« Face à l’obscurantisme woke », Emmanuelle Hénin et alii (PUF) – 16

Première de couverture (détail)


Le wokisme n’existe pas
, affirment ses adeptes. Force est de constater que les caractéristiques qui lui sont attribuées, évoquées au fil des quinze premières chroniques, se retrouvent cependant dans la tisane culturelle médiatisable. Ainsi, la danse subventionnée aime-t-elle à « brouiller les identités ». Dans Le Monde du 7 février 2025, par exemple, Rosita Boisseau s’extasiait p. 25 devant la chorégraphie de Marcos Morau pour le Ballet national d’Espagne. Dans ce flamenco woke,

toute l’imagerie et les accessoires sont là (…), mais redistribués selon les codes d’un flamenco queer, très présent sur les scènes contemporaines. Hommes et femmes échangent leur vestiaire. Les premiers vont torse nu et en jupons ; les secondes arborent des soutien-gorge et des shorts façon corset.

La littérature n’est pas en reste. Comme exemple de promotion éditoriale sur « Le marathon marketing des éditeurs » (in : Le Monde, 25 juin 2025, p. 19), Nicole Vulser choisit le speech de Natacha Appanah. Sur « la scène de l’amphithéâtre Émile-Boutmy du campus de Sciences Po, à Paris »,

l’écrivaine (sic) mauricienne évoque (…) le destin de femmes victimes de la violence des hommes, thème de son prochain roman.

Deux exemples qui reproduisent les hashtags culturels valorisants, exclusivement woke : le terme « queer » et l’interversion des genres d’un côté, de l’autre le florilège anti-hommes et vaguement décolonial chantant

  • la femme (racisée est un plus),
  • l’essentialisation victimaire des femmes en tant que collectif, et
  • la violence « systémique » des mâles cisgenres.

Malheureusement, il est difficile de confronter ce constat avec la fin de Face à l’obscurantisme woke (PUF), ouvrage collectif paru sous la direction d’Emmanuelle Hénin et alii. La troisième partie du livre se concentre dans une dénonciation de l’islamisme qui n’est pas le sujet, puisque le wokisme a été présenté comme l’intersectionnalité, c’est-à-dire la convergence des luttes, aussi improbable soit-elle, entre islamistes, femmes, homosexuels, personnes victimes du post-colonialisme quoique venues chez l’ancien colon (ou le voisin d’anciens colons), tous victimes du Blanc cisgenre. Autant dire que le fil rouge est perdu au profit des imprécations contre

  • le frérisme,
  • le djihadisme et
  • la soumission craintive de la République face à ces dérives dégueulasses,

perspectives virtuellement intéressantes mais pas avec cette problématique, censée brasser plus large. Cela n’enlève rien à la pertinence de la dénonciation anti-hypocrite que plaque Florence Bergeaud-Blackler contre « le voilement » en rappelant que, peu importe le fichu ou le voile en lin de chez Mahmoud, ce « string du Maghreb » facétieusement pointé par Dieudonné M’Bala M’Bala lors d’un conseil de classe mémorable, « selon l’islam, une femme doit se couvrir le corps dans l’espace public ». En d’autres termes, « le contrôle de la libido des hommes se fait au moyen du retrait de la vie publique et collective de la féminité », même si le mécréant a du mal à comprendre en quoi le bâchage des cheveux est censé limité les érections.

 

 

L’auteur reconnaît que le bâchage est universel : sauf exception, on ne va pas à la piscine tout nu et tout bronzé. Mais l’acceptation d’une norme n’est pas synonyme d’inéquité : dans les lieux publics, comme l’homme, la femme couvre ses organes génitaux, c’est une convention. La purdah, elle, vise à frapper la femme pour parvenir à une « hallalisation de l’espace » (quand on voit la façon dont les rappeurs halal traitent les femmes dans leurs clips, on rigole jaune, mais bref). Pour l’auteur, le bâchage des personnes du beau sexe est un « élément du système-islam ».
En dépit de la compétence suffisante de l’auteur pour susciter la polémique autour de son dernier livre, on a un peu de mal à comprendre l’intérêt de telles vitupérations dans le cadre du recueil que nous croyions lire, mais peut-être comprendrons-nous mieux l’affaire dans un épisode qui pourrait bien être le dernier et qui est donc à suivre.

Blog