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Série de Carême, ça se précise : épisode 1

Ils sont deux. Organistes et chanteurs lyriques. Tous les deux. Des p’tits djeunses (ou presque) qui concoctent un programme joyeux musicalement, exigeant techniquement et prometteur humainement. Des pièces variées et palpitantes viendront faire résonner l’orgue remis à neuf en duo avec la voix humaine. De Haendel à Vaughan Williams, le récital de Bastien Milanese et Julien Girard s’annonce idéal pour le grand public et les fins mélomanes. Durée : 1 h 05 env. Église chauffée, programme offert, écran géant, entrée libre, sortie aussi. Et en plus, on est sympa – enfin, en général. What else?
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Coming soon

Le Festival Komm, Bach! s’associe avec David Alan-Nihil pour propulser un programme festivalistique encore plus foisonnant… avec une préférence, bien sûr, pour le 25 février, 20 h, le VRAI concert “made in Komm, Bach!” !

Souple et solide à la foi

Vis ma vie de rganissse, et ce moment où tu approches de la tribune de ton orgue… en reconnaissant que, parfois, même quand les concepts et du salaire et de ton travail sont sympa, oui, aller au boulot, c’est chiant. Mais rarement à ce point.

Suicidal tendency

Ce moment où, en tant qu’organissse, tu vois l’Évangile du dimanche et tu te dis : “Ha, nan, pas une bonne nouvelle aussi longue.” Ce moment où tu ne sais pas que l’homélie aussi durera un quart d’heure.

Le Soum-Soum 10, 10 février 2017

… alors, comme c’était vendredi, on s’est dit, tiens, si on allait glisser quelques chansons au Soum-Soum, autour de Barthélémy Saurel ? Et nous nous y faufilâmes, en l’honneur de Pétronille.

Puis je continuai l’exploration du répertoire vaudois, en fredonnant Les p’tits, les gros (Michel Bühler).

Enfin, je grattai quelque rythmique quasi latino (à la portée de ma virtuosité guitaristique) pour propulser Hannah Elisabeth Bethel – et, pour le reste, comme d’hab’, on verra plus tard !

Jean Dubois, Petit théâtre du bonheur, 9 février 2017

Jean Dubois au Petit Théâtre du Bonheur (Paris 18). Photo : Rozenn Douerin.

Ils ont Bob Dylan, nous avons Jean Dubois, dont les lecteurs habitués savent en quelle estime nous le tenons. Or, avantage non négligeable, ledit Jean Dubois chante aussi Bob Dylan, alors que l’inverse, point. Pauvres Américains, bref.

Jean, c’est le seul Renaud encore en état de grincer, aimer, faire rire, chanter, gratter, harmoniciser, se promener dans son répertoire, tenir un public malgré sa proximité, voire donner re-vie aux cabarets en plein Montmartre hivernal. Ce jeudi soir, devant une petite salle très comble, il propulse des chansons presque récentes (« Mon amie, faut que j’te voie ») ou non (« P’tit bouchon »), moins connotées ou plus autobiographiques, glisse des quasi raretés sur « les cons qui payent » (enregistrée jadis avec les deux Yannick), honore la mazurka, rappelle le film qui popularisa « Things have changed » en 2001, s’amuse de glisser entre sprechgesang slammé et voix singulière maîtrisée… Après une superbe parenthèse avec ses excellents « accompagneurs », le revoilà seul en scène avec une guitare rosée, trois harmonicas et ses chansons si variées et séductrices que l’on comprend les fanettes qui passent leur concert à le filmer.

Presque Jean Dubois au Petit Théâtre du Bonheur (Paris 18), le 9 février 2017. Photo : Rozenn Douerin.

Une soirée en toute intimité (seule une petite trentaine de privilégiés peuvent profiter du talent de l’artiste, et de la salle au cœur de Montmartre… où on t’invite à boire des coups et à manger des chip ondulées à la sortie – rarement vu ça, merci !), qui redonne un sens à la chanson au moment où certains voudraient nous faire croire que la chanson, c’est esssclusivement le caca qui passe à la télé ou sur NRJ. Ben nan. Bravo, Mr Jean Dubois !

Lohengrin, Opéra Bastille, 8 février 2017

Tomasz Konieczny (Telramund), Martina Serafin (Elsa), Philippe Jordan, Michaela Schuster (Ortrud), Stuart Skelton (Lohengrin) et Rafal Siwek (le roi). Photo : Bertrand Ferrier.

