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Irakly Avaliani joue Domenico Scarlatti (Sonogramme) – 2/4

Première de couverture

Un presto en sol mineur : voilà l’programme de la sonate en sol mineur dite K.373 ; et le moins que l’on puisse stipuler, c’est que ça

  • tangue,
  • filoche et
  • rebondit.

Tout est bon pour énergiser le clavier :

  • longs sprints descendant une large partie du clavier,
  • échanges animés entre dextre et senestre,
  • intervalles et accords répétés à gauche pour dynamiser le pépiement à droite,
  • cavalcades chromatiques

s’interpolent, se succèdent et se bousculent sans répit. De quoi crépiter avant l’andante de la pastorale en Ut dite K.513.

 

 

Si le balancement liminaire et l’énoncé des six premières notes évoquent la plus célèbre des siciliennes, à savoir l’andante grazioso de la onzième sonate de Wolfgang Amadeus Mozart, Irakly Avaliani se concentre sur les spécificités de cette miniature :

  • questions-réponses,
  • modulations surprenantes,
  • efficience des mordants et
  • importance des silences laissant respirer les différentes sections.

Avec sa variété

  • d’attaques,
  • de phrasés et
  • de types d’utilisation (ou non) de la pédale de sustain,

le pianiste semble chercher à nous hypnotiser pour mieux nous secouer à l’arrivée du molto allegro, sorte de tambourin ou de musette avec sa basse

  • tantôt obstinée,
  • tantôt simple,
  • tantôt groovy.

Un deuxième contraste naît de la reprise, un troisième du retour de l’allegro, et un quatrième du presto servant de dernier mouvement en Ut, où étincellent

  • la fougue des doubles croches métronomiques,
  • la tonicité des staccati et
  • l’électricité des attaques accentuées.

 

 

La sonate K149 est un allegro dont le la mineur résonne plaisamment avec la tonalité d’Ut majeur qui concluait la pièce précédente. L’allegro en duo rompt la monotonie mélodique en la dopant à grands renforts

  • d’ornements agiles (et pas toujours indiqués sur les partitions),
  • de piquantes notes répétées et
  • de modulations olé-olé.

On est emporté par

  • la légèreté,
  • la sûreté et
  • l’inspiration

du toucher qui trahit la confiance d’Irakly Avaliani dans la musique qu’il a choisie. L’artiste semble habité par un sentiment

  • d’importance,
  • de nécessité et
  • de justesse artistique

le poussant à montrer que ces fragments, souvent très brefs et parfois non pyrotechniques, méritent la plus grande attention du mélomane.

 

 

La sonate K.33 en Ré s’ouvre sur un prologue déchiqueté en quatre mouvements contradictoires de dix-sept mesures (allegro ternaire – moderato binaire – allegro ternaire – moderato binaire). Cette introduction joyeusement étrange propulse un allegro à trois temps. La première interprétation souligne le caractère

  • incisif,
  • vorace et
  • tintinnabulant de l’œuvre.

La reprise en révèle une facette plus complexe où ont aussi leur place

  • le soyeux,
  • l’ambigu et
  • la demi-teinte.

Cette approche construit l’écoute de la seconde partie, où l’on se goberge à la fois

  • de l’allant et de la modulation en mineur,
  • de la pulsation des détachés et de l’onctuosité du legato éventuellement soutenu par la pédalisation,
  • de la férocité du tempo et de la capacité de transformer cette sévérité bienséante en légèreté aérienne par
    • un changement de toucher,
    • une mutation d’intensité ou
    • une infime suspension du discours préparant le torrent à venir.

 

 

Une proposition brillante et profonde dont nous suivrons la déclinaison en ré – mineur, en l’espèce – dès la prochaine sonate, la K.5, dont le pianiste butineur a choisi de nous faire goûter le pistil. À suivre !


Pour écouter le disque en intégralité, c’est ici.

