’énormes classeurs…
Oui, c’est la quatrième sorte de livres. Vous avez là entre deux mille et deux mille cinq cents conférences. À côté, vous avez la cinquième sorte de livres : ceux qui ont été publiés du vivant de LRH, comme La Dianétique, les deux qui ont précédé et en posent les prémisses, ainsi que d’autres volumes. Après quoi, sixième sorte, vous avez des ouvrages de science-fiction, que je n’ai pas lus. Et, septième sorte de livres, vous avez, ici en anglais mais je l’ai aussi en français, un catalogue chronologique des matériaux de dianétique et de scientologie.

C’est impressionnant ! Ce nonobstant, le cœur de votre bibliothèque spéciale, ce sont ces mystérieux classeurs…
Ces dizaines de classeurs que vous jugez « mystérieux », qu’est-ce que c’est ? Ce sont quelques-unes des trois mille conférences que LRH a données sur des sujets aussi divers que le mental ou la technologie. En scientologie, nous parlons de technologie au sens américain d’« ensemble de méthodes appliquées ». La scientologie est une technologie pour apprendre à apprendre. Ça s’applique à tous les domaines. Les scientologues progressent ainsi. Par exemple, moi, qui n’étais pas bon en math, j’ai enfin compris pourquoi… et je pourrais m’y mettre très facilement.

Donc tous ces classeurs pas-mystérieux rassemblent des conférences ?
Oui. Elles ont été traduites de l’américain en une vingtaine de langues, dans les studios spéciaux de Golden Era Production. Elles sont disponibles en disque et par écrit. Cela signifie que nous disposons d’un corps de connaissances unique dans toute l’histoire de l’humanité. Voilà pourquoi il est surprenant que la scientologie ne soit pas encore reconnue en France, alors qu’elle l’est aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, en Suède, etc. Pour la France, l’Église de scientologie reste une secte. C’est une aberration ! Quelqu’un de libre et rebelle comme moi, jamais il ne lui viendrait à l’idée de faire partie d’une secte.

Et pourquoi pas ?
Parce qu’une secte est limitée et limitante. On ne peut pas en sortir.

Avant de polémiquer (gardons cela pour la dernière partie de l’entretien !), permettez-moi de vous demander ce que signifie, pour vous, ce mur hubbardien…
J’ai voulu acquérir toute la bibliothèque disponible[5], mais il est évident que je n’ai pas encore tout parcouru. Pourtant, un metteur en scène m’a posé la question, un jour : pourquoi ce corps de connaissance ne fait-il pas partie de l’université ?

Au préalable, je voudrais poser une petite question. Cette énorme bibliothèque dont vous n’avez, en quelque sorte, qu’entamé la lecture, quelle est sa fonction : soutien à la scientologie contre les attaques, fanitude devant LRH, plaisir intellectuel du « je ne lirai pas tout mais j’ai tout à portée de main »…
Très bonne question. En effet, j’aime bien tout avoir à portée de la main. Cependant, quand j’étudie la scientologie, je ne le fais pas seul. Pour étudier la scientologie, il faut suivre deux voies. D’une part, aller dans une Académie où vous étudiez sous la surveillance d’un superviseur, très sympa et très formé, prêt à intervenir pour vous aider quand vous le sollicitez[6]. D’autre part, se faire auditer. Qu’est-ce que l’auditing ? Déjà, disons que cela n’a rien à voir avec la psychanalyse. Se faire auditer, c’est être assisté par un auditeur qui a étudié pour cela, et dont le grade est variable selon l’expertise. Il vous pose des questions pour vous aider à découvrir plein de choses en vous. Il note toutes vos réponses et transmet ses notes à une autre personne, que vous ne rencontrez pas et qui s’appelle le « superviseur de cas ». Son rôle est de déterminer comment se fera la prochaine séance d’auditing. L’audition, c’est comme une pomme que l’on épluche petit à petit. Le but est de se débarrasser des choses qui peuvent gêner dans tous les domaines. Pour cela, nous disposons d’un outil appelé l’électromètre. Vous tenez deux boîtes, reliées à l’électromètre, qui font passer un très léger courant et qui, en fonction des réponses, aident l’auditeur à détecter une certaine charge émotionnelle et à en libérer l’audité afin que, petit à petit, il progresse. Ceci se fait de manière extrêmement précise, pas du tout empirique ou pragmatique.

Vous voulez dire que la scientologie n’est pas une croyance ?
C’est une religion, nuance ! Le mot « scientologie » vient du latin scio, savoir, et du grec logos, étude. Comme je vous l’ai dit, il s’agit de savoir comment savoir. Ça traite de vous par rapport à vous, aux autres et à l’univers. Il y a énormément de niveaux, y compris des niveaux confidentiels par sécurité, tout en haut.

Mais en quoi est-ce une religion ?
C’est une philosophie religieuse appliquée, parce que le but de la philosophie est d’aider l’homme à vivre une vie meilleure – sauf que, parfois, en lisant des bouquins de philosophie, on se demande si les gars qui les écrivent comprennent eux-mêmes ce qu’ils ont écrit. Bref, moi qui viens d’une famille orthodoxe, je dois admettre que la religion scientologique est plus proche d’une spiritualité orientale. Lorsque Bouddha était Siddhārtha Gautama, un prince richissime, il a quitté son palais et est allé méditer sous un arbre. Il voulait se découvrir lui-même en tant qu’être spirituel. C’est en ce sens que la scientologie est une religion : elle vous amène à faire un travail sur vous-même en tant qu’être spirituel.

Pour faire plus religion, elle affiche aussi l’usage de la croix, le col romain pour ses ministres du culte et une croyance en Dieu…
Non, il n’y a pas de croyance en Dieu toute faite. On découvre, par soi-même, dans ce que l’on fait, ce qui peut être considéré comme le concept de Dieu. Pour le reste, on évite de s’en tenir à des données verbales. Il vaut mieux étudier et lire pour découvrir le concept de Dieu par rapport à vous-même en tant qu’être spirituel, selon les subdivisions qui structurent la vie… mais je ne veux pas asséner de données verbales. Cela pourrait semer la confusion.

Semer la confusion, ou la dissiper !
Dans ce cas, plutôt que je parle, je préfère que vous vous référiez directement au nouveau livre d’Éric Roux[7]. J’en ai commandé trois exemplaires, et il est arrivé une heure et demie avant vous. Je vous l’offre, et j’y ajoute le DVD de la seule interview que LRH ait donnée au Royaume Uni.

Merci beaucoup. Donc, pour synthétiser ce que vous avez le droit de dire, on peut estimer que la scientologie est une religion parce qu’elle considère l’homme dans sa dimension spirituelle. C’est ce que vous posiez, en 2009, dans un reportage pour « Infrarouge » diffusé sur France 2, à la sortie d’un procès de l’Église : « Hubbard nous a donné un outil pour découvrir par nous-mêmes qui nous sommes en tant qu’êtres spirituels. »[8] Autrement dit, la scientologie n’est pas une religion au sens où elle lierait l’homme à une divinité…
Non.

Voire à des extraterrestres…
Il est exact que, dans certaines conférences, dans certains écrits, Hubbard peut faire référence à de possibles civilisations extraterrestres. Cependant, c’est, à mon sens, très anecdotique dans le vaste ensemble de ses écrits sur le sujet de la scientologie. Ce qui compte, en scientologie, c’est comment cette philosophie religieuse peut aider l’être à retrouver plus de liberté, plus de bonté, plus d’aptitudes, etc. Et les références dont je parle (très minoritaires dans l’ensemble des écrits) doivent être comprises dans ce vaste ensemble, et non sorties de leur contexte. Comme je vous l’ai dit, la scientologie est un sujet d’étude passionnant, mais je pense qu’on ne peut pas prétendre la comprendre en se contentant de bribes d’informations glanées sur Internet, qui peuvent être fausses, tronquées ou sorties de leur contexte. Vous savez, il y a tellement de choses qui sont racontées… Tellement de rumeurs, de mensonges… Même le gouvernement actuel s’est lancé dans une bataille contre les fake news. Il faut faire attention à ce que l’on raconte sur Internet !

Reste que, outre l’hostilité qu’elle suscite depuis des décennies, la confusion qui règne autour de la scientologie peut aussi être due, pour partie, à l’aspect protéiforme du concept : c’est une sorte d’analyse psy, une cosmogonie avec ce fameux seigneur Xenu[9] et le concept de vies passées, un groupe de pairs hiérarchisés, une doctrine visant à apporter « un peu de ciel bleu » aux hommes comme l’écrivait LRH… Pour vous, la scientologie consiste-t-elle, essentiellement, à redéfinir l’homme comme être spirituel ?
Très bonne question, mais je vous répondrais : pas uniquement. Le rôle de la scientologie est de contribuer à ce qu’advienne une civilisation saine sur cette planète folle, et à éradiquer aussi tout ce qui est barbarie. Pendant des millénaires, on s’est tapé dessus à l’arme blanche. Ensuite, il y a eu les armes à feu. Depuis soixante-dix ans, il y a l’arme atomique. Si un fou appuie sur le bouton, on va bien rigoler. Le but de la scientologie est d’assainir tout ça. On a fait croire à la population que LRH avait dit : « Pour devenir richissime, il suffit de créer une nouvelle religion. » Sauf que l’auteur de cette phrase s’appelle George Orwell, et il l’a écrit dans 1984. En réalité, la scientologie peut aider celui qui veut être aidé. On ne peut pas forcer quelqu’un. À cela s’ajoute la dimension civilisationnelle. En aidant les gens à avoir un comportement de moins en moins aberré, nous voulons apaiser la situation. Vous vous rendez compte que, aux États-Unis, il y a trois cents millions d’armes en circulation ? N’importe qui, parce qu’il s’énerve, peut aller tuer dix-sept écoliers. C’est normal, ça ? La scientologie propose donc une réponse personnelle et civilisationnelle à l’aberration humaine.