Le Wagner de l’année à Bastille, dirigé par Philippe Jordan… et à un prix “non surcoté” puisque la vedette allemande n’est plus là (même si, entre 2007 et 2017, les prix au parterre ont augmenté… de 75 % – mais j’imagine que les statistiques stipuleront qu’il n’y a pas d’inflation au taux corrigé indexatoire global) : nous eussions regretté de ne point y laisser traîner quelque oreille. Donc nous laissâmes.
L’histoire :
dans le duché de Brabant, Telramund accuse Elsa, l’héritière et sa propre ex, d’avoir jadis tué son frère. Le roi ordonnant un duel pour que Dieu décide de la vérité, Elsa invoque son champion, un chevalier au cygne, qui arrive, gagne le combat + la fille, et épargne Telramund (acte I, 1 h). Ortrud, femme de Telramund, supplie Elsa de lui pardonner, puis l’accuse, avec son époux, d’avoir faussé le combat et d’avoir livré le duché à un pauvre type. Seul moyen de vérifier : demander au chevalier qui il est vraiment. Elsa refuse car le mec le lui a interdit, et le roi ordonne aux deux jaloux d’aller se faire voir (acte II, 1 h 30). Hélas, le venin instillé par Ortrud fait son effet ; et, après que le chevalier a tué Telramund revenu l’agresser, il doit avouer devant tous son identité. C’est donc Mr Lohengrin, chevalier du Graal, qui s’en va comme un prince en laissant un dernier cadeau à la Germanie prête à la guerre : le frère d’Elsa, ressuscité, est de retour (acte III, 1 h).

Stuart Skelton (Lohengrin), Opéra Bastille, le 8 février 2017. Photo : Bertrand Ferrier.

Le spectacle : dans un décor quasi unique de Christian Schmidt (une sorte de patio-motel à colonnades) où se baladent des éléments inutiles (table et chaise) voire ésotériques (un piano dont jouent les fantômes des jeunes enfants de Brabant, d’abord debout puis couché), errent des personnages en quête de metteur en scène, Claus Guth ayant renoncé à toute exigence. Peut-être la meilleure synthèse de l’impression générale est-elle résumée par ma voisine du troisième acte, après qu’est partie la pouffe qui me côtoyait, se faisait chier et montrait à son vieux du jour les photos des opéras de San Francisco (« c’est autre chose que Bastille ! ») ou du Met : « Au moins, pour une fois, ça ne dérange pas ! » On est quand même gêné devant la nullité du combat, réglé par Marie-Clémence Perrot, et par l’indigence de lumières, signées Olaf Winter, comme souvent insuffisantes pour distinguer les chanteurs – ce qui, pardon, devrait être une de leurs fonctions.

Philippe Ier de Bastille et son ombre mettent le feu à la fosse. Opéra Bastille, le 8 février 2017. Photo : Bertrand Ferrier.

L’orchestre : hormis ces réserves et ce piètre contentement du « ça ne dérange pas » (en clair : pas de soldat nazi ou de mec chibre à l’air vêtu d’un tutu rose), rien ne permet de soutenir l’intérêt pour le spectacle. Heureusement, la musique est magnifique, l’opéra pas si inintéressant que le résumé peut le laisser supputer, et l’orchestre, dirigé par Philippe Jordan, est en grande forme. Les clarinettistes solistes (si bémol et basse) séduisent, les cuivres tonnent comme on les attend, l’ensemble est précis et nuancé (quel prélude du I, boudu !), et le chef fait montre de qualités dont l’absence nous chagrinait jadis – énergie, contraste, volontarisme sans négliger le fonctionnel comme les indications aux chanteurs ou aux musiciens jouant sur scène… Impressionnant.

Martina Serafin, Opéra Bastille, le 8 février 2017. Photo : Bertrand Ferrier.

