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L’orchestre Colonne est un petit orchestre parisien, qui donne sur 2012-2103 neuf “grands” concerts dans la capitale avec des musiciens de talent. Dirigé par le bonhomme Laurent Petitgirard, qui vient d’être prolongé à son poste et boosté au CNSMDP, il propose ce 5 février un programme original (Franck, Petitgirard lui-même, Chostakovitch), ce qui est appétissant, d’autant que les prix mammouthent toute concurrence (30 € les meilleures places). Résultat, la salle Pleyel ne semble même pas remplie au tiers, tant il est connu que ce qui est peu cher est merdique.
La première partie s’ouvre pourtant sur Le Chasseur maudit de César Franck, sorte de poème symphonique à programme (un chasseur sachant chasser choisit de chasser pendant la messe, il est jeté en Enfer, bien fait pour lui et tant mieux pour les renards). C’est l’orchestre Colonne qui, jadis, créa cette composition, rarement donnée aujourd’hui. Certes, il ne s’agit sans doute pas de la plus bouleversante création de Franck, mais elle offre à un petit orchestre symphonique l’occasion de faire entendre de beaux ensembles de cordes, des cors indispensables pour le folklore chassologique, des cloches tubulaires (j’adore !) inévitables pour “faire messe”, et quelques solistes sûrs, le tout présenté avec rondeur par le chef. Après Franck, Laurent Petitgirard lui-même, qui assume crânement le fait qu’il soit plus facile d’accepter de jouer sa musique quand on est le boss ET le compositeur. Son Concerto pour violoncelle, publié en 1993, s’articule en trois mouvements, plutôt lents et extatiques, traversés de tensions spectaculaires qui permettent de réveiller le spectateur – le zozo écrit pour le cinéma, il s’y connaît – et de lui signaler la fin du morceau. Gary Hoffman est en vedette, du moins en théorie : son violoncelle est peu audible avant le troisième mouvement (sauf lors des cadences écrites, évidemment), et cela semble dommage car sa sonorité met en gourmandise. (Nan, ça veut rien dire mais je trouve ça classe, alors laissons l’imagination bosser un peu.) Écriture néo-tonale, à-plats sonores de belle facture, percussions joliment mises en valeur, et explosions attendues avec timbales et cuivres au max : le résultat s’écoute sans admiration absolue, malgré le savoir-faire du maestro, mais avec un plaisir à peu près constant. On regrette juste le bis, constitué par le deuxième mouvement du Concerto, dont la reprise in extenso n’était franchement pas utile.
La surprise du concert arrive en seconde partie. Au programme, la Première symphonie de Dmitri Chostakovitch. Le chef tire alors de son ensemble relativement modeste en quantité une interprétation saisissante. Le premier mouvement joue pleinement des ruptures rythmiques. Malgré quelques imperfections de synchronisation, bénignes au regard du reste, l’orchestre est léger, précis, efficace, rageur quand il doit l’être, mordant, émouvant (hautbois du troisième mouvement sur son lit de cordes), à l’écoute (circulation du thème avec de très beaux bois, dont un clarinettiste irréprochable), convaincant dans ses ensembles et par ses solistes. Il nous semble que la tension vitale se dissipe au fur et à mesure ; de sorte que, peut-être, dans notre grand esprit malade, aurions-nous aimé plus de nervosité dans la direction des dix dernières minutes (l’oeuvre en compte une trentaine pour quatre mouvements à peu près équilibrés) ; mais c’est avec joie et chaleur que l’on peut applaudir le travail effectué par le Petitgirard’s Big Band sur cette œuvre, réellement et subtilement interprétée. Et ainsi se transforme une soirée sympathique en très belle soirée. Bien ouèj, Lolo !