Irakly Avaliani joue Domenico Scarlatti (Sonogramme) – 1/4

Première de couverture

On connaît la légende, née il y a deux décennies, de Christine Schornsheim, venue enregistrer un disque de sonates Haydn dans un studio nordique perdu. Bloquée par une tempête de neige, elle alors aurait décidé d’enregistrer l’intégrale – publiée chez Capriccio – plutôt que de tourner en rond.
En juillet 2013, la météorologie a hélas été plus clémente pour Irakly Avaliani, de sorte que le pianiste n’a enregistré que 16 des 555 sonates de Domenico Scarlatti (dont une trentaine seulement a été éditée de son vivant). Certaines pèsent plus de 9′, d’autres moins de 2′ : c’est à la guise de l’imaginaire… et parfait pour nous ouvrir à la surprise, d’autant que le livret, rédigé par un compatriote du musicien, n’a, soyons rond, aucun intérêt. En effet, en la matière, il existe des règles aussi intangibles que la destinée mortelle de l’homme. Par exemple, un livret qui commence par :

Domenico Scarlatti naquit à Naples le 26 octobre 1685

ne peut pas avoir le moindre début d’intérêt, car il efface la problématique (id est : pourquoi ces sonates dans ce disque par cet interprète ?) derrière une minibiographie qui aurait mieux sa place dans une conférence « illustrée d’exemples phonographiques », donnée un vendredi de novembre, en fin d’après-midi dans un conservatoire de banlieue chic et poussiéreuse, devant une poignée de vieilles dames de tout sexe fleurant mauvais l’eau de toilette des années 1850 et les restes d’un méchant pot-au-feu dégusté sans un coup d’jaja « car ce n’est pas dimanche tous les jours, n’est-ce pas ? ».
Le disque s’ouvre sur la sonate la plus longue, la Mi majeur dite K.215.  Doublement ternaire (elle est à trois temps dont chacun accueille en général trois notes), elle nous accueille par un prélude associant

  • triples croches fugaces,
  • appogiatures et
  • trilles.

Irakly Avaliani choisit de le couler dans une même résonance, ce qui lui garantit d’avoir toute l’attention de son auditeur tant l’effet surprend donc saisit. Le texte incite à l’étonnement par

  • la suspension de la dernière note des phrases,
  • la brisure du discours grâce au silence d’un point d’orgue, et
  • le passage soudain en mi mineur.

La reprise impatientera certains, mais c’est la reprise. En théorie, elle n’est pas optionnelle. Elle permet de mieux apprécier

  • les nuances,
  • les touchers et
  • les pinçouillées d’agogique qui, par
    • une respiration,
    • un phrasé qui se gonfle comme voile au vent ou
    • un effet d’attente (tel celui de la dernière note de la première partie)

rehaussent le tableau d’un trait de couleur vif, percutant et pertinent.

 

 

La seconde partie s’ouvre sur le choc

  • des attaques,
  • des septièmes et
  • des modulations.

Le retour du swing délicat ne signe pas le retour à une stabilité marmoréenne. Dans la finesse comme dans la percussivité, se faufilent

  • l’incertitude tonale,
  • le balancement des contretemps et
  • les doux cahots des deux en deux.

La reprise parvient à captiver en proposant une autre lecture de la partition, avec

  • un incipit plus sourd,
  • des piani plus intenses et
  • des phrasés davantage reliés entre eux.

Cette retenue permet

  • d’autres contrastes,
  • d’autres dispositifs de nuances,
  • d’autres mises en valeur de la spécificité de chaque registre.

Ce serait magistral si on s’ennuyait : on ne s’ennuie pas, c’est donc superbe.

 

 

Ternaire elle aussi, la sonate en Sol dite K.146, quatre fois plus courte que celle qui la précède, c’est la fête aux petites saucisses. Les doigts se défoulent.

  • Trilles précédant des triples croches,
  • mouvements tantôt contraires tantôt parallèles des deux mains,
  • jeu sur les parts du legato et du staccato :

tout cela

  • virtuose,
  • vertige et
  • pulse

avec une musicalité bluffante.