À suivre : « La scientologie et l’art »


Notes

[1] « Dans les nombreux examens physiques et radios que contient le dossier médical de Hubbard, il n’est nulle part question de cicatrices ou de traces de blessures, et le dossier militaires n’indique à aucun moment qu’il aurait été blessé pendant la guerre. » (Lawrence Wright, Devenir clair. La Scientologie, Hollywood et la prison de la foi [2013], trad. Laurent Bury, Piranha, 2015, p. 57) Quant à sa vue, « Hubbard avait une très mauvaise vue. Avant la guerre, la Naval Academy et la Naval Reserve l’avaient refusé à cause de ses yeux. Il porta des lunettes pendant toute la durée du conflit. En 1951, lors d’un examen pour déterminer son degré d’invalidité médicale, sa vision fut mesurée à 20/200 (…), presque exactement comme pendant la guerre. » (Wright, 116)
[2] « Pendant la rédaction de La Dianétique, Hubbard contacta l’American Psychiatric Association et l’American Psychological Association en se faisant passer pour un collègue (…) Dans une lettre semblable, destinée à l’American Gerontological Society, il déclarait aussi que seize des vingt personnes avaient été positivement rajeunies. (…) Quand des scientifiques procédèrent à des tests et s’aperçurent que les techniques de Hubbard ne produisaient aucune amélioration mesurable, il leur reprocha de n’avoir pas compris son système. Ce rejet par l’institution psychiatrique » l’amena à penser que « la psychiatrie était la seule cause de déclin de notre univers. » (Wright, 87-88)
[3] En fait, selon d’autres sources, « en 1955, LRH distribua une brochure dont il était sans doute l’auteur, intitulée Lavage de cerveau : une synthèse du manuel russe de psychopolitique. Pour certains ex-scientologues, ce texte est l’esquisse du grand projet de Hubbard. (…) La brochure débute par un discours qui aurait été prononcé par Beria, chef de la police secrète soviétique sous Staline, devant des étudiants américains à l’université Lénine, sur (…) l’effet de la conquête des nations ennemies par la guérison mentale » (Wright, 169).
[4] « D’après le Livre Guiness des records, LRH est aujourd’hui l’auteur le plus traduit au monde (70 langues en 2010) et le plus publié avec 1084 œuvres originales (2006). » (Éric Roux, Tout savoir sur la scientologie, Pierre-Guillaume de Roux, 2018, p. 41)
[5] « L’ensemble des œuvres composant le corpus des écritures de scientologie comprend plus de cinq cent mille pages et trois mille conférences enregistrées. Leur unique source est L. Ron Hubbard. » (Ibid.)
[6] Voir le reportage « Au cœur de la scientologie » [2015] (Stéphane Girard, réal. ; Tac Presse, prod. ; M6, « Enquête exclusive », diff. ; https://youtu.be/V3nQNaprFJE?t=25m3s.)
[7] « La scientologie ne contient pas de dogme quant à la nature et la forme de Dieu (…). Les scientologues n’ont pas de vision anthropomorphique de Dieu. (…) L’existence de Dieu comme créateur est pourtant affirmée et jamais remise en question dans les écritures, mais la scientologie laisse à chacun le soin de la découvrir par soi-même. » (Roux, 57-58) Notons que ce livre est publié chez PG de Roux dans la collection d’Éric Roux [le « roux » est important pour la scientologie], lequel ne précise pas en quatrième qu’il est « ministre du culte de l’Église de scientologie » ; il ne stipule pas non plus qu’il est le « président de l’Union des églises de scientologie de France » et le numéro deux européen de l’organisation. Non, avec une mauvaise foi, si l’on peut dire, presque amusante sinon confondante, il se décrit ainsi : « Écrivain et essayiste, Éric Roux a passé plus de vingt ans dans le clergé. Spécialiste de la scientologie, il s’efforce de dissiper les incompréhensions qui peuvent résulter de la méconnaissance des croyances de chacun. »
[8] Voir le reportage « Scientologie, la vérité sur un mensonge » [2009] (Jean-Charles Deniau et Madeleine Sultan, réal. ; Novaprod Owl, prod. ; France 2, « Infrarouge », diff. ; https://youtu.be/IKFePySJt8c?t=4m21s.)
[9] « Central dans l’histoire d’OT III [grade guidant le scientologue vers la liberté totale], l’incident de Xenu eut lieu il y a soixante-quinze millions d’années. (…) Un seigneur tyrannique nommé Xenu gouvernait la Confédération. » Renversé, il fut « enfermé dans une cage électrifiée enterrée dans une montagne. “Il y a peu de risques qu’il en sorte un jour”, dit Hubbard. » (Conférence « Assists », Classe VIII, Bande 10, 3 octobre 1968, cité in : Wright, 124-125.)

La réponse d’Éric Roux

Cher monsieur,
Je me permets de vous écrire suite à l’article que vous avez publié sur votre site, « Cyprien Katsaris : la scientologie, l’artiste et l’art (1) », mon ami Cyprien m’ayant envoyé le lien vers ce dernier ce matin.
L’article est dans l’ensemble de très bonne facture, et le publier me semble courageux. Cependant, je me permets de vous faire quelques remarques, que vous prendrez en compte ou pas dans l’avenir. Ces remarques ne concernent pas l’interview en elle-même (ça, c’est entre vous et Cyprien), mais plutôt vos notes de bas de page.
Tout d’abord, en ce qui concerne votre remarque sur mon ouvrage Tout Savoir sur la Scientologie, qui vient de paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, sachez que ce n’est pas moi qui ai décidé ce qui est écrit sur la quatrième de couverture. C’est le choix de l’éditeur de me présenter de cette manière. D’ailleurs, soit dit en passant, le texte de présentation est absolument véridique. Je fais confiance, cependant, aux lecteurs, pour taper mon nom dans Google et se renseigner amplement sur toutes mes casquettes. Je n’ai jamais été du genre à cacher ni mes convictions ni mes activités, comme vous avez certainement pu vous en rendre compte. Aussi, si ça n’était pas clair pour vous, sachez que Pierre-Guillaume de Roux et moi-même n’avons aucun lien de parenté (ça s’est pour votre remarque sur les roux J). Et il n’est absolument pas scientologue, et je pense que le seul scientologue qu’il ait jamais rencontré dans sa vie, c’est moi. De plus, il ne s’agit pas de « ma collection », mais d’une collection dont l’éditeur a effectivement confié la direction à moi-même, mais aussi à Jean-Luc Maxence (https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_Maxence), qui n’est, lui non plus, pas scientologue. La raison, en ce qui me concerne, est ma connaissance des minorités religieuses, et non mon appartenance à la Scientologie. D’ailleurs, dans la même collection, sous notre direction, vient de paraître « Tout Savoir sur la religion mormone ».
Ensuite, dans vos notes de bas de page, vous utilisez comme source principale de vos informations le livre de Lawrence Wright, Going Clear. C’est, me semble-t-il, dommage. Outre le fait que la manière dont Lawrence Wright a écrit son livre manque cruellement de rigueur (et je ne parle pas de ses motivations), il existe des sources universitaires et sérieuses sur les sujets que vous évoquez. En ce qui concerne le livre de Lawrence Wright et la quantité formidable de contre-vérités qu’il contient, je vous renvoie à cette article publié par l’Église suite à la publication de la première version de son livre, sous la forme d’un long article dans le magazine New-Yorker. J’espère que vous lisez l’anglais : http://www.freedommag.org/special-reports/new-yorker/the-new-yorker-what-a-load-of-balderdash.html.
Par exemple, concernant le Manuel de lavage de Cerveau, je joins à cet email un article du Professeur Massimo Introvigne (https://en.wikipedia.org/wiki/Massimo_Introvigne) publié en français dans le l’ouvrage universitaire Acta Comparanda : Scientology in a scholarly perspective L’article s’appelle « L. Ron Hubbard croyait-il au lavage de cerveau ? L’étrange histoire du Manuel sur le lavage de cerveau rédigé en 1955 ».
En ce qui concerne vos notes de bas de page 1 et 2, il y a par exemple l’ouvrage de Gordon Melton, The Church of Scientology, (https://www.amazon.com/Church-Scientology-Studies-Contemporary-Religions/dp/1560851392), dont j’ai un exemplaire en français à la maison. Malheureusement, je suis en voyage encore pendant une semaine donc je n’y ai pas accès. Je vais voir si je peux m’en faire envoyer quelques pages scannées d’ici-là, mais quoi qu’il en soit, si vous êtes d’accord, je me permettrai de vous envoyer les pages correspondant à ces deux notes dès que je le pourrai. Si je me souviens bien, l’ouvrage contient par exemple une revue fouillée des documents officiels relatifs aux années de guerre de Hubbard, de même que des documents relatifs aux premières années de la Dianétique.
Si vous avez des questions, à l’avenir, n’hésitez pas à m’écrire, je me ferai un plaisir d’y répondre dans la mesure de mes capacités. Si cela vous intéresse, bien entendu.
Bien cordialement,
Eric Roux.