Le plateau : sur scène, nous n’avons « que » l’équipe B. En clair, Jonas Kaufmann, le ténor emblématique du rôle, et qui a retrouvé au III un décor de roseaux qu’il a déjà maintes fois côtoyé, est reparti vers d’autres aventures. L’occasion pour nous de pointer un scandale qu’oublie volontiers la Cour des comptes – l’absence totale de Français dans les rôles-clés de notre Opéra national. Côté régie, Claus Guth, Christian Schmidt, Olaf Winter, Volker Michl et Ronny Dietrich. Côté chanteurs : Rafal Siwek, Stuart Skelton, Martina Serafin, Tomasz Konieczny, Michaela Schuster et Egils Silins. La musique n’a pas de frontière mais, apparemment, elle est connaisseuse d’avantages fiscaux que l’on suppute primer sur la simple décence qui consisterait à ce que l’argent des ploucs qui payent leurs impôts bénéficie aussi aux grands artistes français (Mireille Delunsch et Jean-Philippe Lafont chantaient bien Elsa et Telramund en 2007, serait-ce possible, alors ?), de façon à tirer la culture nationale vers le haut. Cette mise au point nécessaire faite, passons au plateau en présence.

Michaela Schuster (Ortrud), Opéra Bastille, le 8 février 2017. Photo : Bertrand Ferrier.

Les solistes : un satisfecit général s’impose, qui n’est en rien contradictoire avec le paragraphe précédent. En effet, je ne sache pas que les classes de chant des conservatoires français soient vides et ne délivrent plus de diplômes – à quoi forment-ils donc, si aucun des autochtones ne peut prétendre fouler la plus grande scène de l’Hexagone ?
Tomasz Konieczny (Telramund) rend bien l’ambiguïté de son rôle, tantôt amant bafoué, futur duc déchu, mari manipulé, etc. On est séduit par la tonicité vocale du héraut, Egils Silins, que l’on a vu moins à son aise jadis, peut-être dans des tessitures moins adaptées ou dans des rôles excessifs pour son endurance. Rafal Siwek campe un roi digne, quoi qu’il donne parfois l’impression de s’ennuyer sur scène. Martina Serafin (Elsa) est irréprochable vocalement. Certes, son timbre n’est pas le plus soyeux que nous ayons ouï, mais le souffle est là, aucune note ne lui échappe et son interprétation, naïve donc entière, a le mérite de la cohérence, même si le metteur en scène la ridiculise à outrance (l’émotion est montrée en serrant un vêtement ou en s’effondrant par terre, pfff). Stuart Skelton, décidément destiné à doubler Jonas Kaufmann, n’a pas le physique du presque-jeune premier, mais il se bat vaillamment avec un rôle de ouf dingo. Hélas, il faiblit dans la dernière demi-heure du deuxième acte et, se souvenant d’une attaque très ratée, garde dans le troisième une prudence bien compréhensible qui altère son brio mais peut aussi traduire la fragilité de son personnage, héros amoureux rappelé à de plus hautes destinées. Assurément, le ténor roué touche à ses limites mais il touche aussi par elles, car ce sont des limites si élevées que l’on ne lui reproche presque pas de personnifier, en un bloc, le virtuose brillant et l’homme friable.

“Tiens, j’ai pas d’idée pour la mise en scène. Si je transformais un piano en pouf ? / – Génial. Demande une prime.”

Notre chouchoute de la soirée reste Michaela Schuster en Ortrud. Sa voix maîtrisée et multiple (selon qu’elle joue la femme rageuse, la rivale doucereuse, la dénonciatrice publique…) ébaubit. Sa présence scénique, qu’elle soit le centre de l’attention ou un simple élément de décor, stupéfie. Elle tient son rôle de salope avec une intégrité, une constance et un savoir-faire dramatique absolument remarquable.
Ainsi, outre le plaisir de saluer quelques Français dans les rôles sans-titre (Cyrille Lovighi, Laurent Laberdesque, Julien Joguet, Corinne Talibart, Laetitia Jeanson et la Hongro-Française Lilla Farkas), cette soirée très plaisante musicalement s’achève sur la joie d’avoir entendu un orchestre en grande forme, des chœurs impressionnants, un chef motivé, un beau plateau et une partition convaincante. Pour un grand spectacle, on repassera – mais, promis, justement, même sceptique, on repassera.

