Thomas Fersen, Casino de Paris, 26 novembre 2013

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Les fans de Thomas Fersen au Casino. Photo : Josée Novicz.

Les fans de Thomas Fersen au Casino. Photo : Josée Novicz.

On a connu Thomas Fersen incongru en tournée des plages à Gruissan (avec l’excellent Cyrille Wambergue au piano), extraordinaire aux Folies-Bergères, original à la Cité de la musique, gothique au cours de sa dernière tournée vampirique… Quelle sauce a-t-il préparé pour son retour au Casino de Paris, plein mais pas complet, avant un Trianon annoncé pour mai ?

Thomas Fersen au ukulélé. Photo : Josée Novicz.

Thomas Fersen au ukulélé. Photo : Josée Novicz.

L’album qui précède la tournée est décevant. Pas tant pour les chansons, dignes et ferseniennes sans que pour autant l’une ou l’autre passe pour franchement exceptionnelle. Bien plus pour les arrangements ballots signé par Cédric de La Chapelle pour son groupe The Ginger Accident, dont Thomas Fersen s’est hélas entiché, au point de le refourguer à son label pour un album. Tout est lourd, souvent moche (un penchant vintage n’excuse pas une prédilection pour les sonorités vilaines), à mille lieues des réussites globales qu’étaient les expérimentations acoustiques des Ronds de carotte, les cordes du Jour du poisson, le minimalisme de Trois petits tours, etc. Retrouver ce groupe sur scène, même flanqué de l’excellent Pierre Sangra aux guitares diverses, inquiète. La première partie, confiée à Cédric de la Chapelle et à Slow Joe, un obscur bluesman présenté comme un drogué indien ayant connu des chagrins d’amour, wouah, accentue cette crainte. Le chanteur, d’une banalité affligeante malgré son émotion sincère, propose quatre titres de blues sans personnalité, dont il ne connaît ni le texte (classeur devant lui) ni vraiment la musique (le guitariste lui chantonnant la mélodie au début). Même quand le concept de “première partie” séduit l’auditeur curieux, celle-ci est consternante et aurait mérité des huées. Pourtant, le public, poli, l’applaudit. C’est généreux et, pour tout dire, immérité.

Thomas Fersen au pipeau. Photo : Josée Novicz.

Thomas Fersen au pipeau. Photo : Josée Novicz.

Le concert de Thomas Fersen ne commence pas aussi mal, Dieu soit au moins loué pour ça. Le début – quatre titres du nouveau disque, sans adresse au public – annonce d’emblée les choix du spectacle : dépouillé et brassant large. Dépouillé car, sauf à la toute fin du concert, les chansons s’enchaînent sans que le chanteur cherche à fabriquer un lien entre elles. Brassant large car Thomas Fersen chantera à la fois toutes les chansons de son nouveau disque, des tubes et quelques semi-raretés (“Pégase”, par exemple), sans excès d’originalité toutefois (les albums des débuts sont largement laissés de côté). Accompagné par une section rythmique classique, une trompette et un trombone pas toujours au point nous a-t-il semblé, le chanteur se risque au ukulélé, à la flûte à bec sopranino (“Saint-Jean-du-doigt”) et au piano.  Tous les ingrédients de ses concerts sont au rendez-vous : quelques poèmes facétieux, des chorégraphies habilement malhabiles, et une set-list faisant une large part aux grands hymnes fédérateurs. La salle, 100% blanche, venue entre amis ou en famille, suit avec entrain ; les femmes crient sur ordre du chanteur – leur Jésus, même si la chanson autolouant le loukoum et la fève n’est pas au programme ; et, ambiance bon enfant oblige, personne ne montre ses fesses quand le chanteur le demande dans “Coccinelle”, pas terrible adaptation en chanson d’un sketch versifié autrement efficace.

Thomas Fersen au piano. Photo : Josée Novicz.

Thomas Fersen au piano. Photo : Josée Novicz.

En reprenant ses ingrédients habituels (y compris la peu enthousiasmante mais coutumière sortie au bout d’une heure de concert), en ajoutant l’intégralité des onze nouvelles chansons, en puisant dans son formidable répertoire, en jouant même avec les attentes du public (“Le lion” ne suit pas le savoureux sketch du dresseur de lion), en se libérant parfois de son groupe lourdaud (pétillant duo avec Pierre Sangra, beau finale seul au piano avec feinte pour partir vraiment), Thomas Fersen signe un spectacle plaisant, malgré la curieuse tendance de son créateur lumières à vouloir éblouir le public. So what, in fine? Disons que notre avis balance entre le plaisir de revoir sur scène le plus intelligent des chanteurs festifs, et l’inévitable déception liée à la faiblesse des arrangements et à l’absence de “p’tit truc en plus” (inédit, interlude inattendu, concept intrigant…) dont cet artiste hors pair est capable. Donc un concert sympathique, maîtrisé, mais qui n’assouvit pas notre fringale d’enthousiasme.

Bye-bye, Thomas Fersen ! Photo : Josée Novicz.

Bye-bye, Thomas Fersen ! Photo : Josée Novicz.