Fruits de la vigne – Le coulejoie 2022 – Dominique Laurent

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Que fins gosiers et connoisseurs intransigeants aient la fine amabilité de détourner le regard : en ces temps festifs, nous assumons une audace incroyable – siroter un vin créé non par un récoltant mais par un négociant (certes un peu récoltant par ailleurs depuis 2006) bourguignon. En effet, l’ex-pâtissier Dominique Laurent est l’inventeur du présent mix associant gamay et pinot noir, dont on peut trouver sur Internet (par ex. ici) quelques quilles pour une treizaine d’euros, hors frais de port. Notre dealer coutumier ayant  profité de son 24 décembre, le conseil qui nous jette dans ces eaux engageantes est signé Romain du 59 vins.
La robe : dans le verre, de lourds rideaux de moire noire sont tendus, mêlant de beaux éclats rouges profonds aux rayons d’obscurité.
Le nez : sans exploser aux naseaux, ce qui est plutôt aimable pour notre faciès, le breuvage dispense une fragrance évolutive et curieuse.

  • L’on y croit distinguer la fraîcheur de fruits rouges, puis
  • la fragrance paraît tirer sur l’agrume avant de
  • s’acoquiner avec une pincée de cannelle.

La bouche : là encore, un rythme trilogique, et hop, nous saisit.

  • L’attaque chante la cerise ;
  • l’équilibre se crée peu à peu, accompagné d’une accorte pointe d’amertume ;
  • la note finale offre un intéressant fade out généreux et bienvenu.

Le mariage : avec ses 13,5°, le jus ne cherche pas à bastonner le chapon au four qu’il accompagne. Au contraire, il semble rehausser les saveurs du plat qui, à son tour, modifie légèrement les couleurs froufroutant sur nos papilles en ajoutant du soyeux au velours.
Le résultat : c’est bien joué.

  • L’accord entre mets et vin est subtil,
  • le conseil avisé,
  • le fruit de la vigne pertinemment assemblé.

Dans ces conditions, pour quelques instants, comme l’écrivait Etel Adnan,

 

les particules d’énergie
se déversent dans les yeux
et on cesse de
se demander
s’il vaut mieux vivre
ou mourir.
(Je suis un volcan, Galerie Lelong & Co, 2021 [vient de reparaître en poche chez Gallimard, “Poésie”], p. 40)