  • Les pépiements digitaux,
  • la conduite de la ligne volontiers monodique,
  • les sursauts modulants et
  • cette capacité avalianienne à transformer les marteaux, ces enclumes, en plumes

ébaubissent et réjouissent. La sonate K63 est un « capriccio » toujours en Sol mais binaire. On voit comment Irakly Avaliani tente de construire un programme varié mais cohérent. Après un pièce ternaire en Mi, il tuile avec une pièce ternaire en Sol ; après une pièce ternaire en Sol, il tuile avec une pièce binaire dans la même tonalité. Résultat, c’est pas pareil mais c’est pas complètement de bric et de broc. Malin.

 

 

L’écoute de la pièce m’évoque Édith Butler qui, à un moment, avait l’impression d’être enfermée dans son répertoire de party. Sur scène et en studio, elle était incitée à faire danser les gens, projet très honorable mais réducteur quand on aspire à un art un tout p’tit peu plus large. Eh bien, la sonate K 63 parle un peu de ça.
En tout cas, je me suis demandé comment un interprète pourrait jouer ce genre de pétillements un jour où il est dans le bad mood. Pas forcément un jour catastrophe, non, même pas. Un jour Maurane par Goldman : un jour « C’est même pas que je t’agace, c’est moins que ça ». Un jour de gris. De bof. De à-quoi-bon.
Réaction psychologisante stupide, j’en conviens, mais qui dit aussi

  • la vigueur du moment,
  • l’évidence du son, et
  • la force d’une musique projetée sans débat technique, même si l’on pourrait parler, histoire d’avoir des petits points sous les petits points,
    • des attaques,
    • des accents,
    • des ornements parfois audacieux (le judicieux mordant sur le dernier accord n’est pas indiqué sur toutes les partitions),
    • d’équilibre des mains et
    • des mutations d’intensité.

Baste, gardons cela pour une prochaine occasion.

 

 

La sonate en Ut mineur K.11 (la transition entre G7 et Cm est également un tuilage bien troussé) se présente comme une force qui va, bien ancrée dans son quatre temps matriciel.

  • Rythmée par des trilles,
  • dynamisée par des traits descendants,
  • pimpée par des mains qui se croisent pour offrir un accompagnement surplombant la mélodie,

la sonate s’éclaire sous les doigts sûrs d’Irakly Avaliani qui sait que la rigueur n’est pas l’opposé de la poésie.

  • La délicatesse de son toucher, qui n’est jamais mollesse ni mignardise,
  • la précision de ses phrasés, qui n’est jamais coquetterie ni m’as-tu-vuisme,
  • la clarté de sa vision d’ensemble, qui n’est jamais pédagogisme ni décryptage,

donnent une importance particulière à ces miniatures associant la concentration du propos et sa modestie énigmatique, qui évoque cet instant que décrit ainsi André Velter dans Au cabaret de l’éphémère [2005], in : La Vie en dansant et alii, Gallimard, « Poésie », 2020, p. 172 :

personne ne lève la poussière,
nulle rumeur ne prétend
qu’un amour égaré, ressuscité, imprudent
pourrait être en vue.

La vie passe, c’est tout.


Pour écouter le disque en intégralité, c’est ici.

Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 9/9

Première du disque

Issue de la série d’enregistrements qui a ouvert le double disque, le rondo en Ré op. 138 dit D.608, composé en 1818, conclut la fête après 1 h 35 de route. Pour cet allegretto, Monica Leone et Michele Campanella sont de retour sur le Steinway de 1892 entendu sur le premier disque. La partition permet de rendre raison d’un instrument dont la personnalité n’affecte pas la clarté.

  • Un piano I octaviant,
  • un piano II tour à tour accompagnant puis répondant à son collègue, et
  • un trois temps joliment balancé

lancent cette grande coda de dix minutes sous les meilleurs auspices. Soudain,

  • le Ré majeur mute en ré mineur ;
  • le tempo s’accélère ;
  • des appogiatures sont jouées si serrées qu’elles augmentent la tension en frisant la dissonance.

