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Jean Dubois au Limonaire (Paris 9) le 2 décembre 2014. Photo : Rozenn G. Douerin.

Jean Dubois au Limonaire (Paris 9) le 2 décembre 2014. Photo : Rozenn G. Douerin.

Jean Dubois, c’est la chanson française comme on l’aime : c’est Renaud pas bouffé par l’alcool, c’est Dylan pas grommelant, c’est Brassens shooté aux amphètes, c’est notre Charlebois à nous, avec son côté “chanson à texte”, “chanson rock” et trouvailles musicales. Ces cinq mardis de décembre, il est au Limonaire, un resto parisien à chansons où l’accueil n’est pas chaleureux, la programmation pas toujours au top niveau, mais où les vedettes de la chanson intelligente viennent, où la boustifaille est savoureuse pour des plats à 10-13 €, le Côtes-du-Rhône crapuleux à souhait et le service interrompu pendant le concert. Des conditions idéales pour applaudir, moyennant entrée libre et sortie au chapeau, Jean Dubois et ses “accompanieurs” (cajon-charleston, contrebasse esthétisée et lead guitare).
Les quatre zozos, qui n’ont pas sévi ensemble depuis l’enregistrement de leur album cet été, sont parfaitement au diapason. Pour ce concert intitulé “chansons d’amour et danses de caractère”, les classiques de Jean Dubois (mec que l’on peut retrouver en plus jeune collé au-dessus des toilettes, nous confirme Claudio Zaretti) se mêlent aux chansons tout juste enregistrées mais bien connues des fans, avec une palanquée de trouvailles : intros remixées, instrumentaux pour ouvrir le bal et remplacer “Rendez-vous à Izmir” (“on a gardé l’essentiel”, commente le chanteur, comme en écho à Charlebois expliquant “on avait trop de paroles” pour introduire “Les Américains”, chanson sans texte), set-list sans défaut. Impossible de ne pas être emporté par les qualités superlatives de ce concert : des chansons (dont des tubes imparables, incluant des anciens ou des plus récents comme “Faut que j’te voie”) tour à tour folk, rock, rageuses, sentimentales et pourtant toujours intelligentes sinon ironiques ; les intermèdes parlés, rares, volontiers antithétiques comme aime faire Jean (“c’est une chanson pour les victimes d’inondation”, lance-t-il par exemple avant “Splash” – “c’est quoi ce délice, tout d’un coup, splash, en plein oasis, tant pis si ça glisse… et tant mieux si ça tache”), toujours percutants ; l’interprétation “libre comme l’art”, impeccable de bout en bout – mémoire et feeling ; les soli d’Arnaud Le Coq, l’intervention subtile de Sylvain Gravé (jeu délicat des différentes sonorités et de la cymbale), la précision de Julien Drillon ; l’énergie du concert, la colère amoureuse et désenchantée du chanteur, et la bonne idée d’un CD enregistré brut “comme à la maison” vendu cinq euros la douzaine de titres – avec un bonus sincère en cadeau.
Bref, Jean Dubois, c’est le chanteur que l’on rêve de faire découvrir autant que l’on rêve d’être si on fredonne des notes musicales avec des paroles verbales : toujours intelligent, juste, mélodique, rythmique, bien entouré, euphorisant, simplement excellent. Comme à l’impossible le commun de nous n’est pas tenu, il reste quatre occasions d’aller profiter de ce mix entre Bob Dylan, Woodie Guthrie, Calvin Russell… et Séchan. Improbable, revigorant et puissant.
(Oui, je sais, j’ai mis “improbable” et “superlatif” dans un même article. Franchement, j’m’en fous, j’fais c’que j’veux avec mes ch’veux et même avec ma calvitie, mârde.)