Diane Dufresne, Théâtre de l’Atelier (Paris 18), 24 juin 2025 – 3/3

Diane Dufresne cherchant de l’oxygène, le 24 juin 2025, au théâtre de l’Atelier (Paris 18). Photo : Bertrand Ferrier.

Le concert-causerie de dame Dufresne est articulé en trois parties :

  • les années de formation,
  • la créativité et
  • notre époque.

Nous arrivons au troisième acte, celui des constats qui poussent à admettre que, « parfois, notre réalité ressemble à la fiction » ce qui n’est pas forcément pour déplaire à quelqu’un qui

  • a fabriqué sa vie, au sens original de fingere,
  • l’a modelée, bref :
  • l’a inventée.

Au reste, à l’aune d’une vie mise en scène, qu’est-ce qu’une fiction ? Plus généralement, qu’est-ce qu’une vie humaine, si brillante soit-elle, sinon une fiction devant l’immensité céleste ? Le cosmos est un objet de fascination pour une diva prompte à divaguer. « Peut-être avons-nous un peu de mémoire céleste en nous », avance-t-elle en narrant ses souvenirs d’une conférence d’Hubert Reeves. Cette cosmoanthropologie habite l’artiste à travers ses discours et spectacles écolo, comme le show qu’elle a fomenté pour conclure les Francofolies de Montréal à l’été 2008 en réunissant un répertoire tantôt exceptionnel (« Oxygène »), tantôt tire-larmes (« Hymne à la beauté du monde ») mais tellement bien incarné que l’on est presque prêt à oublier le consensualisme trop gentiment niaiseux du propos. Convaincue que nous faisons face à un « dérèglement majeur », titre d’un disque enregistré à New York, elle constate que, face

  • au changement climatique,
  • à la déforestation et
  • à la disparition rapide de la biodiversité,

« il n’y a pas de machine à remonter le temps ». Bien faible paraît sa prière pour ne pas tuer la beauté du monde, mais elle invite le public avec ce projet pieux. La dame n’est pas dupe.

  • Ni de la vanité de son combat.
  • Ni de la course à l’abyme que précipitent les dirigeants politiques.
  • Ni de l’issue de notre existence, plus ou moins activée par les catastrophes cosmiques annoncées par les sachants.

Elle préfère s’élever, donc tirer sa révérence sur « Parce que tu rêves » de Nelson Minville, chanson où elle aspire à aimer l’autre « plus qu’un drapeau », autrement dit à remplacer la cause nationale par ce qu’elle a chanté de plus fort, selon les mots de Cyril Mokaiesh : « L’amour fou ».

 

 

Une nouvelle fois, son incarnation étincelle et bouleverse. Elle est faite

  • de tenues soufflantes,
  • de diphtongues québécoises musicalisant les phonèmes, et
  • de nuances d’une précision et d’une suavité saisissantes.

D’un côté, on est triste que l’artiste n’ait pas souhaité donner un concert uniquement chansonné, ce dont elle semble parfaitement capable tant

  • la voix,
  • la présence et
  • l’interprétation sont majuscules ;

de l’autre, une fois de plus, l’on est ébloui que la dame ait inventé

  • une forme,
  • un renouvellement,
  • un autre espace musico-artistique

pour refaire l’inventaire. Au bis, elle dégaine une « nouvelle chanson », qu’elle explique (croit-on) avoir écrite pour Claude Nougaro, même si les crédits officiels l’attribuent souvent à Richard Galliano et au zozo partagé entre la bagarre mémétique de Toulouse et le luxe de Saint-Germain-des-Prés. Maurane avait elle aussi repris cette complainte des moments où « les hommes deviennent sages » et où « c’est fini, y a plus personne / pour les caresses déplacées ». Le déchirement la délivrant du public parisien se fait avec l’inusable « Oxygène » de Luc Plamondon, magnifié par la musique génialement basique de Germain Gauthier et par l’interprétation kaléidoscopique que n’a cessé d’en proposer la chanteuse. Olivier Godin, pianiste valeureux et attentif, disparaît. La diva serre les mains des fans agglutinés au premier rang. C’est joyeux. C’est triste. C’est chouette.

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