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Karita Mattila à Pleyel le 17 septembre 2013. (Photo : Josée Novicz)

Karita Mattila à Pleyel le 17 septembre 2013. (Photo : Josée Novicz)

Le 17 septembre, c’était la reprise de ma saison de spectateur – ô impatience ! L’orchestre symphonique de Cologne ouvrait le bal dans un programme Beethoven + Strauss.
En première partie, classique mise en bouche, l’ouverture d’Egmont de LVB rugit avec l’énergie requise puis laissait entendre un plaisant souci de contrastes. Entre alors en scène Karita Mattila pour le tube des sopranes et mezzos, les Quatre derniers lieder de Richard Strauss. D’emblée, l’attention se déplace. L’orchestre paraît avoir peu répété avec la vedette (les solistes en réponse font le boulot, mais les parties en duo avec certains pupitres ne coïncident pas parfaitement), mais son chef réussit à le mettre en arrière-plan pour laisser la soprano s’exprimer. Or, Karita Mattila profite de tempi contrastés mais sans excès (début allant mais pas excessivement pour “Frühling”, bonne pulsation dans le parfois traînant “Im Abendrot”) pour faire ce qu’elle aime faire désormais : valoriser l’expressivité. La micro-chorégaphie accessoirisée avec son étole, dont elle se drape, qu’elle prend en mains puis qu’elle pose, illustre ce que porte sa voix – une volonté de donner à sentir plutôt que d’impressionner. Capable de fortissimi, la soprano ne craint pas d’aller chercher ponctuellement des pianissimi quasi inaudibles, au risque de perdre en portée vocale ce qu’elle gagne en émotion. En définitive, la star, forte de son bagage technique et de sa carrière, semble privilégier la musique sur la perfection. À l’arrivée, cette option est très convaincante : la voix est belle sur l’ensemble de l’ambitus, et c’est une poignante interprétation personnelle, que Karita Mattila donne, ce soir-là, de quatre lieder qu’elle a pourtant dû interpréter des palanquées de fois.
En seconde partie, l’orchestre attaque la Cinquième Symphonie de LVB, feat. le célébrissime “Pom pom pom pom” liminaire, aussi appelé “Hymne de la pince à linge” depuis Pierre Dac et Francis Blanche. L’orchestre prend ses aises car, pour lui, c’est le moment de briller : Beethoven fait abondamment circuler la parole entre les pupitres, plaçant çà et là des ponctuations puissantes du tutti. Le résultat est plaisant, et même stimulant. Jamais tonitruant, l’orchestre, autant appliqué qu’impliqué, choie les différentes ambiances, écoute rebondir la balle mélodique d’un bout à l’autre du court de musique, puis se jette à corps perdu dans le final brisé et pyrotechnique. Malgré une direction qui paraît gestuellement peu précise, Jukka-Pekka Saraste tient son orchestre et le conduit avec sûreté sur les eaux tumultueuses de cette Cinquième. Le bis, tradition des orchestres étrangers en visite, est un vrai bis, pas juste une p’tite danse hongroise exécutée les doigts dans l’zen, par obligation. Aussi ce cadeau, quoique convenu, est-il à l’image d’une soirée de très haute tenue, où la musique l’a emporté sur la virtuosité et le tumulte.
As far as we’re concerned, c’est tout smooth.