2. La scientologie et l’art

Cyprien Katsaris chez lui, le 24 février 2018. Photo : Bertrand Ferrier.

Cyprien Katsaris, pour la deuxième partie de cet entretien, voulez-vous nous révéler comment vous êtes devenu scientologue ?
Avant tout, je veux préciser que je respecte toutes les religions à condition qu’elles ne portent préjudice à personne – je pense que l’on se comprend. Vous le savez, je viens d’une famille orthodoxe. Or, les orthodoxes sont extrêmement croyants. Pour moi, la religion est donc quelque chose qui ne se traite pas à la légère. Anecdote personnelle : j’avais une petite amie bavaroise, avec qui je suis toujours en contacts amicaux. Les Bavarois sont très, très, très catho. Dans les bâtiments publics, il y a la croix : rien à voir avec la laïcité française. Je respectais beaucoup la religion de mon amie. Elle, elle considérait que la scientologie, c’est, comment dire ? de la merde. Je me souviens de l’avoir emmenée à Rome le premier janvier 2000 ou 2001, afin d’assister à la bénédiction Urbi et orbi du pape. Hélas, elle n’a jamais eu le même respect à l’endroit de la scientologie. Bon, je le comprends aussi car, à l’époque, les attaques étaient encore plus violentes qu’aujourd’hui…

Vous êtes tolérant, soit. Mais comment avez-vous basculé dans la scientologie, reformulerais-je pour vous provoquer ?
Pour le comprendre, il faut remonter à mon plus jeune âge. Je n’ai eu de cesse de chercher à comprendre ce que nous faisons sur cette Terre, d’où nous venons, où nous allons, etc. Quand j’étais étudiant au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, j’ai constaté que l’on apprenait l’instrument mais pas comment affronter un public (sic). Donc j’ai lu quelques bouquins de psychologie ; j’ai fait un peu de radiesthésie ; j’ai étudié les histoires de phosphènes du docteur Albert Leprince – j’ai encore des bouquins où l’on vous explique que, en regardant une lampe, les yeux fermés, vous découvrez des petites lumières qui vous permettent de faire de la voyance. Ça n’a jamais marché. Je me suis intéressé à l’hypnose – j’ai essayé d’hypnotiser un copain, comme ça, pof… en vain ! J’ai aussi fait un peu de yoga – rien ! Et, un jour, fin 1976, des personnes me parlent de La Dianétique.

Quel genre de personnes ?
Il y avait un pianiste classique, professeur très réputé, qui vivait à Los Angeles et parlait très bien le français. Mario Feninger, qui nous a quittés très récemment à un âge avancé, était un ami de Hubbard. Grâce à lui, j’ai lu La Dianétique. Ça m’a passionné. J’ai décidé d’en savoir plus en allant au cœur de l’organisation la plus importante, en Floride. J’y suis souvent retourné. J’y ai rencontré Chick Corea, le grand pianiste de jazz, un type très très sympa ; mais j’ai aussi rencontré plein de gens venant du monde entier pour étudier à fond la scientologie. En Floride, c’est un endroit extraordinaire où l’on trouve plusieurs hôtels pour loger, ainsi que plusieurs bâtiments pour étudier les niveaux les plus avancés que l’on ne peut découvrir ailleurs. J’ai trouvé cette matière de plus en plus passionnante.

Quel impact ces découvertes ont-elles eu sur votre travail artistique ?
La scientologie m’a aidé et peut aider tout artiste à mieux comprendre le phénomène émotionnel de l’art, et à mieux communiquer au public une émotion – par exemple musicale. Il y a même un cours sur l’art que peuvent faire des acteurs, des danseuses, etc. Cela dit, de nos jours, il faut faire attention, alors je le dis tout rond : il ne faut pas confondre la scientologie et la médecine. La scientologie n’est pas là pour guérir un corps. En revanche, en scientologie, on peut faire un travail spirituel, grâce à énormément de procédés, et ce travail peut contribuer spirituellement à accélérer le travail de la médecine officielle.

Vous l’avez vécu personnellement ?
C’est le cas de le dire ! Je vais vous révéler deux exemples. L’un, j’en ai parlé très brièvement sur France Musique il y a cinq ans ; l’autre, je ne l’ai encore jamais révélé. Il y a cinq ans, je ne faisais pas attention à ce que je mangeais ; et, en plein concert à Berlin, cinq minutes avant la fin du récital, tandis que je jouais ma transcription du Deuxième concerto de Liszt… Pardon pour la parenthèse, mais voilà encore un morceau qui me rend dingue sur le plan de la difficulté ! Je l’ai joué il y a sept jours aux Pays-Bas… Bref, cinq minutes avant la fin du récital que je donnais pour l’ambassade de Chypre, à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de notre République, je ne sens plus rien. Je le signale au public. Les gens pensaient que je plaisantais. En réalité, je faisais un AVC sur scène. Ils ont envoyé une ambulance. J’ai été hospitalisé dans le plus grand hôpital allemand, l’hôpital Charité, héritage de l’exil huguenot lorsque les protestants n’étaient plus les bienvenus en France, euphémisme. Le diagnostic était simple : soit je mourais, soit je finissais mes jours dans un fauteuil roulant. Tout avait disparu à gauche. J’avais le visage déformé. Toute la nuit, à l’hôpital (je suis tombé en plein enchaînement de jours fériés…), j’ai fait ce qu’il fallait. Vers six heures du matin, j’avais recouvré toutes les sensations et toute la mobilité.

Grâce à la scientologie ?
Vous vous en doutez, j’ai été très bien soigné sur le plan physique. Néanmoins, les médecins m’ont dit : « C’est incroyable que vous ayez récupéré aussi rapidement. » Ils m’envoient quand même une physiothérapeute, tout à fait superfétatoire. Je demande : « Est-ce qu’il y a un piano, dans ce bâtiment ? » Ils en trouvent un dans une pièce où se déroulent des conférences. Je m’y rends. Je joue avec la main gauche plein de traits rapides pour leur montrer que ça marche bien. Devant moi, il y a cinq ou six médecins. L’un d’entre eux me demande l’autorisation de filmer en m’expliquant vouloir montrer mon cas à des collègues. Le concert avait eu lieu le premier octobre. Le lendemain, la Saint-Cyprien chez les orthodoxes, ça ne s’invente pas, mon assistante m’appelle et m’annonce : « Je viens de recevoir une demande pour un récital en Hongrie. Il s’agirait de remplacer Zoltán Kocsis [mort en 2016 d’un cancer]. Il a de graves problèmes cardiaques et a dû annuler. Le problème, c’est que la date est fixée au 15 décembre. » Malgré mon AVC de la veille, j’ai répondu : « Je le ferai. » Et je l’ai fait. Le concert a eu lieu à Györ, la troisième plus importante ville de Hongrie. Ils ont dû aimer, puisqu’ils m’ont réinvité pour un concert là-bas et un autre à l’Académie Franz-Liszt.

Le 17 octobre, je donnais un récital à Bruxelles. Le 19 octobre, je donnais un autre programme au festival Piano en Valois à Angoulême. Je crois qu’ils font partie des meilleurs concerts que j’ai donnés.

Cette série d’exploits, malgré vos précautions oratoires, vous sous-entendez que vous l’attribuez à la scientologie…
Je ne raconte pas cela pour me vanter, mais je ne peux m’empêcher de penser que, cela, oui, je le dois à la scientologie à 50 %, et à 50 % à la médecine.

Nous voilà prêts pour le second épisode que vous n’aviez jamais raconté…
Il y a deux ans, Bertrand… Comprenez-moi bien. Je ne prends pas de vacances, pas de week-end. Je suis tout le temps au piano. Peut-être que j’abuse. Toujours est-il qu’il y a deux ans, j’ai ressenti une douleur insupportable au niveau d’un majeur, puis de l’autre. Je vais voir, pas très loin de chez moi, une grrrande spécialiste à la Clinique de la main. Elle était passée à la télé peu avant car la ministre de la Santé était une copine à elle ; or la ministre avait pris des dispositions obligeant les médecins à faire plus d’administration, ce qui n’avait guère plu aux médecins. La spécialiste était montée au créneau, et elle en a été bien récompensée… par un contrôle fiscal. Bref, elle m’a infligé des infiltrations. Le protocole n’a rien donné. Comme elle ne savait plus quoi faire, j’échoue chez un autre très grand spécialiste, hors de Paris. Il m’explique qu’il ne m’opèrera pas : trop dangereux, je suis pianiste, il ne veut pas prendre le risque, etc. La seule solution consistait à ne plus toucher un piano pendant cinq mois.

