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Paavo Järvi (ou Vladimir Poutine) vu par Josée Novicz

Paavo Järvi (ou Vladimir Poutine) vu par Josée Novicz

Apéro, solo, plat de résistance et dessert : tel est le programme qu’affronte l’Orchestre de Paris ce 2 octobre à la salle Pleyel.
En apéritif, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy semble surprendre les musiciens. Certes, jolie introduction en nuances douces, mais peu de froufroutements ensuite, peu d’émotions et de contrastes perceptibles. Les couleurs de l’orchestre tiennent plus de l’aquarelle que de la peinture – en clair : c’est un peu plus mignon que beau, ce qui ennuie chez Achille de France… Et cela inquiète d’autant plus que s’annonce le solo : le Troisième Concerto pour piano et orchestre de Béla Bartók. C’est le moins explosif des trois, celui où la puissance percussive du piano s’efface devant la recherche moins d’une mélodie que d’une communion (insertion du piano dans l’orchestre, questions-réponses, commentaires sur un thème de l’orchestre…) entre le soliste et l’ensemble. Pour cette soirée sponsorisée par l’Institut polonais de Paris, Piotr Anderszewski fait montre à la fois d’une assurance technique quasi fanfaronne, voire fanfaronne et demie, et d’un souci de dialogue avec l’orchestre et le chef – il est sans cesse tourné vers eux à les écouter et à les chercher du regard. Le résultat est heureux, avec de beaux passages d’ensemble, mais aussi – comme quoi, on doit être chagrin ce soir-là – une impression sporadique de laisser-filer, comme si la tension musicale cédait parfois sous la “jolitude” des harmonies – encore une fois, brillant mais plus joli que prenant. A contrario, le bis permet à Piotr Anderszewski de jouer un Bach très personnel, avec des wagonnets de rubato, pour une pièce certes antimusicologique au possible, mais résolument intériorisée et subjective. Que demander de plus à un bis ?
Après l’entracte, le plat de résistance s’appelle Symphonie en trois mouvements et est signée du chef cuistot Igor Stravinski. Et là, la magie orchestrale opère. Rigueur des départs, énergie des cordes même dans les pianissimi, brillant réglage des échos entre pupitres, efficacité de la direction de Paavo Järvi apparemment plus impliquée, interventions percutantes de la pianiste d’orchestre : et c’est ainsi qu’une partition de fond de tiroir (Stravinski l’avait ressortie et promptement réhabilitée pour répondre à une commande) se révèle enthousiasmante, mêlant beauté des timbres, rage des cuivres mais pas que, construction dramatique et fourmillement d’idées… Cela vaut bien des bravos ! Reste alors le dessert, qui explique sans doute que la salle Pleyel soit quasi pleine, même à la fin du concert : l’indécrottable Boléro de Maurice Ravel. C’est donc parti pour un petit quart d’heure permettant de découvrir l’orchestre, d’apprécier l’implication des musiciens (et pas que du caisse-clairiste !), et de profiter d’un tube qui enthousiasme toujours le public. Le chef est à l’ouvrage : il retient ses ouailles, les fait gronder comme il faut, et la soirée s’achève, tranquille, par un triomphe un brin exagéré au regard du Stravinski qui précédait.
En résumé, une soirée diverse donc stimulante, articulée autour d’interprétations entre bon et très haut niveau, et éclairée par une Symphonie en trois mouvements au contenu aussi passionnant que son titre manque d’entrain !

Soir de "Boléro" à Pleyel. (Photo : Josée Novicz)

Soir de “Boléro” à Pleyel. (Photo : Josée Novicz)