Maya, artiste capitale

Mademoiselle Maya et son pianiste au théâtre du Gouvernail (Paris 19), le 21 septembre 2024. Photo : Patricia Nevertal.
C’est un cadeau sinon empoisonné, du moins pimenté. Dans cette notule, je vais essayer de dire du bien de manière de mini-musical auquel je participe tout en essayant d’expliquer que, si j’en dis du bien, c’est pas parce que j’y ploum-ploume. Relevons le gant et tentons l’aventure !
Le concept
Mademoiselle Maya est le personnage principal d’Un fil à la patte de Georges Feydeau bien qu’elle n’apparaisse jamais physiquement. Seul le titre de ses chansons est cité… et cela suffit pour susciter un personnage de divette qui frappe tous les spectateurs. Les deux plus frappés du lot ont été Charlotte Grenat et Jean-François Varlet, qui ont reconstitué les chansons de la dame dans les styles de l’époque, et qui en ont fait ce spectacle, Mademoiselle Maya en Ut intégral (à titre personnel, je ne comprends pas trop le titre, mais c’est une autre histoire).
Soit, donc, mademoiselle Maya, la chérie de Feydeau, qui vient en direct raconter sa vie, ses amours dans le Paris des impressionnistes, fricotant avec ce que l’expression anglophone a fixé comme étant « la crème de la crème ». Elle dialogue avec des messieurs – surtout l’inverse, en fait – qui apprécient la rencontre entre un corps accort et un esprit pas vraiment connecté à ce qui se joue. L’ingénue-mais-peut-être-moins-qu’il-ne-semble sait admirer, être admirée. Hélas et heureusement,
- étalonner,
- critériser,
- jauger
sont autant de guidelines vitales qui lui échappent. Le résultat est une heure un quart savoureuse et pétillante, où les ribouldingues percutent l’art, et où l’art de la parodie des créateurs des chansons est toujours subtilité, jamais ironie malvenue.
L’atout
En dehors du pianiste – exceptionnel, évidemment – qui
- l’accompagne,
- subit ses avanies avec un degré de compréhension qui dépend de son degré d’absinthéisme, et
- succède à une pianiste qui, elle, était vraiment formidable (elle acceptait même de jouer une chanson en la bémol mineur, c’est dire, laissez-moi vous dire que Ré bémol, déjà, bon, OK, à l’extrême rigueur, mais la bémol mineur, mais même pas tu m’cherches, mais c’est pas une question de doubler le cachet, c’est juste que t’es complètement malade de l’os de la tête),
la nana qui ne joue pas mais qui est mademoiselle Maya est ce que l’on appelait, peut-être, au siècle dernier, une dinguerie.
- Actrice chevillée au personnage de mademoiselle Maya qui l’a illuminée,
- chanteuse lyrique embastillée dans l’esprit d’une divette,
- artiste donnant corps aux résonances entendues dans l’une des plus grandes pièces de boulevard (donc l’une des plus grandes pièces de théâtre),
Charlotte Grenat est ébaubissante.
- Lumineuse,
- finaude,
- maligne malgré elle,
elle séduit les spectateurs en évitant tout rentre-dedans gênant. Chemin faisant emballe l’audience par
- sa maîtrise vocale,
- son savoir-être-en-scène et
- sa présence évidente.
Elle est mademoiselle Maya, et c’est d’autant plus magique que l’on n’imagine pas que cette nana, qui a eu mille vies artistiques avant et qui en développe d’autres – complètement différentes – actuellement, peut ne pas être que mademoiselle Maya.
Le bilan
Parfois, en tant que ploum-ploumiste, on est embarqué de notre plein gré, sans insu, dans des projets valeureux mais qu’on ne va pas forcément ultrasouligner sur son site perso. On aura compris que, cette fois, je dois reconnaître que le jeu vaut la chandelle, même si je n’ai jamais bien su ce que ce syntagme signifiait. Ce que je sais, c’est que Mademoiselle Maya en Ut intégral est un moment
- drôle,
- astucieux et
- d’autant plus intelligent qu’il l’est en profondeur et avec discrétion.
As far as I am concerned, je dirais que c’est un spectacle parfait pour quiconque aime having a good time, qu’il soit feydeaumaniaque ou non, franchement, ça, pas grave. On l’aura compris, je suis très fier d’être de la partie. Si ce samedi, à 16 h, nous pouvons partager ce moment, youpi.
Rendez-vous à l’Auguste théâtre (Paris 11), samedi 17 mai à 16 h.
Pour réserver, c’est ici (18 € ou 15 € pour les petits budgets, sans justification, c’est comme ça que j’aime).