J’imagine que cette solution qui n’en était pas une ne vous a pas complètement satisfait…
Ma carrière était en jeu, Bertrand ! Ma carrière était en jeu… Et, une fois de plus, j’ai été sauvé par la scientologie. Je ne leur dirai jamais assez merci. Au Celebrity Centre, 69, rue Legendre, on a accompli un boulot inimaginable. Maintenant, je peux l’affirmer : de nouveau, j’ai été sauvé à 50 % par la scientologie, via le travail spirituel que j’ai fait dessus, et à 50 % par Jean-Marie Legé, mon ami ostéopathe, un scientologue extraordinaire. C’est un type absolument génial, sympa comme tout, fou de musique, consulté par des tennismen, des actrices et des acteurs extrêmement célèbres…

Donc la scientologie vous a aidé à conserver votre intégrité physique. Qu’en est-il de son impact sur votre gestion du public ?
Si vous saviez à quel point cet impact est important ! Et si vous saviez à quel point j’aurais aimé aider Martha Argerich… Hélas, je ne la connais pas assez. On a fait un disque ensemble, il y a quarante ans. C’étaient Les Noces de Stravinsky, le ballet, dirigé par Leonard Bernstein. Martha était premier piano ; Krystian Zimerman, deuxième piano ; moi, troisième ; et Homero Francesch, un jeune Uruguayen que Deutsche Grammophon essayait de lancer, quatrième. On a donné le concert au Royal Hall Festival de Londres, sous les caméras de la BBC, puis c’est devenu un disque DG. Mais quel dommage, quel gâchis que Martha ait arrêté de donner des récitals il y a trente-cinq ou trente-huit ans ! Glenn Gould, idem, avait arrêté trop tôt, et on le sait, nous, pourquoi tant de merveilleux artistes abandonnent.

Alors, pourquoi ?
Parce que c’est très dur, un récital, très redoutable. Pour affronter ce défi, la scientologie peut aider considérablement.

Pouvez-vous expliquer comment ?
Par rapport au trac, voyons ! Presque tous les musiciens ont ce problème. Pensez que Vladimir Horowitz lui-même avait arrêté dans les années 1950 et se retrouvait aux mains des psychiatres ! Vous savez que les psychiatres nous combattent, nous scientologues. Hier soir, sur Arte, alors que je faisais une pause pour manger un morceau avant de retourner travailler jusqu’à minuit, je suis tombé par hasard sur un film[1] qui confirmait ce que me disaient mes amis scientologues et que je refusais de croire. C’est l’histoire d’un homme tout à fait normal, qui a été interné parce que sa femme a magouillé. Il a juste passé un examen psychiatrique dans une horrible prison allemande. Ce n’est qu’en 2016 que l’Allemagne a changé ce système invraisemblable complètement nazi ou soviétique. Et nous, scientologues, nous sommes la cible des psychiatres, car nous obtenons des résultats qu’eux n’obtiennent pas. Or, quand un fou viole ou assassine une petite fille, qu’on le met en prison et que, quelques années plus tard, un psychiatre soi-disant expert autorise sa sortie, si le gars récidive, avez-vous vu un procès contre le psychiatre qui a donné son autorisation ? Jamais. C’est grave. Regardez, Nordahl Lelandais : il va peut-être prendre perpétuité, il sera relâché dans moins de vingt ans, et on ne sait pas ce qu’il va faire après puisque les psychiatres ne savent pas le soigner.

Affirmez-vous que la scientologie saurait soigner Nordahl Lelandais ?
Vous le dites de manière un peu ironique, Bertrand, mais je suis obligé de vous répondre que je ne suis pas un professionnel de la question. Je n’ai pas reçu une formation très poussée dans ce domaine. Néanmoins, je vous le dis : les scientologues peuvent aider beaucoup de gens… quoi que nous préférions nous occuper des gens capables.

Pourquoi ?
Les fous, ça prend beaucoup de temps. Ce qui n’empêche que nous pouvons obtenir des résultats avec eux. Absolument. Et avec des procédés très, très simples. C’est incroyable ! Attention, la scientologie ne remplace pas la médecine officielle pour le corps. En revanche, elle aide l’individu qui pratique les exercices correctement. Avec la scientologie, il s’en sort mieux et plus vite. Parfois, quand la médecine ne peut plus rien, c’est la scientologie qui va faire la différence. Je l’ai vécu quand mes doigts m’ont fait tant souffrir. Si je n’avais pas connu la scientologie, Bertrand, je serais actuellement à la retraite, comme un con. Je n’aurais pas pu faire le Zorba et tous ces disques…

Au-delà des aspects concrets que vous revendiquez (gestion du trac, accélération de la guérison), estimez-vous que la scientologie a aussi influé sur votre appréhension de certaines œuvres, dès lors qu’il s’agit d’une doctrine spirituelle et non cantonnée au pragmatisme des choses ?
Sur le plan technique, pianistique, non, la scientologie ne pouvait rien pour moi ! J’avais déjà tous mes moyens avant d’être scientologue. En décembre 1976, quand j’ai commencé la scientologie, j’avais déjà été lauréat du concours Reine-Elisabeth de Belgique (1972), et j’avais gagné le concours Cziffra (1974). Vous savez, nous, pianistes, sommes comme les patineuses : c’est jeune que l’on acquiert la technique, ou on ne l’acquiert jamais. En revanche… Attendez, vous n’avez pas bu le jus de cerise que je vous ai servi. Ne vous inquiétez pas, il n’y a pas de poison scientologue dedans, vous pouvez le boire !

Hélas, je l’ai déjà attaqué. Le poison-qui-n’existe-pas est donc en train de couler en moi…
Tant mieux, vous entendrez mieux ce que j’ai à vous dire ! En l’occurrence, oui, la scientologie m’a été utile pour comprendre ce que représente la musique par rapport au besoin de la société. Quel est ce besoin ? Nous vivons dans une société très folle, on l’a évoqué. Au même titre qu’un médecin va soulager un organisme en y injectant un produit, je considère que les artistes en général et les musiciens en particulier, pendant les brefs moments au cours desquels le public écoute la musique qui leur est donné, doivent faire oublier les soucis quotidiens et élever l’assistance spirituellement. Voilà une chose essentielle à accomplir, même si elle paraît toute petite. Nous, musiciens, contribuons à ce que nos spectateurs se sentent mieux ; et, lorsque nous comprenons la manière dont ce processus fonctionne, nous pouvons être encore plus efficients. Je l’ai vécu. Cela étant, il faut savoir une chose. Certains ont des aptitudes naturelles et sont, sans savoir pourquoi, hauts ; or, même quelqu’un qui est très haut, on peut l’amener à être encore plus haut.

« Rendre les gens capables plus capables » est l’un des mantras de la scientologie…
Cela vaut pour tous : quelqu’un qui est bas, on peut le faire monter très haut.

Pardon d’être concret, mais grâce à quoi ?
Grâce, entre autres, à la technologie de l’étude. Il existe un cours entier pour apprendre comment apprendre. La question est : qu’est-ce qui fait que j’ai du mal à apprendre ? D’où vient la difficulté ? Quand je donne une masterclass, je dis toujours aux étudiants : si y a un petit problème technique, je veux le résoudre sur place. Or, je découvre de plus en plus que les profs de piano ne savent pas comment se dépatouiller. Je leur dis : « Ça prendra trente secondes ou trente minutes, mais on y arrivera. » Et, croyez-moi, on y arrive.

Comment ?
Grâce à la technologie d’étude de Hubbard. Mais Hubbard ne s’intéressait pas qu’aux artistes. Il a mis au point une technique pour la réhabilitation des drogués. Je précise que cela ne me concerne pas car je ne me suis jamais drogué. Néanmoins, cette technique est couronnée de succès dans 75 à 79 % des cas, je crois, soit beaucoup plus que les organisations officielles ; et c’est basé, je vous l’ai dit, sur des choses très, très simples.

Pour en revenir à l’apport de la scientologie dans votre pratique artistique, avez-vous profité d’une promesse de la scientologie qui consisterait à doper la mémoire de ses adeptes ?
Vous ne me ferez pas dire que les scientologues n’ont jamais de trou de mémoire ! Par exemple, il m’arrive d’apprendre trop de morceaux à la fois, donc de me mélanger les pinceaux et d’avoir des trous de mémoire. Mais ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est la communication de l’émotion musicale. Pour Hubbard, l’art est un mot qui résume la qualité de la communication. Une fausse note ou un trou de mémoire reste préférable à un jeu impeccable et ennuyeux. Vous avez des acteurs ou des musiciens qui savent naturellement communiquer au plus haut niveau. La scientologie peut les aider à s’améliorer, comme elle peut aider ceux qui ne savent pas comment faire. Quand un artiste monte sur scène et ennuie, la scientologie peut débloquer ça.

