Orlando Bass, “Préludes et fugues”, Indésens – 3/8

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Première du disque

 

Orlando Bass en convient dans le livret de son disque que nous continuons de découvrir : ce “Prélude et fugue” de Karol Szymanowski est un peu une arnaque, dans la mesure où l’aspect construit du binôme est une illusion, les deux parties ayant été écrites indépendamment l’une de l’autre, le lien s’entortillant autour de la tonalité identique d’ut dièse mineur. L’illusion n’en est pas moins parfaite.Et alors ? Des sonates ou des œuvres orchestrales qui

  • rassemblent,
  • collationnent voire
  • concatènent, et hop,

des mouvements composés dans diverses circonstances et non à l’occasion d’un même projet créatif, l’histoire musicale en regorge, tant pis pour les puristes (étonnant que cette race existe encore, bref).

 

 

Le prélude, entre 6/8 et 12/8, s’avance

  • “Lento ma non troppo”,
  • rubato et
  • concentré dans des nuances privilégiant le pianissimo, le mezzo piano ou, dans les cas extrêmes, le piano.

Orlando Bass en illustre

  • la gravité
    • (registre,
    • tempo,
    • nuances,
    • legato des accords,
    • pédalisation),
  • le swing ternaire et
  • l’irrégularité à la fois
    • inscrite dans la structure du prélude
      • (tenues escamotant les temps forts,
      • mesures se dilatant puis se contractant,
      • frictions tonales voire modales se gobergeant d’un chromatisme savoureux),
    • accentuée par l’agogique à la guise de l’interprète et
    • stimulée par les indications incitant çà à jouer “poco avvivando”, là “pochettino più.

L’illusion d’un prélude est parfaite, associant

  • des lignes brisées récurrentes pour charpenter le texte,
  • un allant qui ne fanfaronne pas et pousse donc l’auditeur à se demander où cet introït va le mener, et
  • une apparence d’improvisation qu’entretiendraient
    • les irrégularités sus évoquées,
    • les diastoles et sistoles des registres convoqués (tantôt graves, tantôt aigus, tantôt associés), ainsi que
    • les sursauts du flux discursif dont la tranquillité n’est qu’illusoire, la lave grondant dans le volcan, façon mini-Scriabine.

Dès lors, on se laisse absorber avec délectation dans une partition

  • d’une grande richesse harmonique,
  • d’une belle variété d’intensités et
  • d’une admirable construction débouchant sur un fade-out prenant.

 

 

La fugue,

  • andante,
  • binaire et
  • “sempre molto legato”,

s’avance sur un sujet zigzagant, pris dans une attraction descendante contre laquelle il tente de lutter. Pour nous laisser jouir de la tentation chromatique, Orlando Bass soigne

  • ses articulations,
  • ses respirations et
  • ses attaques.

La netteté du jeu contraste sciemment avec le déséquilibre profond du texte

  • (croches pointées – doubles,
  • exposition du sujet à cheval sur deux mesures,
  • appogiatures renforçant la claudication)

qui, lui-même, frictionne avec la sévérité contrapuntique de l’écriture. La seconde partie de la fugue s’enrichit

  • de trilles,
  • de doubles croches,
  • de tempi plus souples, ainsi que
  • d’une plus grande amplitude
    • de registres,
    • de nuances et
    • de touchers.

Résultat ?

  • La lisibilité de la polyphonie pourtant fort riche,
  • les délicatesses du toucher,
  • l’aisance technique,
  • la science de la pédalisation (magique jusque dans la coda) ainsi que
  • la capacité à rendre poétiques, captivants et même narratifs
    • l’harmonie,
    • le chromatisme et
    • le savoir-faire du compositeur

font de cette interprétation un moment suspendu confirmant le bien-fondé du projet. En effet, jusqu’à présent, le disque traduit la créativité – multiple, forcément multiple – qui sourd des contraintes quand un maître de l’écriture

  • les assume frontalement,
  • les peinturlure à sa façon et
  • se les approprie.

La prochaine étape promet : nous y aurons rendez-vous avec Alfred Schnittke !


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