Fruits de la vigne – Domaine des trois filles 2021

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Photo : Bertrand Ferrier

 

C’est un vin presque absurde qui frémit dans cette proposition qui nous est faite de goûter un jus issu du Domaine des trois filles (le site a trois ans de retard si l’on en croit la passion de l’année pour l’enherbement, figée en 2020). On s’étonne presque que des mâles osent le programmer à Paris, quand les propriétaires, très centrées sur leur sexe, préfèrent programmer des soirées monogenrées pour les dames si l’on en croit le dernier événementiel recensé sur le site, le 4 novembre 2022.
Néanmoins, la quille vient de Bandol, ce qui n’est pas de mauvais augure bien que sa promo digitale se colore d’un rose que Véronique et Davina auraient, on le veut croire, refusé en leur temps. La comm’ se pare certes d’éléments de langage consternants, qui plus est pour des dames (“notre travail est respectueux de la tradition, ce qui nous permet de vous proposer des vins d’excellente qualité”), mais voilà, il nous souvient que le domaine fut à l’origine d’une première friction avec notre dealer DeLuxe, aka Thierry Welschinger, quand il nous signala qu’il arrêtait de distribuer le rosé (“de la merde”) à moins de 13 €. La boutanche en question était signée par Audrey, Léonie et Justine, les trois filles du domaine. 90 francs pour un rosé, franchement, on trouva ça fort excessif, alors que, à la dégustation, on ne pouvait pas ne pas s’incliner devant la sapidité du breuvage. Mais bon, quand même, quoi.
Et voilà que le caviste, toujours de bon conseil comme son associé (c’est pas nous qui pourrions dire ça de nous, hélas, alors que nous diffusons un disque de fou pour un prix rigolo ici) nous propose une de ses dernières quilles du domaine pour accompagner des sardines marinées. De plus, connaissant l’objet majeur de cette rubrique (que peut-on boire de correct à Paris pour 10 € ?), il nous accorde la remise qui va bien afin de bénéficier de cette exposition de foufou que constitue ledit site. Par précaution, il nous prête la BD d’Étienne Davodeau sur les ignorants, subodorant que nous ne sommes pas expert de l’œnologie, ce qui est à la fois très vrai et très exagéré, dans la mesure où nous n’y connaissons carrément rien tout en étant très pratiquant en picologie, alors ça va, quoi.
La robe ? Ne vous fiez pas à la couleur paille pâle – c’est pas un jeu de mots, fût-il parophonique, pour une fois – que l’on aperçoit en saisissant la bouteille. Le liquide, 100 % macabeu, est d’une clarté quasi biblique. Le mystère se noue.
Le nez est, c’est notable, beaucoup plus beurré que le dégustateur. On croit comprendre ce qui a convaincu le goûteur du caviste, donc le caviste : l’affaire est marquée par un équilibre gourmand d’une excellente facture.
La bouche séduit d’emblée avant de se révéler multiple. La teneur acidulée et fraîche se transforme mais ne se dissipe pas. La persistance est discrète et pertinente. Du beau travail qui, effectivement, évite de défier la marinade des sardines pour arrondir les angles et se positionner en complément plutôt qu’en ado effrontée. On savoure.
Il n’en reste plus. Pour les termes techniques, laissez-nous au moins le temps de lire la BD. En attendant, comme diraient ceux qui, les soirs de boum, dans le living-room, chantent, dansent et mettent leurs baskets, c’est fort bon.