Paradoxalement pour une Église portée sur les artistes et soucieuse de leur épanouissement professionnel, l’art scientologique est déficient. Disons les choses autrement : pour ceux qui, comme vous, sont convaincus, la scientologie peut irriguer l’art et les artistes. En revanche, l’inverse n’est pas vrai – l’art n’irrigue pas la scientologie.
C’est une question très intéressante. Je n’y avais jamais pensé auparavant. Est-ce que l’art irrigue la scientologie ? Honnêtement, je ne connais pas tous les scientologues ! J’en connais quelques-uns ici, quelques-uns en Floride… Il est vrai que les « musiciens classiques » n’y sont pas légion, ce qui s’explique en partie parce que le mouvement est récent : à peine 68 ans ! Parmi les musiciens classiques, je connais Paul Polivnick, un chef d’orchestre formidable, qui dirigeait l’Orchestre symphonique de l’Alabama et qui a été très souvent invité par l’Orchestre national de Lille. C’est un chef exceptionnel. Il m’a invité à jouer le Concerto de Ravel puis le Troisième concerto de Beethoven. Quand il a interprété la Turangâlila Symphonie d’Olivier Messiaen, à Milwaukee, avec l’orchestre local, Messiaen a entendu l’enregistrement et l’a félicité dans une lettre que Paul m’a montrée. Et puis, l’art irrigue la scientologie notoirement grâce aux acteurs – inutile de citer les plus célèbres, nous en avons débattu l’autre jour.

Lawrence Wright, que l’éminent Éric Roux considère comme un menteur patenté bien que son livre, cité dans la première partie de l’entretien, me paraisse solide et mesuré, pointe avec pertinence que « la scientologie a construit beaucoup d’églises impressionnantes, mais ce ne sont pas des hauts lieux artistiques » comme si, à l’instar de ces noms de « Celebrity Centre », l’Église cherchait plus à séduire par la notoriété des artistes que par l’art lui-même.
Non, il n’y a pas de recherche de la notoriété, c’est faux. Il est arrivé que Tom Cruise, que je ne connais pas, s’intéresse à la scientologie, comme John Travolta, que j’ai rencontré une fois à Los Angeles. Il nous emmenait avec une copine commune au concert de Julia Migenes [scientologue revendiquée, voir dans la vidéo supra à 11’23]. Lui conduisait sa Rolls. Je lui avais donné une cassette de la Neuvième Symphonie dans la transcription de Franz Liszt que je venais d’enregistrer pour Teldec.

Je me souviens que John l’écoutait dans la voiture ; et il chantait en même temps, et la voiture commençait à zigzaguer, et… Bref, si des artistes s’intéressent à la scientologie, ils viennent et puis c’est tout. À ce sujet, je dois vous dire une chose importante. On raconte que l’on ne peut pas quitter la scientologie.

Effectivement, de nombreux témoignages vont dans ce sens…
Ce sont des mensonges. Il existe un document administratif que vous lisez au départ, si vous voulez suivre un cours. Ce document stipule que, à n’importe quel moment, si vous décidez d’arrêter, vous pouvez arrêter et être remboursé intégralement de l’argent que vous avez dépensé pour les cours et l’auditing.

Vous n’avez pas tout à fait répondu sur l’existence d’un art scientologique : la plupart des religions ont créé leur système artistique. La scientologie, non. N’est-ce pas curieux pour une religion qui attire autant d’artistes, ne fussent-ils pas spécifiquement classiques ?
La scientologie aide les artistes. C’est cela, sa contribution à l’art. En revanche, non, il n’y a pas de vitrail ou d’icône, comme chez nous, orthodoxes !

Oui, il n’y a pas de cathédrales, pas de musiques spécifiques…
Les organisations de scientologie sont considérées comme des églises. Alors, évidemment, le terme évoque l’église chrétienne ; mais rappelons-nous ce que signifie le terme ecclesia : c’est un mot grec dans lequel se trouve une racine signifiant « fermé ». L’église est donc un lieu fermé où s’assemblent des gens ; et l’Église de scientologie est une religion, oui, mais pas au sens occidental du terme, comme nous l’avons vu.

Néanmoins, l’Église de scientologie s’est dotée des signes marketing rappelant ceux des églises chrétiennes…
Vous lirez le livre d’Éric. Il explique tout ça très bien.

À suivre : « La scientologie et le statut d’artiste »

[1] L’Homme qui n’existait plus, téléfilm de Hans Steinbichler, réal., et Kit Hopkins, scén.


Le témoignage de Judith*

Moi qui m’intéresse à tout, et notamment en matière de “religion – groupes spirituels”, je m’étais intéressée à la scientologie, pas pour en faire forcément partie mais déjà juste pour les connaître. Je m’étais inscrite à une conférence sur la dianétique qui présentait de travail de Hubbard, dédiée justement à ceux qui ne connaissaient pas (les scientologues distribuaient des petits tracts bleus à Saint-Lazare, les mêmes depuis dix ans, vous avez dû en avoir aussi).
Il se trouve que, le jour et l’heure où je devais y aller, une obligation d’ordre musical m’est tombée dessus (un examen ou un truc du genre). J’ai donc appelé pour annuler, ils m’ont proposé d’autres dates et j’ai dit que je les rappellerais pour confirmer une autre date. Et là, ça a été le début d’un enfer qui a duré presque un an. Ils m’ont appelée en moyenne cinq, six fois par jour, laissé des messages vocaux, ont envoyé des lettres à mon adresse. Ça m’a fait tellement peur et m’a tellement rebutée que, évidemment, je n’y suis du coup jamais allée.

*Le témoignage, qui nous est parvenu spontanément, n’était pas anonyme, j’aime pas ça ; mais le prénom de la personne a été changée.


3. La scientologie et le statut d’artiste

Cyprien Katsaris, en toute simplicité, dans sa pièce de travail. Photo : Bertrand Ferrier.

Cyprien Katsaris, pour la troisième partie de notre entretien, j’ose commencer par un constat évoquant celui de Josh Brolin devant Tom Cruise : votre position d’artiste consacré, indépendant, prenant d’excellentes décisions professionnelles, peut inspirer deux sentiments contradictoires. D’une part, on peut imaginer que la scientologie vous a aidé à vous épanouir ; d’autre part, on peut se demander pourquoi un artiste de votre trempe est allé se fourvoyer dans cette galère…
Je me suis intéressé à la scientologie parce que je ressentais le besoin de comprendre des choses qui me gênaient dans ma vie. Du coup, si les gens ne savent pas ce qu’est la scientologie, je comprends qu’ils se posent des questions. Et pas que “les gens” comme vous et moi : les gens importants, les décideurs. En clair, certains organisateurs de concert me boycottent.

Donc votre engagement a pu vous empêcher de réaliser certains projets artistiques – mais, à l’inverse, vous a peut-être permis d’en réaliser d’autres.
Oui, c’est tout à fait cela. Le fait de subir de l’exclusion, comme je l’ai subie (et je ne suis pas le seul scientologue français à l’avoir subi), c’est un comportement fasciste. Ce fascisme est-il de droite ou de gauche ? On s’en fout, puisque le résultat est le même. Je ne veux pas faire la comparaison avec les juifs qui portaient l’étoile à l’époque, mais on n’est pas très, très loin.

Avec une différence : vous avez choisi de faire votre coming-out
Mais ça ne change rien ! Certains organisateurs de concert ne m’invitent pas parce que je suis scientologue comme jadis on stigmatisait d’autres religions. Certes, c’est leur droit. Cependant, un artiste qui ne comprend pas pourquoi ils font cela, un musicien qui ne s’est pas préparé, forgé une résistance contre cette exclusion, cet homme aurait pu tomber très, très bas. Soyons concret, puisque vous aimez cela : j’aurais pu sombrer dans la dépression. Ça ne m’est jamais arrivé.

Ça ne vous est jamais arrivé malgré la scientologie (qui vous supprimait des contrats), ou grâce à la scientologie (qui vous aide à surmonter les déceptions ainsi provoquées) ?
Imaginons une très mauvaise nouvelle qui, avant la sciento, m’aurait affecté une semaine : après la sciento, la semaine devient une heure. Proportionnellement, une très mauvaise nouvelle qui m’aurait affecté une journée – avec la sciento, une minute. Pourtant, j’aurais souvent pu sombrer. Or, je continue à monter vu que, quoi ? Certains ne veulent pas m’inviter ? Sans doute sont-ils informés de manière tendancieuse. Je ne les connais pas personnellement. J’en entends parler, mais que puis-je faire ? Vous, vous êtes intelligent. Vous avez réagi d’une manière incroyable. Je vous félicite. Vous auriez très bien pu ne pas répondre. Or, j’ai vu quelqu’un qui cherche à comprendre et qui écrit formidablement bien. Je n’ai jamais rencontré un critique (je ne sais pas si vous êtes vraiment un critique, j’espère que non) capable d’une telle analyse. Regardez dans les Diapason et les Classica… Personne ne prend la peine de faire une analyse comme celle que vous avez faite sur le Zorba. Je ne dis pas que je suis à 100 % d’accord avec ce que vous écrivez. Quelqu’un qui prend la peine de faire une telle analyse, c’est quelqu’un de supérieurement intelligent – excusez-moi, ce n’est pas de la flatterie, mais je me suis dit : ce type-là, il est ouvert, il est prêt à l’écoute. Pour preuve, vous avez répondu, et nous sommes là, maintenant. Inversement, si certains programmateurs ne veulent pas de moi, je ne vais pas perdre mon temps avec eux. C’est tout.