Les interprètes jouent avec nous, valorisant tantôt le sourire charmeur du registre aigu, accentuant tantôt le froncement de sourcils

  • d’arpèges diminués qui inquiètent,
  • d’habiles retards qui pincent l’harmonie, et
  • de notes répétées qui s’escagassent ou suspendent énigmatiquement la narration.

 

 

Le rondo se révèle

  • tantôt sautillant,
  • tantôt grognant,
  • tantôt lyrisant.

Son instabilité le rend captivant jusque dans le retour à la fois imprévisible et attendu du refrain en majeur.

  • La légèreté du toucher,
  • la finesse des nuances et
  • la justesse de l’agogique

font palpiter cette version. L’arrivée d’un long trait annonce la modulation en Sol. Le travail sur les contrastes

  • de registres,
  • de caractères et
  • de couleurs

est du miel pour l’âme ou ce qui en tient lieu. Le retour du refrain en Ré est un peu triste puisqu’il préfigure la fin du voyage, mais

  • le plaisir de la ritournelle,
  • l’attention portée à l’énergie de la coda tourbilonnante, et
  • la capacité des pianistes de faire surgir une musique jamais bruyante mais toujours d’une grande délicatesse, même dans les passages planplans comme la dispensable conclusion,

synthétisent une partie des charmes de ce florilège

  • ambitieux,
  • riche et
  • personnel

enregistré jadis avec brio et poésie par Monica Leone et Michele Campanella, et enfin disponible en double disque comme en streaming.


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 8/9

 

Première du disque

 

Dernière forme proposée par Monica Leone et Michele Campanella dans leur florilège du catalogue schubertien pour piano à quatre mains, la fugue en mi mineur op. 152 et étiquetée D.952, part d’un sujet exposé à la basse. Le mixage de Corrado Ruzza, sur une prise de son de Valter Neri, étale la polyphonie sur l’ensemble de la stéréo, donnant – notamment au casque – un côté saisissant à l’incipit qui restera affaire de goût, amoureux de la clarté presque pédagogique versus fans de la profusion des voix où le talent des interprètes guide, si tout va bien, l’oreille de l’auditeur. Les quatre voix se déploient

  • paisiblement,
  • sagement,
  • presque intimement.

L’effet d’écho plus que de canon traverse la pièce, éclairé par d’habiles réexpositions notamment au piano II qu’a repris Michele Campanella après la parenthèse des Grandes marches op. 60 où il avait été bombardé piano I. On apprécie

  • ses variations d’intensité,
  • sa large palette d’attaques, et
  • son sens de la petite respiration en plus qui change tout.

 

 

L‘équilibre sonore entre les registres du grave pas trop grave à l’aigu pas très aigu est magistral. La tentation du mineur repeint, elle, le sujet d’une autre couleur, gardant vive l’attention en dépit de l’absence d’effets wow. Tierce picarde incluse pour la dernière mesure, règne ici un calme invitant

  • à écouter plus qu’à entendre,
  • à méditer plus qu’à écouter,
  • à se laisser envoler plus qu’à méditer.

Si l’on est dans cet état d’esprit, on pourra friser l’état de grâce, voire plus ! Puis l’on écoutera, concluant la session sur le Yamaha CFX, la fantaisie en sol mineur alias D.9, composée en 1811. Deux fois plus courte que la fantaisie op. 103 qui ouvrait le programme, elle n’en comporte pas moins quatre mouvements comme sa future consœur, composée dix-sept ans après elle. Le prélude est un largo très digne avec

  • son train de sénateur,
  • ses valeurs longues à peine distraites par quelques fumerolles passagères, et
  • ses trois points d’orgue

dont le dernier prolonge un intervalle majeur d’autant plus saillant que, juste après, l’allegro bascule direct en ut mineur.

 

 

Une vive discussion anime alors les deux complices. Elle est finement mise en valeur par

  • des choix d’intensité parfois paradoxaux (quelle grâce pour faire ressortir la voix principale en la jouant moins fort qu’une voix secondaire !),
  • des trilles et des appogiatures quasi funky, et
  • une façon impressionnante de
    • jouer ensemble,
    • se répondre clairement, et
    • suspendre puis relancer le propos avec une synchronicité fascinante.

