Vittorio Forte, Lavoir moderne parisien, 17 novembre 2025 – 4/4

Vittorio Forte le 17 novembre 2025 au Lavoir moderne parisien (Paris 18). Photo : Rozenn Douerin.

À l’occasion de  son concert lançant son premier disque pour un nouveau label classieux, Vittorio Forte a décidé de finir en envoyant du boudin. Premier au revoir, Adiós Nonino d’Astor Piazzolla propose la quintessence de l’esprit argentin : chagrin de perdre l’ancêtre et exil loin de la patrie s’associent pour se cristalliser dans une œuvre phare. Jamais las de son programme, le pianiste exploite et partage avec une exigence musicale saisissante le plaisir

  • de la mélodie,
  • des embardées,
  • de la virtuosité tranquille, et
  • de la topique schizophrénie argentine, qui rejoint peut-être l’âme d’un Italien désormais méchamment français, entre recherche de sérénité et culture du déchirement.

La profondeur des basses du Fazioli de service ajoute ce qu’il faut de gravité pour donner à pressentir la puissance du propos, par-delà le narratif mettant en scène la musique. Le récital s’achève officiellement sur « Volver », de Carlos Gardel, compositeur qui ouvrait le concert comme il décapsulait le disque. La structure de l’arrangement fortiste se refuse à tout mystère, et il a bien raison.

  • Le prélude brillant est bref,
  • le thème est clairement exposé,
  • des mains virevoltantes enrichissent bientôt la mélodie fondamentale.

Finale oblige, Vittorio Forte lâche les grands chevaux de sa transcription avec, au programme,

  • virtuosité énergisante,
  • clarté de l’étagement des voix, ainsi que
  • distribution des différentes
    • intensités,
    • couleurs et
    • intentions.

Se quitter sur ce tube argentin eût été coquin. Évidemment, Vittorio Forte évite la facétie et dégaine « Malvaloca » du compositeur colombien Antonio Calvo. Le morceau n’évoque pas « une fille volage » (hélas), précise l’interprète, mais une nana qui a envie de voler. La transcription de la chanson permet d’apprécier

  • l’absence de falbalas superfétatoires,
  • les contrastes entre refrain et couplet, ainsi que
  • l’efficacité du groove de la basse.

Happé par son public, Vittorio Forte concède en sus une danse d’Ernesto Lecuona qui brille par

  • son swing méchamment balancé,
  • le bondissement ébouriffant
    • des attaques,
    • des octaves et
    • des accents, et
  • l’incroyable légèreté de la main gauche précédant le fabuleux decrescendo final.

Foin de gnagnagnas, le gars gagne sur tous les tableaux.

  • Aisance technique,
  • épaisseur du répertoire,
  • science de la musicalité,

aucun doute : Vittorio Forte est définitivement someone else. Son concert au Lavoir moderne parisien confirme un statut à part qui devrait le conduire à ne pas se produire très souvent dans ce lieu pourtant très agréable !

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