Le Chaos String Quartet joue Haydn, Ligeti et Hensel (Solo Musica) – 2/4

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Quatrième du premier disque du CSQ

 

Après un passage par Joseph Haydn, le Chaos String Quartet s’engage sur les routes mouvementés de György Ligeti en suivant la direction du premier quatuor à cordes du zozo, terminé en 1954, créé quatre ans plus tard et intitulé Métamorphoses nocturnes. Au programme, vingt minutes portées par quatre mouvements doubles et enchaînés :

  • Allegro grazioso – Presto,
  • Prestissimo – Andante tranquillo,
  • Tempo di valse, moderato, con eleganza, un poco capricioso – Allegretto, un poco giovale,
  • Subito allegro con moto – Prestissimo.

Le quatuor de Joseph Haydn présentait des formes de chaos vues en quelque sorte de l’extérieur. Nous y observions le résultat d’un chamboulement interne imperceptible. Avec la pièce de Ligeti, le concept de métamorphose nous plonge au sein même du chaos. Non plus explosion extérieure mais chamboulement intérieur, le chaos est considéré comme la recomposition d’un ordre établi. L’intérêt naît sans doute de cette idée de “métamorphoses nocturnes”, où plusieurs changements sont à l’œuvre sans que la nuit ne nous permette d’en voir tous les détails. Il faudra donc

  • écouter davantage,
  • ressentir et
  • imaginer.

Appétissant ! L’Allegro grazioso liminaire, ternaire, plonge dans les profondeurs du do le plus grave du violoncelle pour bien inscrire le quatuor dans les abysses de la nuit. Bas Jongen, Sara Marzadori et Eszter Kruchió rampent dans l’obscurité, demi-ton par demi-ton,vers l’inaccessible scintillement du violon de Susanne Schäffer… jusqu’à ce que celui glisse et se retrouve à ramper derrière le combo violoncelle-alto. Des alliances de circonstance apparaissent : tantôt, les deux violons guident, tantôt, l’alto et le second violon dirigent la reptation. L’aventure des quatre hurluberlus captive.

  • Glissades,
  • ruptures de motifs ou de nuances,
  • échos haletants,
  • permutations inquiétantes,
  • parallélismes rythmiques valorisant les cahots des triolets en les confrontant à l’assurance des croches bien ancrés dans le temps

conduisent à une accélération brutale qui bascule dans un Vivace capricioso.

  • L’accentuation du rythme,
  • les frictions à la seconde près,
  • les contretemps  très marqués et
  • le travail sur les registres tour à tour concentrés et contrastés

secouent les seize cordes.

  • Crescendi,
  • ensembles et
  • relances en solo ou en duo

sont magistralement rendus par les interprètes dont

  • la coordination des intentions,
  • la capacité de changer de couleur en un tournemain et
  • la rigueur tant rythmique que tonique

séduisent. La partition

  • inventive,
  • variée et
  • habilement distribuée entre les partenaires

ne laisse pas d’ébaubir, tant dans la partie émergée donc enflammée du chaos que dans les mutations plus souterraines évoquant des changements structurels de la matière sonore. Ainsi de l’Adagio mesto qui, à la mesure 210, associe

  • des tenues apparemment innocentes,
  • un rythme chantourné et
  • une mesure instable à deux, trois ou quatre temps, qui ajoute à cette agitation intérieure.

La rondeur du grave de Bas Jongen s’entretient avec la rectitude des aigus de Susanne Schäfer tandis qu’alto et violon 2 semblent observer leurs complices avant de se mêler à l’échange de manière plus active. Le Chaos String Quartet excelle tant dans les parties suspendues, où il travaille le son de chacun et le son collectif, que dans les mouvements prompts – tel le Presto

  • l’énergie des notes en fusion,
  • la tonicité des accents et
  • le groove des synchronisations parfaites

participent de la séduction exercée par l’œuvre.

  • La diversité des dispositifs,
  • la variété des caractères musicaux et
  • l’agencement très fin, qu’il soit logique ou imprévisible, des saynètes les unes aux autres

sont éblouissants. Ainsi de l’arrivée à l’Andante tranquillo qui fascine par le travail

  • rythmique
    • (éphémères mouvements perpétuels,
    • tremblements et trilles communicatifs,
    • choix des mesures),
  • organisationnel
    • (qui joue avec qui,
    • qui se tait,
    • qui perturbe l’organisation de l’instant,
    • qui relance par les effets d’écho,
    • qui se love dans le flux dominant, etc.) et
  • sonore
    • (archet,
    • pizzicati,
    • harmoniques,
    • recours à la sourdine…).

Le chaos, ici, n’est pas réductible à la violence permanente des chocs. Il se situe aussi dans

  • l’insidieux (ainsi du travail sur des intervalles en partant des secondes pour préparer l’arrivée tardive des neuvièmes),
  • l’imperceptible et même
  • le discret (ainsi des légères accélérations du tempo instabilisant, et hop, ce qui semblait pérenne).

Ainsi bousculé, nous voici au mitan du quatuor. Retrouvons-nous tantôt pour une notule contant la fin de cette histoire proposée avec précision et passion parle Chaos String Quartet !