Derrière une musique d’apparence carrée-carrée, on s’amuse, dans le tempo di marcia, des bosselures prévues par le compositeur

  • (modulations vigoureuses,
  • ruptures de lignes,
  • silences et surgissement).

Un largo, en ré mineur même si la tierce picarde est de rigueur à la fin, et pour partie reconstitué, conclut une pièce souvent considérée comme secondaire mais dont Monica Leone et Michele Campanella ont l’élégance de montrer qu’elle contient déjà de quoi alimenter

  • le savoir-faire,
  • l’inspiration et
  • la technique compositionnelle

de celui qui n’est pas encore le Grand Franz que les siècles ont imaginé… avant de nous inviter à finir le voyage, dans une dernière notule, autour du rondo opus 138. To be concluded!


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 7/9

Première du disque

 

La quatrième des six marches op. 40 de Franz Schubert est un allegro maestoso en Ré qui, poli, ne crache pas sur la solennité mais veille à l’aménager

  • en frottant le dactyle binaire aux triolets de croche,
  • en contrastant les nuances, et
  • en posant çà et là de coquettes appogiatures.

Point de reprise médiane pour laisser le fil du morceau se dérouler. Le choix est heureux car le compositeur paraît chercher, en vain, un motif satisfaisant. On l’entend presque maugréer tandis qu’il mâchonne la rythmique liminaire sans parvenir à en faire jaillir une mélodie convaincante. Les interprètes rendent avec une belle hauteur de vue le mélange

  • de recherche,
  • de frustration et
  • d’obstination

qui semble habiter la page.

 

 

Le trio en Sol va son chemin, propulsé par des staccati graves. Un contrechant éclaire sa dernière partie, avant la seule reprise effectuée par les pianistes dans cette œuvre. Comme sur l’ensemble du disque, Monica Leone et Michele Campanella ébaubissent par

  • leur finesse de toucher,
  • leurs variétés de nuances piano et
  • leur remarquable synchronisation.

D’abord ancrée dans la vicieuse tonalité de mi bémol mineur, la cinquième marche – la plus longue – est un andante aux allures de procession. Une partie intermédiaire en fa# mineur alterne

  • rythme pointé,
  • ornements  et
  • échos graves pendant la modulation

revenant au motif et à la tonalité liminaires. Les musiciens tirent le meilleur d’une partition souvent étique, où une forme de méditation peut sourdre

  • de la retenue,
  • de l’aspect souvent motorique de la partie du piano II, façon walking bass, et
  • des redondances
    • (répétitions de motifs,
    • itération de progressions, et
    • recours massif aux unissons octaviés).

 

 

Le trio, majeur et bariolant, semble chercher à s’emporter sous ses airs tranquilles.

  • Intervalles répétés,
  • modulations très provisoires et
  • crescendi avortés

font frémir une pâte sonore toujours finement battue par les porte-voix de Franz S. La sixième et dernière marche est un allegro con brio en Mi. Le brio est ici multiple. L’évoquent

  • les flonflons des fanfares,
  • le lustre d’ornements rares mais pimpants,
  • l’éclat d’un piano dont les registres s’élargissent vers le très aigu, et
  • la fougue des contrastes
    • (attaques,
    • intensités,
    • tonalités).

Le compositeur associe à l’emphase l’éclat d’une mélodie qui perce au milieu des feux d’artifice.

 

 

Le trio en Ut – avec reprise des deux segments – tranche par

  • son calme,
  • ses aigus octaviés, et
  • les jolis mouvements inverses du piano I.

Cette sérénité donne tout son suc à la tonicité de la marche, réinjectée en guise de da capo. Monica Leone et Michele Campanella ont cependant l’habileté de ne pas stabyloter la dimension vigoureuse de la pièce. Ainsi évitent-ils la caricature (une partie pétaradante, une partie mollichonne) pour évoquer davantage

  • l’ambiguïté de la forme ABA,
  • la continuité entre deux états d’esprit, et
  • la contamination des deux humeurs par-delà l’apparente inviolabilité de la frontière (des rythmes pointés dans le trio laissant percer la nature martiale du projet, des pulsions mélodiques affleurant çà et là dans la marche, tempérant ainsi son caractère fondamentalement rythmique).

