Fruits de la vigne – Syrahvissante 2020 par Louis Chèze

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Photo : Bertrand Ferrier

 

Passons sur le jeu de mot royal qu’un Auvergnat farceur ne manquerait pas en découvrant le nom du domaine, et concentrons-nous sur le fil rouge de cette rubrique qui, avec quelques sursauts (et quoi ? la fausse note est là pour qu’on ne s’ennuie pas), explore les quilles disponibles à Paris autour de 10 €. Cette fois, nous explosons notre budget puisqu’il faut dépenser 11 € à la vinothèque des Galeries Lafayette pour ce vin conseillé in situ en vue d’accompagner un couscous – le vigneron ne va pas si loin, qui suggère de suçoter son travail à l’occasion d’un “barbecue”. On le trouve pour 10 € à l’unité sur Internet, hors frais de port, par ex. ici, et parfois pour moins.
La cuvée Syrahvissante est un IGP – donc un vin de pays en version Communauté européenne – rhodanien qui revendique des caractéristiques a priori modestes : sol granitique peu profond, vignes presque jeunes, élevage possiblement en cuve inox. Pas de greenwashing mais une concession à la mode du marketing de coiffeurs avec cette inclination pour les noms ou mots-bateaux ridicules qu’on ne sait quelle puissance jupitérienne semble imposer aux producteurs de jus même très honorables… et une faute d’orthographe sur le nom du domaine qui oublie, même en bas de casse, l’accent (grave !) qui est censé être le barreau de Chèze – voilà, ça, c’est fait.
La robe déploie un rouge aux multiples teintes. Point effrayante en surface, elle s’affirme bientôt avec une belle densité qui séduira l’amateur de syrah.
Le nez se mérite. Il n’explose pas. Au contraire, loin de lui de jouer les effrontés ou les bombe-le-torse. Partagé entre une dominante fruits secs et une incidente légèrement poivrée, il annonce d’emblée qu’il ne sera ni un Côte-Rôtie, ni un Condrieu, ni un Saint-Joseph. De la sorte, quitte à paraître décevant, il remet la dégustation à sa juste place et évite le grand écart entre promesses olfactives et réalités gustatives.

La bouche est dans la lignée de ces préalables. Elle offre d’entrée une amertume joyeuse qui s’adoucit par la suite. Pas de finale riche au programme, mais une fonctionnalité assumée puisque le vin n’entend pas jouer les vedettes. Son propos est d’accompagner dignement le plat. Les cyclismophiles repèreront un côté équipier dans le gaillard, capable de soutenir le combat tant qu’une lutte furieuse n’est pas exigée voire utile. Comme il existe – deux comparaisons, je crois que ça suffira – des claviers tempérés, cette syrah-là est parfaitement tempérée pour accompagner une cuisine épicée dont elle écrêtera les folies, ou pour soutenir un plat modéré cherchant un partenaire de traversée. Pour un projet sinusoïdal comme le couscous, à la fois doux et trash, la quille, solidement réalisée, est parfaite – et le conseil de la vendeuse des Galeries n’aurait sans doute pu être plus judicieux.