Irakly Avaliani, Intégrale Brahms volume 1, L’art du toucher – 4/10

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Première du disque

 

Dernier des quatre sommets de l’opus 10, la quatrième ballade, la plus majestueuse avec ses dix minutes au compteur, s’avance andante con moto en 3/4 et en Si. Enfin, pas vraiment en Si immédiatement : plutôt par un si mineur 6 qui capte l’oreille par le battement harmonique suscité d’entrée (même si le montage, comme pour chaque piste, est étrangement raté par l’équipe de Sonogramme, la quatrième ballade commençant à la fin de la piste 3).

  • Tranquillité,
  • balancement et
  • clarté de la marche chromatique descendante

se dévoilent grâce à sur un toucher expressif qui sait laisser respirer la mesure sans s’enkyster dans des effets mélodramatiques surjoués. La deuxième partie, plus lente travaille le swing

  • en basculant dans l’intimité du ré dièse mineur, id est en s’éloignant de la sérénité rassurante du mode majeur pour gagner en inquiétude légère ce qu’elle abandonne en confort bourgeois,
  • en associant une main droite en 18/8 et une main gauche en 6/4 (frottant donc le ternaire au binaire) et
  • en insérant la ligne mélodique à l’alto, soit au milieu de l’accompagnement, avec l’interdiction faite à l’interprète de “trop marquer la mélodie” sans doute pour renforcer l’effet d’embrassement souhaité par le compositeur.

S’ouvre alors une méditation hypnotique entre médiums et graves qu’Irakly Avaliani transforme presque en trio pour instruments indépendants, aux sons spécifiques, avec

  • triolets presque imperceptibles et pourtant précieux,
  • lead délicatement tiré des cordes et
  • marche résolue de la senestre.

Ainsi happé, l’auditeur vit au plus près

  • les frottements harmoniques,
  • les nuances resserrées donc d’autant plus efficaces, et
  • l’hésitation qui conduit à la dernière modulation.

 

 

Le retour du premier motif

  • (même structure,
  • même mesure,
  • même tempo,
  • même tonalité),

pimpé par des doubles croches revigorantes, s’efface bientôt devant une nouvelle idée, plus posée, qui semble approfondir la méditation. Le musicien sait en rendre

  • la majesté incarnée par les octaves solennelles de la main gauche,
  • la profondeur que le legato offre aux accords de la main droite, mais aussi
  • la fragilité discrète que symbolisent
    • les quarts de soupir aérant le discours,
    • les contretemps enjambant la mesure ou en détournant la logique, et
    • les glissements harmoniques qui galvanisent la mélodie et, peu à peu, conduisent à l’accord de Fa # permettant le pivot vers la tonalité de si mineur.

Car Johannes Brahms reprend alors le deuxième motif, celui qui associait binaire et ternaire, toujours en mineur mais dans une autre tonalité qui fait écho à la troisième ballade. Ainsi se confirme, jusqu’à l’extinction et la tierce picarde finale, la fonction synthétique de ce quatrième volet de l’opus 10, comme si le compositeur regroupait dans une même œuvre les ingrédients qu’il a malaxés dans les précédents numéros

  • (binaire / ternaire,
  • mineur / majeur,
  • unité / forme composite, etc.).

Le résultat n’est pas magistral, ce serait didactique ou pédant : c’est simplement, oui, simplement superbe et prenant. Prochain épisode ? Les huit pièces pour piano de l’opus 76. Miam !


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