L’art de Sylvie Carbonel (Skarbo) – 2/24

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Le plaisir de la diversité (de genre, de durée, de caractère) accompagnait l’écoute des huit premières pièces de Modeste Moussorgsky placées en tête du florilège Sylvie Carbonel publié par Skarbo. Nous reprenons le cours de nos émotions avec un feuillet d’album intitulé “Méditation”. L’affaire, en ré mineur (tentée in fine par le Ré majeur) et andantino, regroupe plusieurs caractéristiques moussorgskyennes :

  • attrait pour la monodie ici énoncée à la main gauche,
  • souplesse du tempo et
  • inclination pour la modulation.

Sylvie Carbonel a le double bon goût de ne pas masquer la simplicité de la pièce sous un lyrisme de circonstance, et de raviver l’intérêt de l’auditeur par un “scherzino” assai vivo en 9/8 (parfois 12/8) et en si bémol mineur intitulé “La couturière”.

  • Vivacité digitale,
  • clarté des articulations,
  • tranchant des modulations et
  • précision des accents

réveillent les esgourdes.

 

 

“Une larme” est un andante con moto en sol mineur, précédé d’un largo qui s’ouvre par un Si bémol. Dans cette miniature, Moussorgsky joue en effet sur les miroitements modaux. Le Si bémol conduit au sol mineur ; et le sol mineur renvoie vers le Sol majeur.

  • Balancement triste,
  • oscillation allante,
  • choix judicieux d’esquiver la seconde reprise,
  • agogique pimpant cette forme en arche et tierce picarde rassurante

siéront aux jeunes filles de bonne famille. Le diptyque “En Crimée” s’ouvre avec l’inquiétant “Gurzuf”. Un unisson grave et en place un ostinato que les harmonies du médium ne désarment pas avant que les hostilités ne soient lancées avec des mines populaires et martiales que la sobriété de la pédalisation habille, habile – même si la forme ABA ne vise certes pas à surprendre l’auditeur. “Baidary” joue la carte

  • du rythmique,
  • du motorique et
  • du contrasté entre les parties enveloppantes et le segment central.

 

 

Avec ses cinq bémols à l’armature, la “Rêverie” posthume, inspirée par un thème allogène, est annoncée moderato assai.

  • Atmosphère paisible,
  • temps suspendu et
  • tentation d’un presque-minimalisme

caractérisent la plus longue pièce de l’album derrière sa forme ABA conventionnelle. “La capricieuse” déploie en en 6/8 un thème de six notes. Sylvie Carbonel rend habilement la tension entre

  • flux ternaire et contretemps (y compris avec des mesures réduites de moitié),
  • régularité du flow et dérèglements,
  • allant et brisures du discours,

fin énigmatique incluse. L’interprète opte pour la première version de l’Intermezzo in modo classico, la moins développée. Le début de ce “grave pesante” à 6/4 est typique du compositeur avec son unisson sur trois et bientôt quatre octaves (plus, c’était difficile). La pianiste impose

  • sa tonicité rugueuse,
  • son large spectre de nuances,
  • sa capacité à faire sonner chaque registre de façon spécifique et
  • sa maîtrise tant des decrescendi que des piani subito.

 

 

“Gopak”, version pour piano d’un extrait de La Foire de Sorochintsy, conclut cette partie du disque avec la verve appropriée pour un finale.

  • Notes répétées,
  • thème sautillant,
  • accélérations soudaines et
  • brusques modulations

rappellent que la virtuosité n’est pas d’abord affaire d’extraversion mais

  • d’agilité,
  • de sens du rythme et
  • d’un rien de malice,

ce dont ne manque pas la captation proposée par Sylvie Carbonel. Pas le temps de s’attarder : le guide nous attend pour visiter une exposition-promenade. Compte-rendu du parcours prochainement !


Pour écouter l’intégralité de ce disque sans plus attendre, c’est .