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Valery Gergiev. Photo : Bertrand Ferrier.

Devant la montagne, osons le rappel : le ring, c’est seize cordes ; le Ring, c’est quatre soirées et vachement, vachement plus de cordes. Ce dimanche, le Mariinsky, sous la direction de Valery Gergiev, venait zouker La Walkyrie à Paris. Nous y étions, pas que, même si, à la marge, ça joue, parce que nous tendons bien haut un médius préalablement humecté aux débiles qui pensent que Wagner, c’est le nazisme ; pas que, non plus, parce que nous adressons la même expression digitale à ceux qui prétendraient boycotter Valery Gergiev sous prétexte qu’il est le laquais culturel de Vlad Poutine ; et pas que, ben non, parce que c’est mal d’aller applaudir Yevgeny Nikitin, dont on regrette davantage les explications risibles pré-Bayreuth que son droit à avoir des tatouages, même honnis par des bien-pensants si prompts à être choqués pour avoir leur entrefilet de gloire médiatique. Tiens, puisqu’on, c’est le caca de le dire, parle des cons, saluons Claude Guéant, l’homme qui ne dépense que 80 € par an… mais arrive au con(ha, ha)cert avec berline de luxe, chauffeur, garde du corps et entrée sécurisée payée par les cons qui, eux, payent leurs billets. Claude, j’espère que, la prochaine fois que tu entreras avec une telle gloire dans une institution publique, ce sera dans un cul-de-basse-fosse à ton image. Mais c’est pas le sujet du post, enquillons, avec un “i”, merci.

Passons donc au synopsis du jour. La Walkyrie, c’est essentiellement l’histoire d’un frère qui nique sa sœur et la féconde (c’est mieux pour préparer les prochains épisodes). Le dieu qui a engendré le bâtard veut le protéger. Sa femme lui lui ordonne de le défoncer. Courageux comme un dieu, Wotan envoie sa fille préférée faire le sale boulot. Comme elle le fait pas, il se résout, pour sauver son couple et ses pantoufles, à buter le fripon et punir l’insolente. Voilà. En gros, hein. Pour plus de précisions, par exemple, c’est zizi.
L’opéra est hénaurme, puisqu’il enchaîne trois actes d’1 h 10 à 1 h 30, avec deux p’tits entractes. On apprécie d’emblée l’accueil ridicule de la placeuse qui lâche : « Je vous donne qu’un programme pour deux, j’en ai pas assez. » Premièrement, t’en as, tu donnes, pauvre sotte. Deuxièmement le concert est annoncé complet depuis plusieurs mois : c’était pas possible de prévoir un programme par siège ? ou juste une distribution, parce que c’est ça l’intéressant ? ou, si tu veux la jouer généreuse, un programme qui inclut les durées des parties, parce que ça peut être sympa pour les naïfs ? Troisièmement, jeune péronnelle et sale menteuse, tout le monde en a déjà piqué deux, des programmes, sur ton stock situé à l’entrée, car chacun écule ton mensonge. Non, ça ne veut rien dire, mais je propose une question qui est peut-être un détail pour vous mais qui, pour nous, veut dire beaucoup : c’est quoi, ce truc du « j’en ai pas assez », choupette ? À la fin, tu les revends à un recycleur de papier ? Tu te les tailles en biseau et, avec ou sans une giclette de vaseline, tu en profites ? M’énerve, les trompeurs satisfaits. M’énerve aussi l’inégalité républicaine : devinons à combien de programmes a droit (dans ses bottes ou son fesse, nul ne sait) cette cochonnerie de Claude Guéant quand il vient accompagné. Bien.

Varvara Solovyova (Siegrune), Anna Kiknadze (Girmgerde), Oxana Shilova (Helmwige), Zhanna Dombrovwkaya (Gerhilde), Natalya Yevstafieva (Waltraute), Evelina Agabalaeva (Rossweisse), Irina Vasilieva (Ortlinde), Yekaterina Krapivina (Schwertleite). Photo : Josée Novicz.

La prestation de l’orchestre est remarquable, même avec les miniscories constitutives du live de grands orchestres, du type petites baisses de tension à mesure que les actes se déroulent, ou couacs sporadiques des cors pour rappeler qu’ils sont humains. L’ensemble est joué avec art et professionnalisme. Côté solistes lyriques, les gros rôles sont au rendez-vous ou presque. Mikhail Vekua, qui a pourtant chanté Loge la veille, est un Siegmund excellent. Certes, il n’a pas l’aisance onctueuse d’un Jonas Kaufmann ; il ne semble pourtant jamais en difficulté. Il a le rôle dans la voix et dans les intentions d’interprétation – ce qu’il chante est juste et bon. Sa Sieglinde, Elena Stikhina, n’est pas en reste : en dépit de la niaiserie de son rôle, elle ne laisse jamais le sentimentalisme déborder l’exigence pyrotechnique qui lui incombe. La Brünnhilde de Tatiana Pavlovskaya est solide, et l’on regrette que la miss ne soit reconduite que pour Siegfried, pas pour le Crépuscule de septembre (il est vrai qu’elle chantera la veille, mais Mikhail Vekua est annoncé pour les deux Siegfried), tant elle convainc sur cet épisode.

Le débat arrive avec Yevgeny Nikitin. En effet, après un début impressionnant, l’artiste craque complètement. Visiblement hors de forme, il souffre le martyre et peine à tenir jusqu’au terme de sa prestation, malgré l’assistance aquatique de Brünnhilde et la main portée à son oreille droite. Doit-on pour autant le blâmer ? À notre sens, certainement pas : il faut plutôt saluer la performance d’un chanteur sans doute malade, à l’instar d’un Christian Franz touchant en Tristan grâce à son courage, qui fait l’effort de chanter jusqu’au bout, avec des faiblesses mais sans ridicule, ce qu’il a promis d’interpréter. On a hâte de le réentendre dans deux rôles, moindres (le Wanderer et Günther), en septembre. Les autres artistes sont sans reproche : on apprécie les graves du méchant Hunding, bien servis par Mikhail Petrenko, la bonne tenue globale des filles de Wotan et la solidité rageuse de Yekaterina Sergeeva en Fricka, bafouée mais manipulatrice : beau travail.

Yevgeny Nikitin, enfin libre. Photo : Josée Novicz.

En conclusion, une belle prestation de la bande à Valery Gergiev, qui sait déjà que du lourd l’attend dans quelques mois, pour leur retour à la Philharmonie qui ne devrait pas tarder à afficher complet, le Ring étant en tête du boxe office. Bien.