Une interprétation peut-être plus captivante que les marches elles-mêmes, bien que l’on se réjouisse d’écouter, après

  • une fantaisie,
  • des polonaises,
  • une danse,
  • un rondo et
  • un thème + variations,

un autre aspect de l’œuvre pour piano à quatre mains de Franz le prolifique… alors qu’une fugue et une seconde fantaisie nous attendent une prochaine notule pour tournicoter sur notre gramophone.


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 6/9

Première du disque

 

Comme l’ancêtre de Georges Brassens, souvent, devant la musique, nous tombons à genoux – exceptées toutefois les marches militaires que nous écoutons en nous tapant le cul par terre. Point de militaire, ici, alléluia, mais six grandes marches op. 40 dites D.819. Même si la musique qui marche au pas, cela ne nous regarde pas, ce bouquet schubertien porté par le piano à quatre mains de Monica Leone et Michele Campanella, qui nous accompagne depuis le début du moi(s), formera-t-il un escalier menant vers le plaisir des esgourdes ?
La première marche est un allegro maestoso en Mi bémol. Au rythme borné propre au genre, Franz Schubert essaye de donner du groove
grâce

  • aux appogiatures,
  • au rythme pointé et
  • aux triolets de doubles croches,

à quoi s’ajoute l’utilisation d’un registre comprimé entre médiums et aigus, donnant un soupçon de légèreté à cet hymne solennel. On se réjouit de l’art que déploient les interprètes pour aspirer à l’évasion par la façon

  • d’amener délicatement à une modulation,
  • de construire un large spectre de nuances, et
  • de trouver le toucher juste pour fabriquer
    • du rebond,
    • du ressort et
    • du peps.

 

 

Le trio contraste.

  • Reflux des décibels,
  • délicatesse du toucher mélodique et du bariolage d’accompagnement (pour ce cycle, Michele Campanella a pris la partie du piano I, et les interprètes ont choisi un Yamaha CFX moderne),
  • ajout d’un trille en fin de première partie qui est logique mais n’est pas sur toutes les partitions, contrairement à celui qui clôt la seconde partie :

tout charme avant le retour terrien à la marche. Le deuxième épisode du cycle est un allegro ma non troppo en sol mineur. La légèreté, contradictoire avec le genre mais indispensable à la musique, naît

  • de l’anacrouse énergisante,
  • des appogiatures propulsantes et
  • des contrastes entre,
    • d’une part, sforzendi et staccati, et,
    • d’autre part, forte (voire double forte) et piani.

 

 

Un système de réponses entre les partenaires anime la seconde partie, qui conduit à un trio en majeur. On y goûte l’art des musiciens pour

  • valoriser une harmonie,
  • lisibiliser une partition,
  • iriser les nuances piano pour en révéler différentes couleurs.

Le da capo tonique secoue l’auditeur avant la troisième marche, un allegretto en si mineur lancé par le piano II. La première partie surprend par ses foucades :

  • l’introduction très martiale est contredite par l’entrée guillerette d’une mélodie octaviée ;
  • la tonalité prend plaisir à vaciller telle une flamme de bougie ; et
  • les interprètes décident de ne pas faire la reprise médiane.

La seconde partie s’anime

  • de fanfares sporadiques,
  • de flux et de reflux, et
  • de vagues modulantes.

 

 

Le trio, majeur, minaude, guilleret, avec

  • notes et intervalles répétés,
  • rythme pointé,
  • appogiatures insouciantes et
  • accompagnement discret.

