Restaurant Duvin, Paris 9, 25 avril 2025
Pour ma défense, je parlerai d’une coïncidence. Un ami qui me dit : « Je suis restaurateur, voici ma carte. » Un autre ami qui, quasi séance tenante, me dit : « On s’est pas vu depuis mille ans, ça te dit que ? » Donc rendez-vous est pris au restaurant Duvin, au cœur du neuvième dramatique, en contrebas de Pigalle. L’ami de mille ans ne viendra pas, convoqué par son art sous d’autres latitudes, mais les dés sont jetés, on ne reculera point – à raison – devant les sommes à engager : en gros, le soir, 60 € pour entrée + plat + verre de vin. À notre arrivée,
- ambiance cosy,
- pas de salamalecs malaisants,
- une certaine improvisation qui va bien :
dès l’entrée, on sent le chic qui ne cherche pas à faire chic, ce qui rassure les ploucs qui savent entrer en terrain cossu donc miné pour les ploucs qu’ils sont et qui n’ont pas les codes du chic grastronomique. Nous sommes introduits – on l’a faite avant vous, elle est inutile – dans un petit salon. D’autres hôtes sont présents dans le restaurant, mais tout respire la sérénité et l’absence de brusquerie. Pour un claustrophobe comme votre serviteur, la frontière entre bien-être et oppression est très fine : l’habileté du service fera que, même dans une pièce aveugle, jamais le malade mental qui écrit ces lignes ne se sentira en danger de se soumettre à sa phobie.
La vaisselle de qualité est élégamment dépareillée. Les entrées, présentées par le sommelier devenu serveur parce que, sont pourléchantes de babine en dépit de prix inhabituels pour le clampin.
Le vol au vent de canard (12 €) se révèle
- fin de pâte,
- subtil de viande
- (goût,
- découpe,
- cuisson)
- et malin dans son jus de volaille.
Le tartare de saumon (15 €, ça rigole pas) ébaubit par
- la fermeté du poisson,
- la qualité saisissante de son assaisonnement, et
- la pertinence des accompagnements d’une délicatesse joyeuse (fenouil et agrumes).
C’est cher, oui, même à l’aune d’un Parisien pas toujours impécunieux quoique pas souvent pécunieux, mais c’est délicieux donc, pour le contexte, « c’est pas si cher » (en clair : c’est pas du foutage de goule). Les plats, autour et surtout au-dessus de 30 €, ne fifrelinent guère.
- Le filet de bœuf est cuit avec une délicatesse confondante,
- les frites croustillent à se damner,
- la sauce au poivre vert – si galvaudée – frétille dans le palais avant même qu’une nouvelle serveuse,
- pimpante,
- joyeuse et
- juste, ne nous explique que le chef est aussi maître saucier.
Pour notre auge,
- les asperges blanche Poupard explosent en bouche tant la cuisson les a flattées,
- l’œuf parfait surperforme son intitulé conventionnel mais prétentieux,
- les crevettes grises pétillent presque tant elles sont sapides, et
- la sauce hollandaise finit de donner envie de prendre en otage le chef et ses marmitons.
Près de nous, un couple s’est installé avec son labrador (qui, hélas, aura droit à un florilège de chaque plat – pour un maître de chien qui essaye d’être pas trop souple sur les extras, aïe). C’est
- tendre,
- tranquille, heureusement
- hors-sol.
Avant même le digestif exquis et finement conseillé (14 €, mais vraiment exquis et vraiment finement conseillé) que la serveuse nous propose de goûter, c’est un excellent moment. Après, c’est un moment wow, assez subtil pour envoler les grouillots, assez malin pour ne pas mettre mal à l’aise les pas-du-sérail. Bravo, Maxime, et bravo à ton équipe !