Hardy Rittner, Institut Goethe, 7 février 2017

Le Blüthner de l’Institut Goethe, photographié par Rozenn Douerin

C’est certain, le fat pointerait une cyberpromesse de concert qui aurait mérité une relecture francophone (« C’est aussi en 2010 que Hardy Rittner complète ses études un programme dans un autre discipline majeur »). Même si, grammaticalement, c’est pertinent, artistiquement, un tel reproche est idiot car, fidèles à leur tradition portée par un sens de l’accueil tout sauf français et bousté par l’énergie de François Segré pour Socadisc, les concerts de l’Institut Goethe, à la portée de tous (1 h + pot après), sont un joyeux moment pour découvrir des artissses brillants, méconnus, entiers et offerts à l’oreille du curieux pour un tarif oscillant entre 5 et 10 €, dans une salle confortable… mais, désormais, pleine à chaque fois.
Le pianiste du mois est Hardy Rittner, un revenant qui a sévi en ces lieux six ans plus tôt. Son projet : propulser sans afféterie une musique brillante. Pourtant, tout commence par la sonate KV 279, soit la première sonate pour piano de Mr Mozart. Un quart d’heure de musique plutôt attendue, distribuée en trois mouvements, qui met donc en scène la patte Rittner : le musicien n’est pas celui qui joue des tubes, il est celui qui fait sonner des œuvres dont il croit qu’elles valent d’être entendues. Pour cela, Hardy Rittner remplit les conditions – doigts assurés, sens du tempo, foi dans Amadeus.
On attend avec d’autant plus de curiosité ses Chopin, qui encadrent une grosse pièce de Brahms. Or, dans la quasi miniature, même si elle est moins applaudie par un public trop respectueux (à l’exception de la pétasse qui agite ses bracelets pour se faire remarquer), le virtuose dégaine un sens de la caractérisation qui focalise l’attention. On a rarement entendu des plans aussi clairement distincts dans un prélude, un impromptu ou une étude. L’exécution est quasi pédagogique, tant l’homme est capable de jouer en trois dimensions afin de donner chair auditive aux différentes strates de l’accompagnement et de la mélodie.

Hardy Rittner par Rozenn Douein

Les Variations sur un thème original op. 20 de Brahms confirment la conviction de l’auditeur. Nous avons bien affaire à une personnalité singulière, qui associe le côté analytique (même si toi, tu aurais besoin d’une quinzaine de doigts par main et de quelques cerveaux supplémentaires pour jouer ce que je propose avec un index ou deux, je peux à tout moment t’essspliquer comment la pièce est construite) au sens de la dramaturgie (le public est porté par la gourmandise pianistique du héros et sa capacité à faire sentir la progression des œuvres). Peut-être regrette-t-on çà et là le revers de la médaille (pour rendre évidents les contrastes, le musicien utilise souvent une nuance mezzo forte qui met bien en valeur les parties solistes, forte ou piano, mais lisse parfois tensions et intentions), et l’utilisation généreuse d’une pédale qui, dans l’acoustique assez sèche de l’Institut, noie sporadiquement le propos dans un flou chaleureux mais un brin excessif à notre goût.
Pour autant, ce flou n’a rien d’une facilité. En témoigne la dernière pièce, la célèbre Toccata de Ferruccio Busoni, une de ces pièces injouables qu’adorent les purs virtuoses. Hardy Rittner ayant déjà prouvé qu’il était inutile d’aller vérifier s’il sait jouer, il en profite pour diffuser de la musique avec ce qui pourrait n’être chez d’autres qu’un brillant tombereau de notes à peu près domestiquées. Le choix de tempi différenciés, la volonté d’affirmer la clarté du discours sous de nombreuses formes (rythme récurrent accentué, dissociation des plans sonores, legato spectaculaire sur les octaves en cascade), et l’investissement du pianiste dans son interprétation achèvent de sidérer un public justement en transe.

Le triomphe par l’arc de Rozenn Douerin

Le concert se conclut par trois Chopin en bis, dont un nocturne délicat à souhait et une séduisante mazurka que Hardy Rittner tire, par sa rythmicité, du côté de Grieg. Ne reste plus qu’à déguster le pot d’après-concert, facilité par des serveurs dignes et cordiaux. Le fat, persistant, regrettera des vins de qualité discutable ; le spectateur intelligent se réjouira de cette façon de prolonger un concert impressionnant par une sorte de sas de décompression conviviale entre le brio de Hardy Rittner, le sens de l’accueil des organisateurs et la médiocrité de nos vies quotidiennes. Même si je suis pénélopé puisque j’étais derechef invité, faut bien le dire avant que le Canard ne le stipule, je conseille aux lecteurs friands de grande culture cordiale et pas chère de se préparer à réserver pour un « concert lecture » d’Yves Henry qui parcourra le piano de Chopin, Schumann et Liszt le mardi 14 mars à 20 h.

Photo : Rozenn Douerin