Est-ce que, comme l’écrit LRH, vous pensez que les critiques « suppressifs » voient en l’artiste scientologue quelqu’un à détruire absolument ? En d’autres termes, avez-vous l’impression qu’être artiste scientologue vous attire, sinon de la haine, du moins…
… une volonté de nuisance ? Oui, mais ça peut arriver à n’importe quel artiste, et pas seulement scientologue. On a vu beaucoup de cas qui ont très, très mal fini, aussi bien dans le show-business que dans le classique. Pensez à Dalida ou à Romi Schneider, qui se sont suicidées, ou d’autres qui ont eu de tristes fins. À ce sujet, il existe un cours fabuleux, qui prend quelques semaines mais qui est vraiment formidable et qui n’est pas réservé aux artistes. Il permet de détecter ce que l’on appelle « l’oppression ». Il y a toute une technologie pour repérer une personne qui vous approche avec un grand sourire en façade mais, au fond, une volonté de nuisance. C’est très important pour le bien-être de chacun, et particulièrement pour les artistes qui peuvent, sans cela, s’attirer pas mal d’emmerdes.

Si le scientologue attire l’ostracisme, la scientologie aussi attire de nombreuses critiques.
Surtout en France !

À ce stade de notre entretien, on peut en lister quelques-unes : la manipulation mentale ; les pratiques de déconnexion séparant les scientologues des non-scientologues sous prétexte que ceux-ci leur seraient néfastes, ce qui renforcerait l’emprise de l’Église sur ses adeptes ; les accusations de violence et de harcèlement à l’encontre des adeptes et des anciens adeptes de haut grade ; le charlatanisme médical à travers la Purification ou les séances d’assist ; la marchandisation du savoir… Avez-vous conscience que ces critiques ne peuvent être simplement balayées en tentant de décrédibiliser les accusateurs, rangés par la scientologie en trois pôles : les agents corrompus des labos pharmaceutiques fournissant les psychiatres, Eli Lilly au premier chef ; les enquêteurs extérieurs qui, donc, n’y connaissent rien ; et les renégats, c’est-à-dire les ex-scientologues qui, eux, s’y connaissent mais ne racontent que des billevesées afin de se venger et/ou de faire du fric ?
Vous avez raison, on ne peut pas parler de scientologie sans que reviennent ces accusations et quelques autres… Il est vrai que ce n’est pas facile de convaincre que ces attaques sont totalement infondées. Permettez-moi de revenir d’abord sur la “déconnexion”. Dans la vie en général, si vous sentez qu’une personne vous fait du tort, dans un premier temps, vous essayez d’arranger les choses. Si vous voyez que ça ne fonctionne pas, quel que soit le domaine de la vie, vous vous dites : « Bon, celui-là, j’ai plus envie de lui parler. » Par exemple, les gens qui divorcent, c’est pas, spécifiquement, des scientologues. Quelqu’un qui vous emmerde, qui vous harcèle, qui insiste, vous êtes en droit de lui dire : « Écoute, soit tu arrêtes, soit je ne te parle plus. » La déconnexion, c’est aussi con que ça. Voilà.

Le harcèlement ou les violences entre scientologues…
… ça n’existe pas. On a raconté je ne sais pas quoi, que le nouveau patron de la scientologie… Comment il s’appelle, déjà ?

David Miscavige…
… comme quoi il frappait sa nièce, c’est totalement faux. C’est impossible pour une raison très simple : la dianétique combat la douleur. Quand vous lisez le gros bouquin et les cours qui vont avec, vous découvrez que le mental est fait de telle manière qu’une partie du mental, celle qui vous dérange, est issue d’incidents dans lesquels se trouve de la douleur physique. Donc la douleur physique, c’est quelque chose qui est totalement interdit. En scientologie, on ne peut pas frapper quelqu’un. C’est un mensonge.

On ne peut pas, mais ça peut arriver.
Non.

La nièce n’est quand même pas la seule à avoir proféré des accusations de violence contre David Miscavige !
Peut-être voulait-elle se venger de son oncle pour d’autres raisons. Je n’en sais rien, moi ! Mais ça n’existe pas, ce qu’elle décrit.

Je le répète, de nombreuses accusations de violence ont été portées contre David Miscavige. Vous pourriez dire : « Y a un doute » ou « C’est pas si important » ou « Ç’a été très exagéré ». Mais vous, vous dites : ça n’est jamais arrivé. Un scientologue n’a jamais frappé un autre scientologue.
Bien sûr ! Un scientologue n’a pas le droit de frapper quelqu’un ou d’utiliser la douleur, puisque c’est ce que l’on combat. Prétendre de telles absurdités, c’est aberrant.

Pour vous, toutes les accusations, écrites, audio ou vidéo, sont mensongères, ne reposent sur rien et ne relatent aucun fait réel.
Non, c’est impossible. Cela dit, il se peut que, avant qu’il soit scientologue, l’oncle se soit engueulé avec sa nièce quand ils étaient petits, j’en sais rien…

Ce n’est pas ce que Jenna décrit et, encore une fois, elle n’est pas la seule à avoir porté des accusations précises d’agressions physiques et mentales…
Bertrand, c’est normal que David Miscavige suscite des accusations : il est le patron de la scientologie depuis que LRH est mort[1]. Donc on essaye de le calomnier. Rien de surprenant. Mais ça n’a simplement pas pu exister.

En revanche, vous ne contesterez pas la marchandisation du savoir.
Ça me fait rire, ce que vous appelez « la marchandisation du savoir » ! Quand vous donnez un cours de piano, il y a un échange, donc vous êtes rémunéré. Quand vous donnez un concert, vous êtes rémunéré aussi. Un médecin est rémunéré, un psy est rémunéré… L’Église catholique sollicite par la quête le soutien de ses fidèles. Je ne vois pas pourquoi les bienfaits qu’apporte la scientologie devraient être donnés gratuitement. À quel titre ?

Au titre de la religion, par exemple, par opposition à une entreprise lucrative qui monnaye tout service proposé ?
C’est plus compliqué que ça, Bertrand. Quand vous avez des procès et des attaques, il faut bien avoir de l’argent pour payer les avocats… Alors, oui, certains cours coûtent 200 €, d’autres 60 €, d’autres 600 €… Si vous faites une douzaine d’heures d’auditing, selon les endroits, ça peut coûter plusieurs centaines d’euros, voire mille ou mille cinq cents… Mais ce n’est rien en regard de ce que cela vous apporte !

Cyprien Katsaris et le raton-laveur de Françoise. Photo : Bertrand Ferrier.

Cyprien, vous n’allez pas me dire que la marchandisation systématique du savoir est légitimée par le seul coût des avocats !
Si la personne est satisfaite, elle continue. Sinon, elle est remboursée. Bref, quel est le problème ? Vous voulez parler des quelques personnes qui ont quitté la scientologie ? Très bien. Pourquoi partent-elles ? Ça peut être dû au fait que la scientologie a été mal appliquée. Pour que la scientologie fonctionne, elle doit être appliquée à 100%, donc de manière très standard ; et ça, c’est le rôle des professionnels de la scientologie.

Qu’entendez-vous par « professionnel » ? Parle-t-on d’une personne qui a suivi une formation ou d’une personne dont c’est, financièrement, le métier ?
On parle de quelqu’un qui a été formé, qui travaille dans une organisation de scientologie et qui se met au service du public que sont des gens comme moi… mais pas que comme moi, hélas. Il y a eu des cas de personnes venues en scientologie pour espionner et pour nuire. Il y a eu des cas de personnes venues pour voir comment ça fonctionne et qui, par la suite, ont mal appliqué la scientologie sur des personnes comme moi, des gens du public ; et les personnes du public ont arrêté, mécontentes ; ou bien la personne qui a vu que, en se comportant mal, cela pouvait lui porter préjudice, s’est retirée. Il y a eu des cas comme ça. Mais ce sont des cas rares. Je ne connais pas les statistiques exactes… Disons qu’un scientologue sur dix mille a arrêté la scientologie. Évidemment, les médias vont mettre l’accent sur eux.

Vous pensez bien que cet argument peut se retourner : si peu de scientologues quittent l’Église, sera-ce pas qu’il leur est difficile de le faire, en dépit du codicille auquel vous vous êtes référé ?
Non, il n’y a aucune inquiétude à avoir. Tout scientologue signe un papier stipulant que l’on peut arrêter à n’importe quel moment. Je peux arrêter à n’importe quel moment et demander à être remboursé intégralement. Tenez, prenons le cas de la Sea Org. En scientologie, c’est une organisation très importante, où ils sont très dévoués… en général. En effet, on trouve dans ses rangs quelques rares personnes mal intentionnées. Eh bien, une personne qui est dans la Sea Org peut quitter la Sea Org ! Où êtes-vous allé chercher l’idée que ce n’est pas possible ? Je me souviens de Liz Gablehouse[2], que j’avais connue en Floride. Elle s’est mariée avec un type dont la passion était la pêche à la ligne. Elle l’a suivi et a quitté la Sea Org. Personne ne l’a empêchée d’aller pêcher à la ligne avec son mari.

