Fruits de la vigne – Moulin de Cassy 2014

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Partie de 3 ha en 1970, l’exploitation des Compagnet est devenue un blob, géré par Olivier depuis 1994, qui exploite trois châteaux – Le Pey pour la vitrine et, dans l’une des annexes, Moulin de Cassy dont la page et ses “fiches techiques” dolorise un rien les billes. Un temps classé en cru bourgeois comme 40 % de ses confrères du Médoc, le château semble avoir abandonné l’appellation un rien pompeuse (qui classe les crus susnommés en troisième division des crus bourgeois, derrière les CB supérieurs et les CB exceptionnels). Il n’en revendique pas moins une belle superficie de 12 ha argilo-calcaires suscitant 80 000 bouteilles mêlant à égalité cabernet sauvignon et merlot.
La robe du millésime 2014 – les connaisseurs lui préfèrent de loin le 2012, mais ça tombe bien, on n’est pas du club – nous évoque une gelée de cassis. La profondeur trouble du visuel refuse les charmes mignards du tout-obscur ou du charmant-rougeoiement. Ce n’est pas sans nous affrioler, olé, comme un café.
Le nez renâcle à proposer un panier de fruits rouges. Il semble mettre en avant de la terre récemment retournée (pas forcément pour y glisser un cadavre sous une bâche, on pensait plutôt à un futur potager) voire quelque fragrance qui fricote avec le cuir. C’est singulier et certes pas inintéressant.
La bouche est elle aussi complexe. Elle attaque sans rondeur, fière d’un pincement stimulant. On y croit percevoir

  • du café,
  • des épices (de la cannelle singulièrement) et
  • une amertume agrémentant la densité de la chose.

In fine, cette insaisissabilité inopère, et hop, le potentiel de séduction de la quille : on est

  • intrigué et perdu,
  • intéressé et désorienté,
  • attiré et décontenancé.

Le mariage du produit avec un boudin noir et ses haricots frais ne suffit pas à nous remettre d’équerre, nous laissant subodorer que nous avons affaire à un vin à potentiel, certainement, mais dont le côté peu structuré voire dégingandé pourra désarçonner certains dégustateurs… dont nous sommes. Rien de grave, juste de l’essentiel comme l’aurait stipulé Armand Gatti en concluant :

 

Un jour,
nous saurons
quelle part de notre mort
nous avons offerte
au besoin de cadrer le ciel
(Comme battements d’ailes. Poésie 1961-1999, Gallimard, “Poésie”, 2019, p. 89).

 

Faut-il cadrer le ciel ou le vin ? Vous avez une vie pour louvoyer et décider.