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Karita Mattila, Asmir Grigorian et, au second plan, à droite, Ching-Lien Wu, chef des chœurs de l’Opéra de Paris.

 

  • Côté cour,
    • bancs,
    • chaises,
    • tables ;
  • ensemble de plantes en pot à jardin ;
  • porte vers jardin comme pour les décors précédents :

il faut espérer que le décor d’Étienne Pluss n’a pas coûté fort cher à concevoir et à réaliser tant la sobriété du projet tutoie la médiocrité pragmatique digne d’une MJC plus que d’un couvent. Pas de quoi affronter la mornitude de l’incipit ! Face à une telle platitude, l’orchestre essaye de varier

  • atmosphères,
  • intensités et
  • caractères.

Vocalement, l’absence d’intrigue se nourrit de contrastes entre

  • chœur des nonnes,
  • soli brefs et
  • dialogues proches de la stichomythie

exigeant des rôles secondaires au taquet, reflétant à la fois la qualité et l’illisibilité des strates opératiques, entre

  • la troupe lyrique,
  • l’académie et
  • les chœurs de l’Opéra

auxquelles appartiennent les artistes. Le livret de Giovacchino Forzano vise évidemment à susciter le désir d’un grain de sable dans ce bac à stable. Pour ce faire, il insinue progressivement le personnage-titre de suor Angelica (Asmik Grigorian), laquelle voudrait bien des nouvelles des siens et notamment du fils qu’elle a eu hors mariage, ce qui lui a valu d’être recluse dans ce mouroir saint depuis sept ans. Le grain arrive avec la Zia Princessa (Karita Mattila), qui retrouve les accents entendus dans Gianni Schicchi pour parler patrimoine familial. Karita Mattila est une presque ex-star du business opératique. Désormais, ce rôle important mais bref est parfait pour elle.

  • Le médium est somptueux,
  • les aigus sont parfaitement assurés
  • le tuilage entre chant et parlando est très astucieux,
  • le souffle est encore long, et
  • la science musicale reste assez vivace pour presque gommer, par ses charmes avantageux, un vibrato devenu beaucoup trop généreux.

La confrontation avec Asmik Grigorian fait sens, la soprano lui répondant avec

  • une intensité redoutable,
  • un éclat redoutable et
  • un désespoir ravageur.

Face à cette bataille, Carlo Rizzi, le chef,

  • prend le temps du silence,
  • laisse une souplesse apparente – qui participe du récit – au tempo et
  • poursuit la narration avec son instrument orchestral que la partition implique tant.

 

 

C’est aussi une manière de préparer le moment où la fille-mère apprend que son fiston chéri (peut-être d’autant plus chéri qu’elle ne s’en est pas occupé) est mort. L’instant mythique du triptyque est certes gâché par une modernisation de mise en scène toute pourrite incluant photo et accessoires récents. En dépit de la trahison de Christof Loy, ça reste le moment que chacun attend pour pleurer, et il a un nom : « Senza mamma », l’air où la nana présente sur scène depuis trois heures ne doit pas se rater. Avec

  • métier,
  • astuce et
  • art,

Asmik Grigorian place sa voix somptueuse en inventant une dramatisation diaboliquement variée. Point d’effet grandiloquent, ici, au contraire.

  • Des piani,
  • une caractérisation subtile des registres et
  • une incarnation assez forte pour unir désespoir et imaginaire d’une vie post mortem.

La mise en scène continuant de se relâcher, Asmik

  • fait un strip-tease,
  • fume un clope (la cigarette du condamné ?) en avalant un second verre d’eau (vu le boulot qu’elle a effectué, difficile de trouver ça shocking !),
  • se suicide après avoir vêtu une nouvelle robe et, alors qu’elle craignait d’être damnée,
  • voit un enfant – son enfant – venir vers elle.

Si Christof Loy a fini par céder aux codes daubés de la mise en scène de merde et d’impuissance (« si tu sais pas quoi faire de ton actrice, dis-lui de cloper »), il n’a pas tout à fait réussi à gâcher notre émotion et notre admiration pour les deux grandes vedettes de la soirée : Enkelejda Shkoza, ici la suora zelatrice, et Asmik Gregorian, impressionnante de versatilité dramatique et de constance vocale. La chose se peut voir jusqu’à environ fin mai à Bastille. Si toi aimer le frisson et toi pouvoir, toi y aller.