Le rapport à la médecine est aussi un point que l’on reproche souvent à la scientologie.
La scientologie s’intéresse à l’aspect spirituel. Il faut le dire, sinon, ils vont nous tomber dessus pour exercice illégal de la médecine… Quelqu’un qui est malade va voir son médecin[3], c’est même marqué au début des bouquins !

Le processus de Purification conduit à se demander si la scientologie ne prétend pas, sans pouvoir le formuler ainsi, être une forme de médecine.
Ce que nous appelons « Purification » est essentiel. Le but est d’avoir un corps sain pour avoir l’esprit clair. Nous entamons donc la purification avant de faire de l’auditing. Au préalable, nous avons l’obligation d’être examiné par un médecin – un vrai médecin, hein, pas un médecin bidon ! Le saviez-vous ? Si vous êtes cardiaque, vous ne pouvez pas le faire. Alors, la Purification, qu’est-ce que c’est ? C’est beaucoup de sauna, ce qui est essentiel pour des gens qui ont absorbé des drogues ou bu beaucoup d’alcool dans leur vie. Cela permet de faire partir les toxines ; et nous associons cela avec un programme de vitamines. Or, dans les années 1970, les vitamines étaient extrêmement utilisées aux États-Unis et beaucoup moins en Europe. Aujourd’hui, dans des pharmacies bio ou équivalents, on peut acheter des produits naturels, pas des produits chimiques comme avant. C’est beaucoup plus accepté en Europe qu’à l’époque. Donc la purification est un programme associant sauna et vitamines. Il y a quelques années, l’industrie pharmaceutique a intenté un procès contre la sciento parce qu’elle utilisait des vitamines. Est-ce criminel, franchement ?

Pardon, Cyprien, je ne prétends pas être un spécialiste, hélas ; mais vous omettez sciemment de stipuler que, dans le cadre de la Purification, l’Église de scientologie utilise les vitamines à une dose telle que les pharmaciens considèrent que ces compléments deviennent des médicaments et nécessitent donc une prescription médicale[4]
Bertrand, je vous le répète : nous ne parlons pas de médicaments. Il s’agit de vitamines, de sels et de minéraux. Pas de médicaments. En France, c’est parfois un peu compliqué, voilà tout ! En tout cas, bravo, vous vous êtes bien informé. C’est comme pour Zorba : vous avez tout disséqué ! Formidable !

Ah mais non, vous avez le talent, laissez-moi l’ironie, s’il vous plaît ! D’ailleurs, en devant affronter des questions semblables à ces clichés que je vous impose pour la dernière partie de notre entretien, rejoignez-vous l’impression d’un scientologue qui disait en substance : « Comprendre la scientologie en se fiant aux critiques, c’est comme vouloir s’instruire sur la religion juive en lisant Mein Kampf »[5] ?
Pour ma part, j’essaye simplement de communiquer mon expérience. J’ai commencé la scientologie il y a quarante et un ans. Suis-je détruit ? Dès que je peux, je tâche de monter sur les niveaux [du Pont conduisant vers la liberté totale] en étudiant et en me faisant auditer. Suis-je une loque ?

Tout prudent que je sois, je dois constater que vous n’en avez pas du tout l’air… même si des esprits sceptiques pourraient imaginer que vous êtes préservé parce que vous êtes une figure de proue de l’Église en France. Du coup, comment expliquez-vous le contraste entre votre ressenti, très posé, et ce qui s’écrit sur la scientologie, en général présentée comme une secte redoutablement destructrice, et pas que par des “racontars que l’on trouve sur Internet” ? L’explication s’appuie-t-elle sur une logique complotiste (« on nous déteste »), une tradition phobique contre les nouvelles spiritualités, un esprit rageusement sceptique à la française, une veine mercantile dans laquelle il est aisé de creuser, un lobbying des autres religions, ou sur autre chose encore ?
Le contraste dont vous parlez trahit
la malhonnêteté médiatique. Vous savez, il y a une vingtaine d’années, j’ai reçu un coup de fil d’un célèbre présentateur de journal télévisé. Il me dit : « J’ai appris que vous aviez des problèmes avec la scientologie et que vous aviez quitté cette organisation. Voulez-vous venir en parler au journal ? » Je l’ai détrompé. Il a raccroché aussitôt. Poliment, mais aussitôt. C’est grave. Ça montre qu’ils invitent les gens uniquement pour taper sur l’Église.

Partant, selon vous, ce sont les médias qui fomentent cette distinction entre la spiritualité que vous décrivez et la secte sans scrupule qu’ils dépeignent ?
J’ai constaté quelque chose, en France. Il y a une certaine catégorie de personnes, dans le milieu artistique comme dans tous les milieux, qui ont avalé tout ce qu’ils ont entendu dire contre la scientologie. Heureusement, il y a aussi une certaine catégorie de personnes non-scientologues qui passent outre. Je n’ai aucun problème avec ceux-là… et réciproquement : il y a des gens connus ou haut placés qui savent que je suis scientologue, et pour lesquels ça ne pose aucun problème. Je connaissais feu Lionel Stoleru, un économiste, juif roumain, qui avait été secrétaire d’État au Travail manuel sous Giscard. C’était un fou de musique. Il avait créé son Orchestre romantique européen avec lequel il avait une saison à la salle Gaveau. Malgré mes convictions, dont il était informé, jamais il ne m’a boycotté. Il m’appelait, on mangeait ensemble une fois par an, il m’invitait à ses concerts… À l’inverse, je suis boycotté par le National, l’Orchestre de Paris ou le Philharmonique de Radio-France. Je n’ai jamais joué avec eux. J’ai joué avec le Philharmonique de Berlin, de Londres, de Cleveland, de Philadelphie ; j’ai enregistré un disque avec Ormandy, le chef avec qui Rachmaninoff a enregistré une partie de ses concerti, quand même… mais je n’ai jamais joué avec les grands orchestres parisiens.

Hormis Lionel Stoleru, d’autres personnalités vous ont-elles honoré bien que vous soyez marqué du sceau infamant de la scientologie ?
En 2000, j’ai reçu une lettre de la ministre socialiste de la Culture de l’époque. C’était sous Lionel Jospin. Je n’avais jamais rencontré cette dame, mais elle m’écrivait pour m’annoncer qu’elle me faisait Chevalier des Arts et des Lettres. Pourtant, tout le monde sait que je suis scientologue… À la même époque, j’étais dans le jury du concours Marguerite-Long – qui ne m’a plus réinvité. J’étais là à la demande de feu Jacques Taddei, qui était directeur du concours, à l’époque… et qui, avant de gagner le concours de Chartres comme organiste, était au Conservatoire avec moi, il y a cinquante ans, chez Lucette Descaves, avec les sœurs Labèque, feue Brigitte Engerer, etc. Un jour, il me propose d’intégrer le jury. Chaque membre du jury est reçu à la mairie de Paris et reçoit la Médaille vermeil de la Ville. J’ai su que, plus tard, ça avait tangué car certains protestaient contre ma distinction en arguant du fait que je suis scientologue. Bref, il y a deux types de réactions, et puis c’est tout !

Vous sentez-vous victime d’un ostracisme anti-scientologue ?
Non, pas toujours. Tenez, j’ai fait un disque avec Hélène Mercier, l’épouse de Bernard Arnault. Elle sait que je suis scientologue. Elle aurait pu refuser de faire le disque avec moi pour cette raison. Elle a fait le disque. Pire : elle m’a présenté son mari… qui me connaissait pour avoir gagné le concours Cziffra et pour avoir interprété le Vol du bourdon dans la transcription invraisemblable de Cziffra, devant Cziffra et Jacques Chancel. Donc, elle m’appelle et me dit : « Bernard souhaiterait que tu donnes un récital d’une quarantaine de minutes pour conclure la convention. » Je crois qu’il avait réuni à cette occasion tous les grands directeurs du groupe LVMH pour leur montrer la Fondation avant l’inauguration officielle. Il m’a présenté dans des termes incroyables. Après, je n’ai pas forcément donné mon concert le plus précis, mais j’ai joué. Ils auraient très bien pu dire : « On ne l’invite pas parce qu’il est scientologue. » Ils ne l’ont pas fait…

Toutefois, en vous engageant en faveur de la scientologie, vous avez édifié au-dessus de vous un plafond de verre ?
Disons que, à soixante-six berges, je n’ai jamais joué avec un grand orchestre parisien. J’ai joué avec les orchestres Colonne et Pasdeloup, qui sont de très bons orchestres. Et ce n’est pas qu’une question d’orchestre : je n’ai jamais été invité à La-Roque-d’Anthéron non plus. Oh, pas forcément à cause de la scientologie, il faut être juste ! Ça peut, aussi, être des clans, des musiciens qui font venir leurs amis, des agents puissants… Le métier est siii difficile actuellement ! Je ne le leur reproche pas.

Ça laisse des perspectives pour les années qui viennent…
Pourquoi pas ?

Pour conclure sur ce troisième et dernier volet consacré au rapport enre la foi (scientologique) et l’artiste, permettez-moi de citer Renaud Capuçon qui, dans le numéro 666 (je n’ai pas fait exprès, c’est ainsi) de Diapason (mars 2018, p. 23), Renaud Capuçon déclare : « Ma foi aurait pu me lâcher souvent. J’ai traversé des révoltes, des remises en cause personnelles, je ne contemple pas le monde d’un air béat, comme si tout était merveilleux. Mais l’évidence du malheur n’arrive pas à me détourner de cette nécessité intérieure. » Et il conclut : « J’ai de la chance… » Partagez-vous cette impression que, pour un artiste, la foi est une chance ?
Vous pensez qu’il parle de la scientologie ?

