
Malgré
- polémiques et coteries,
- cahots et accalmies,
- soubresauts et résilience,
ce qui fut le forum Léo Ferré et devint le PIC est toujours un lieu aussi agréable à fréquenter pour qui se sent assez étranger aux ressentiments dont certains se font parfois l’écho.
- Les bénévoles sont serviables,
- la restauration d’avant-concert préservant le concept de cabaret est toujours conviviale voire gentiment troussée, et
- la programmation resserrée réserve son lot de bonnes idées,
parlant ou non au chaland. Le 6 juin 2025, c’était au tour de Gérard Morel de venir gratter guitare et cordes vocales avec un projet clair, comme j’aime bien, qu’il énonce d’emblée : « Ce soir, on va chanter des chansons. » Aussi se présente-t-il
- sans micro,
- sans amplification pour la six-cordes qui l’accompagne,
- sans plan de feux pour valoriser le régisseur,
bref, comme aurait sous-titré Ricet Barrier : tel quel voire, sinon, à poil, volontiers pêcheur mais sans filet. L’affaire s’enclenche sur le jeu phonique du « Bon gars pas dégueu », donnant le triple mode d’emploi de la soirée :
- on va parler d’amour,
- on va parler cru,
- on va rire mais pas que.
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Se réjouissant de son retour au Forum (chez lui, en somme), le chanteur dégaine ensuite « Quand tu viendras dans ma maison », sa collab’ de 2011 feat. Romain Didier, pour
- croquer la pie sous le tipi,
- le Cornas dans le palace,
- la muse dans la cambuse,
dans un marabout d’ficelle qui s’emballe jusqu’à chanter l’éloge de la chanson en général, celle qui nous fait nous sentir chez soi dès qu’on la partage. Aucun doute : l’homme sur scène envisage de « faire chanson engagée » quand il s’ra grand, option chanson d’amour – projet diététique dont il connaît tous les régimes depuis son CD culte de 2011. Cependant, bien qu’il vienne de l’Ardèche (non, « bien qu’il vienne de la Vienne », là, ça marche pas, dommage), il revendique son goût pour la sieste – sport que je crois à peu près maîtriser – même si, quand on se risque à cet exercice, « on est souvent dérangé ».
Avec « Y a plus d’saisons dans ma pampa », Gérard Morel raconte la frustration fantasmée des commerciales à domicile qu’il incite à riper de sa pampa puisqu’elles veulent lui vendre des trucs ou des métaphysiques quand lui envisage juste de leur proposer un cinq à sept. Peut-être l’une de ces fantasmées aurait pu « se nommer Aimée », sujet du fantasme suivant, saupoudré de mots fleurant tantôt Georges Brassens, tantôt Serge Gainsbourg. La mousmé en question a certes « un dos à s’appeler Anne » ; elle aurait pu s’appeler Blandine si elle n’avait bouffé le lion ; au lieu de quoi, elle s’appelle « Aimée », et le chanteur de conclure : « Vous devin’rez jamais pourquoi. »
Appelé à « écrire ces chansons lui-même » lors d’un « stage de reconversion professionnelle », Gérard Morel apprend qu’il est déconseillé d’utiliser des chuintantes dans les textes parce que ça passe mal dans les micros. Dépourvu de cet accessoire et chaud comme un marron prêt à péter, selon l’expression du susnommé Ricet Barrier, il décide donc d’écrire « La vache de greluche », laquelle se révèle être aussi « la coqueluche de [s]es nuits blanches ». Si l’exercice peut paraître artificiel, le chanteur l’enrubanne en coda d’un joli decrescendo rappelant que, de même que
- l’humour n’est pas antinomique de l’émotion,
- les contraintes ne sont pas toujours contraires au plaisir, pas plus que
- la chansonnette n’est hermétique à la musicalité.
Cette conviction judicieuse bénéficie ici du savoir-faire du saltimbanque capable d’embarquer une salle avec lui pour un tour de chant souriant qui ne fait – presque – que commencer. À suivre !