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Barthélémy Saurel au théâtre du Gouvernail (Paris 19), le 29 novembre 2023. Photo : Rozenn Douerin.

 

Barthélémy Saurel se prétend chanteur de race inférieure. Selon lui, “c’est dans ses gên’ qu’il n’y’a pas assez d’spectateurs”. Aux chansonnophiles (ceux qui aiment la chanson, pas les farceurs qui aiment la chanson parce qu’elle a été validée par France Inter et Télérama), il procure ce sentiment étonnant de voir tant de frères humains passer à côté de son talent alors que les vrais crient : “Mais il est génial, ce zigue !” Aux chanteurs moins talentueux, il offre la douce et perverse réassurance de se dire : “Bon, ça va, si lui ne fait pas l’Olympia, c’est normal que je galère, moi aussi.” Alors, pensez ce qu’il inspire aux chansonnophiles qui sont aussi des chanteurs moins talentueux…
À l’occasion du concert partagé intitulé “Chanter ensemble” parce que le but était de chanter ensemble (partant, le titre était pas si stupide, je trouve, d’autant que c’est plus ou moins moi qui l’ai trouvé, même si Jann Halexander me signale que plutôt moins, mais bon), celui qui, à une époque, a tenté d’user de sa pilosité faciale pour se faire passer pour Wolverine a enveloppé son set dans une énergie entrelaçant des chansons

  • drôles,
  • folles,
  • oniriques et
  • tubesques.

Laisse béton, j’démystifie, comme Renaud en 1980 : pour le sire susnommé, envoyer des chansons tubesques n’a rien de spectaculaire, comme le démontre cet audio. Des chansons tubesques, il en a mille environ dans son répertoire, dont évidemment la duologie explorant un certain Vincent (qui existe, donc qui pourrait être nous) dont il a finement et synthétiquement analysé la mobilité très relative et la vie amoureuse très partagée. Il en a mille parce que, d’une part, il sait mixer ensemble la super idée, son développement habile et la zizique catchy qui la rend inoubliable ; et parce que, d’autre part, la chanson à texte, elle est pas faite pour les haut placés avec un cerveau comme une courge de butternut sur le point d’exploser après être tombée dans un cœur de réacteur nucléaire, elle est faite pour être partagée, là, direct, avec toi, avec moi et, ce,

  • même si le chanteur chante au lieu de
    • susurrer depuis son hôtel particulier dans le seizième ou en tant que fils de,
    • parler pour rendre hommage aux personnes en situation de féminité.s ou
    • chougnasser en jouant les caïds pour boutique d’aéroport,
  • même s’il chante en français, le dingue,
  • même si c’est un homme,
  • même si c’est un Blanc,
  • même s’il ne revendique pas, à longueur de confessions publiques, ses préférences sexuelles ou les viols qu’il a subis enfant par
    • un prêtre,
    • un instit,
    • Gérard Depardieu ou
    • les trois, mon capitaine,
  • même s’il a le sens de la mélodie et de l’efficacité sans pour autant recourir à une kora ou un shakuhachi visant à adapter le système guitare-voix à un vivre ensemble mondial car la musique est universelle (heureusement que non !), et
  • même s’il n’a pas besoin de machines pour corriger sa voix ou faire boum boum derrière lui.

Alors, métier oblige, pour boucler le quart d’heure qui lui avait été alloué, l’ex-Bartouille a claqué un de ses hits pour finir d’embraser le théâtre du Gouvernail et Jean Dubois, qui a été embauché spontanément aux chœurs et deuxième voix – Jean Dubois étant un autre représentant de ces rares chanteurs proprement géniaux qui parlent aux chansonnophiles et rassurent presque, hélas, les chanteurs moins talentueux. Subséquemment, gentes dames, honorables gentlemen, voici sans tarder une chanson mortelle d’un chanteur vivant et garanti

  • sans article dans Télérama,
  • sans logo “France Inter aime ça” et
  • surtout, surtout, sans subvention.