Hum, j’ai un tout petit doute, mais force est de reconnaître qu’il ne précise pas la nature de sa croyance…
Sérieusement, je vais vous dire : non, je ne pense pas que j’ai de la chance d’être scientologue. Car la chance n’existe pas. Le hasard n’existe pas. On s’attire les bonnes et les mauvaises choses. La seule foi qui compte, c’est celle qu’il faut avoir en soi.

C’est ça, la scientologie : réussir à avoir et à nourrir la foi en soi ?
En petite partie, oui. Mais pas seulement. Aussi vais-je ajouter quelque chose pour conclure de mon côté, si vous le permettez… Bon, et même si vous ne me le permettez pas[6] ! De toute façon, vous agirez comme vous le souhaitez. La scientologie est un mouvement philosophique qui…

Pas une religion ?
Pour moi, c’est une religion, une philosophie et une science. Une religion parce que ça traite de l’être spirituel, même si on n’est pas en train de prier des divinités. Une philosophie parce que ça traite du pourquoi et du comment des choses de la vie. Une science, contrairement à ce que vous pourriez penser ou contrairement à ceux qui ironisent en prétendant que c’est une pseudoscience, car c’est fait – l’audition au premier chef – de manière très, très précise. Extrêmement précise. Jamais à la légère. Si c’est pas bien fait, ça marche pas. Du coup, comme vous dites, la scientologie est le mouvement qui augmente le plus rapidement sur cette planète. La scientologie continue de monter pour le bien de la Terre. Ce que nous, scientologues, essayons de faire, c’est d’apporter une transformation de la civilisation. En effet, nous vivons une époque très dangereuse, avec cette foutue bombe atomique. Ces bombes atomiques se trouvent en Israël, au Pakistan (un pays musulman où les talibans ne sont pas loin), en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, peut-être en Iran, en Corée du Nord… On ne plaisante pas, là. Il est facile d’accéder au pouvoir et d’appuyer sur le petit bouton. Heureusement, la scientologie est inarrêtable. Ils pourront tout essayer, ils ne la stopperont jamais. Ils ne nous stopperont jamais. En France, c’est vrai, il faut un peu plus de temps pour que la scientologie soit acceptée. Qu’importe : il a aussi fallu un certain temps pour que la scientologie soit acceptée aux États-Unis, au Royaume-Uni (c’est fait depuis un arrêt de la Cour d’appel de Londres, rendu il y a trois ans) et dans d’autres pays.

Des doigts, des touches et, quelque part, Cyprien Katsaris en toute intimité. Photo : Bertrand Ferrier.

Vous en parlez comme d’une expansion colonisatrice…
Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. Qui parle de conquête ? Pas nous. Nous, nous voulons apporter au monde de la santé mentale. Autrement dit, faire en sorte que cette folie, qui a toujours existé, s’apaise. Ne vous méprenez pas : c’est fabuleux que l’on ait des iPhone. Fabuleux que l’on puisse aller sur la Lune et au-delà. J’admire un type comme Elon Musk, avec ses fusées, etc., même s’il est un peu cinglé, mais dans le bon sens ! Cependant, depuis des milliers d’années, il n’y a pas eu de progrès spirituel. Quel progrès spirituel proposer ? Les nouveaux philosophes ? Très bien ! qu’ont-ils apporté à la société ? BHL écrit peut-être de beaux articles ; j’adore regarder Finkielkraut, avec sa manière de parler, tout ça ; mais soyons sérieux : qu’ont-ils apporté de concret à la civilisation ? Ont-ils aidé les gens, individuellement, à se sortir de leur merde ?

À ces bavards inopérants, vous opposez la scientologie.
Par sa technologie, tellement précise, cette philosophie appliquée est là pour aider les gens à se sortir de tout ce qui peut les déranger, à s’améliorer, à augmenter leurs aptitudes et à éradiquer la barbarie de cette planète. C’est pas mal, non ?

En tout cas, c’est un beau projet et une belle conclusion. Pour votre confiance et votre disponibilité, merci, Cyprien.


Bibliographie

Pour accompagner l’entretien, outre les reportages cités, quelques compléments d’information ont été utilisés.

  • Un livre-bilan : Lawrence Wright, Devenir Clair. La scientologie, Hollywood et la prison de la foi, brillante trad. Laurent Bury, Piranha, 2015, nous a paru le meilleur contrepoint aux assertions pro-scientologiques. La qualité de la traduction, le souci auctorial de sourcer les affirmations, la variété des témoignages recueillis, la volonté de donner la parole aux contestations de l’Église en font, autant que nous en puissions juger, un ouvrage important que tous les curieux gagneront à lire. (Non, et pas que parce qu’Éric Roux, le patron de la scientologie en France, l’a dénoncé comme un tissu de mensonges.)
  • Un livre-de-circonstance : Emmanuel Fansten, Scientologie. Autopsie d’une secte d’État, Robert Laffont, 2010, a été publié suite à l’arnaque qui a permis à la scientologie, via des complicités parmi les assistants de justice, de gagner un procès a priori perdu. Le manque de consistance de ce livre, la faiblesse de l’argumentation, la fragilité des connaissances rapportées, la déficience de problématique et la relative débilité de l’écriture n’en font pas un ouvrage de référence.
  • Un témoignage : Jenna Misacvige Hill (écrit par Lisa Pulitzer), Rescapée de la scientologie, Kero, trad. Sophie Henri, 2013. C’est le fameux écho de la nièce du grand patron de la scientologie, ouf. Souvent geignard, hélas handicapé par une traduction pitoyable, ce texte mal fagoté n’en dénonce pas moins avec force des pratiques d’exploitation des enfants et de manipulation des adeptes qui méritent d’être parcourues si l’on s’intéresse au sujet.
  • Un ouvrage d’analyse financé par l’université Paris-Diderot : Thierry Lamote, L’Envers obscène de la modernité. De la scientologie à Daech, Hermann, “Psychanalyse en questions”, 2017). L’essai, résolument hostile à la scientologie, brasse large et peine parfois à embrasser des problématiques évanescentes. Toutefois, son souci d’analyse en profondeur des enjeux scientifiques, épistémologiques et philosophiques de la doctrine hubbardienne, ainsi que sa vigueur assumée et l’évidente intelligence de l’auteur, en font un volume précieux pour le lecteur, même peu sensible aux circonvolutions psychanalytiques, souhaitant réfléchir avec indépendance aux fondements et implications de la scientologie.
  • DVD : Une introduction à la scientologie, entretien enre Ron Hubbard et un interlocuteur pour le moins docile, Golden Era Production, 51′.
  • Émissions télévisées consultées sur YouTube : voir les notes du premier article.

Notes

[1] D’autres sources stipulent que le nouveau patron a d’abord dû éliminer, par des moyens plus ou moins fair, Pat et Annie Broeker (Wright, 208).
[2] Certains sites liés à de grands médias présentent Liz Gablehouse comme « une confidente de Hubbard, riche héritière d’une famille de notables de Tallahassee en Floride », impliquée notamment dans les aventures marocaines de l’organisation. Voir par ex. ici .
[3] D’autres témoignages sont moins catégoriques. Ainsi, la nièce de David Miscavige raconte son internat scientologue où, enfant, elle était « chargée de liaison médicale », occupée à délivrer des « touch assists » et des « nerve assists » ainsi que « d’autres formes d’assistance écrites par LRH et conçues pour aider les gens à remédier à toute sorte de maux, rhumes, accès de fièvre ou rages de dents. (…) IL y avait aussi cette croyance selon laquelle on attrapait un rhume parce que l’on avait perdu quelque chose. Je demandais donc : tu as perdu quelque chose dernièrement ? Cela faisait partie de l’aide rhume, la cold assist. (…) Je ne vis jamais un seul docteur durant tout le temps que je passais au Ranch [sauf pour faire des points de suture]. » (Jenna Miscavige Hill avec Lisa Pulitzer, Rescapée de la scientologie, trad. pénible de Sophie Henri, Kero, 69)
[4] Voir le reportage de M6 cité ici, spécifiquement .
[5] Mark Isham cité par Wright, 365.
[6] Oui, il s’agit bien d’un trait d’humour. Au moment où nous mettons en ligne cet épisode, Cyprien Katsaris a relu avec attention, exclusivement après publication, les deux premiers épisodes. On le suppute peut-être, rien ne me pousse vers la scientologie, mais l’honnêteté m’amène à la stipuler : les propositions de rectification que l’artiste m’a glissées ont toujours visé à une plus grande précision de la restitution, jamais à une censure comminatoire.

Update : pour découvrir nos nouvelles aventures avec Cyprien Katsaris, suivez les liens !

  • Cyprien Katsaris en disque et en duo, c’est ici.
  • Cyprien Katsaris en duo et en concert, cette fois, c’est çà.
  • Cyprien Katsaris en quatuor pour un récital prestigieux, c’est .