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Première de couverture du troisième disque à retrouver dans le coffret Sylvie Carbonel fomenté par Skarbo

 

Deux monuments et deux gros extraits des Harmonies poétiques et religieuses : tel se présente le programme Franz Liszt réédité pour ce florilège de Sylvie Carbonel. Joués en concert pour les micros de Radio France entre 1976 et 1980, ils promettent de défier l’interprète en ajoutant la difficulté colossale des œuvres à l’urgence du direct. Pour passer plus vite à la musique, évacuons d’entrée le regret persistant que nous inspirent les pochettes bâclées. En témoignent ici, par exemple, au recto comme au verso,

  • une photo de Bruno Barbey non retouchée alors qu’elle l’aurait largement nécessité
    • (taches,
    • flous,
    • couleurs des bords, euh, disons, vintage),
  • des graphies fluctuantes
    • (Radio France avec ou sans trait d’union,
    • Harmonies poétiques et religieuses avec ou sans cap),
  • une étonnante difficulté dans l’usage des italiques et des signes de ponctuation – voir le très vilain “live” en première ligne associé à un pléonasme du plus vilain effet (“concert live”, c’est déconné ou bien ?), etc.

En trois disques, on commence à essayer de s’y habituer, mais quel dommage de gâcher un coffret-hommage physique en enjambant l’indispensable travail graphique qui devrait aller de soi ! Et maintenant, musique, danse et mort grâce à la phénoménale paraphrase sur le Dies irae. La Totentanz est présentée dans sa version pour piano et orchestre avec le Nouvel orchestre philharmonique de Radio France placé sous la direction de Mark Starr.
Les musiciens ont opté pour la seconde version de la partition, celle où les marteaux pianistiques plongent directement le thème du Dies irae dans la virulence la plus noire avant de le secouer dans une première cadence à la virtuosité infernale et saisissante.

  • Les dialogues au cordeau entre la masse orchestrale et la soliste,
  • les brutaux changements de caractère,
  • la fulgurance des traits mais aussi les couleurs variées des pupitres de l’orchestre

happent l’auditeur dès la première variation. Avec ses glissendi pianistiques et la férocité des cuivres, la deuxième variation confirme que la tension électrique est bien au rendez-vous. La troisième variation fond sciemment le piano dans le magma avant de l’en extraire pour une quatrième où seule la clarinette viendra défier la soliste dans ses secousses incluant, en sus des modifications intérieures (ralentis,

  • trois tempi, du lento au presto,
  • trois mesures différentes (4/4, 9/8, 6/8)
  • et trois changements de tonalité (Ut, Si, Fa).

Sylvie Carbonel profite de chaque occasion pour musiquer :

  • elle poétise les arpèges,
  • elle soigne toucher et polyphonie dans les passages retenus, et
  • elle maîtrise assez bien son instrument et la partition pour que les accélérations soudaines soient des fulgurances et non des gloubiboulgas substituant un effet en plastique toc à la rigueur des notes et de l’urgence.

 

 

Armée

  • d’une pédale pertinente,
  • d’une technique très sûre et
  • d’une maîtrise séduisante de la nécessaire prise de risques sans laquelle Liszt ne serait pas Liszt,

l’interprète cingle dans la cinquième variation avec un swing qui donne un attrait irrésistible au fugato magistral. On est heureux d’entendre

  • une soliste qui sait tracer sa route en solo en jouant des infinis possibles de son instrument,
  • une musicienne qui sait jouer avec l’orchestre sans s’enfermer dans sa bulle ni lutter contre la masse, et
  • un orchestre qui semble désireux de suivre la même dynamique que la pianiste.

Nous voici bien au-delà de la démonstration de virtuosité. Il y a

  • du dialogue,
  • de l’effervescence maîtrisée et
  • du brio à la fois soliste et collectif.

La sixième variation réveille les cors avant d’offrir un trio piano – flûte – triangle. Le passage en revue des bois continue, porté par les doigts de feu de Sylvie Carbonel

  • (traits vertigineux,
  • octaves enchaînées de façon fluide,
  • sens de la cadence à la fois show-off et intérieur,
  • naturel des modulations).

Tonique, impressionnante et roborative mise en bouche, avec son finale orchestral triomphal, avant la kolossale Sonate en si mineur qui nous attend pour une prochaine notule…


Pour retrouver les critiques précédentes du coffret

Dix-sept pièces de Modeste Moussorgsky – 1
Dix-sept pièces de Modeste Moussorgsky – 2
Les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgsky

Dix pièces pittoresques d’Emmanuel Chabrier – 1
Dix pièces pittoresques d’Emmanuel Chabrier – 2
Le Cahier de musique de Jacques Desbrière


À suivre !