La reprise de la marche mineure réinjecte de l’influx dans le moteur jusqu’à la suspension du discours. Dès le prochain épisode, nous évoquerons la seconde partie de cette suite. Que voulez-vous, à mon âge, au milieu de l’escalier, il arrive que l’on fasse une pause en émettant l’hypothèse, ténue mais précieuse, que, pendant ce temps, quelqu’un finira d’installer un ascenseur…


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 5/9

Première du disque

 

Contemporaine de l’écriture du grand duo D.812 (non choisi par les interprètes), les Huit variations sur un thème original op. 35, dites D.813, complètent le panel de formes piochées par Monica Leone et Michele Campanella dans l’œuvre pour piano à quatre mains de Franz Schubert : après

  • une fantaisie,
  • quatre polonaises,
  • une danse allemande et ses petits légumes puis
  • un rondo,

voici une démonstration de l’art de divaguer dans un cadre précis offerte par le compositeur. Le thème est manière de marche en La bémol tendant à mitan vers l’Ut mineur. Les interprètes ont le bon goût d’alléger l’aspect martial pour garder le plaisir

  • de l’impulsion,
  • du dialogue et
  • de la variété des attaques.

La première variation frotte la logique binaire à la fantaisie des triolets essentiellement énoncés par le piano I.

  • Notes répétées rythmées par le piano II,
  • effets d’écho joliment nuancés et
  • contrastes habilement synchronisés

donnent du charme à cette page. La deuxième variation confie le moteur à doubles croches au secondo piano.

  • La tonicité du rythme pointé et des triples croches du piano I
  • les échanges de rôles entre les musiciens, ainsi que
  • des crescendi-decrescendi très progressifs

captent l’esgourde. La troisième variation, « un poco più lento », répartit clairement les tâches : au grave la pulsation des intervalles répétées, au médium et à l’aigu le rappel rythmico-mélodique du motif matriciel. On y goûte notamment

  • la fraîcheur du balancement,
  • l’acidulé du chromatisme, et
  • la grâce toujours parfaite de l’exécution.

La quatrième variation, qui revient au tempo primo, ferait presque oublier que, comme certains sont tactiles, Franz Schubert est dactyle (il utilise souvent une cellule d’une note longue suivie de deux brèves). Monica Leone et Michele Campanella savent

  • être carrés-carrés dans ces échanges de doubles croches,
  • laisser une place minime donc juste pour l’agogique et la respiration, et
  • aller leur chemin sans oublier de dialoguer donc de caler leurs intensités et leurs phrasés sur l’ensemble de la partition, non sur leur seule partie.

Dès lors, les tips du compositeur pour pimper ce solide quatre temps peuvent se déguster comme du citron sur une huitre fraîche : ainsi

  • deux-en-deux gambadants,
  • staccati bondissants,
  • allègres appogiatures et
  • extension des registres vers un suraigu tant aérien qu’éphémère

propulsent-ils cette section avec une efficacité singulière.

 

 

La cinquième variation s’effondre en la bémol mineur (tous les bémols sont de sortie pour l’occasion). Sur un thème dont l’incipit rappellera peut-être à certains le tube de la Septième symphonie de Ludwig van Beethoven, le  piano primo se révèle très sage puisque la mélodie, seule ou octaviée, est à peine troublée par quelques ornements

  • (mordants,
  • appogiatures et
  • trilles finales).

Le secondo piano, lui, se contente de barioler et d’égrener la basse en octave.

  • La finesse des piani,
  • la délicatesse du toucher, et
  • la maîtrise qui permet d’être lent sans être pesant

ne manqueront pas de saisir l’auditeur. La sixième variation, un maestoso de retour en La bémol majeur, est le royaume des sextolets de doubles croches. Dans la première partie, les deux compères

  • se rendent doubles pour doubles,
  • se répondent et
  • se rodomontadent, hé hé,

avec une feinte sérénité avant de laisser la dextre du piano I faire, tonique, la course en tête. La septième variation, « più lento » et officiellement « con sordini » (accessoire ici peu audible), s’ouvre par un premier segment à la fois

  • solennel,
  • chromatique et
  • modulant (entre
    • La bémol,
    • fa mineur et
    • Ut).

L’épisode, plus harmonique que mélodique, se présente comme

  • un interlude,
  • une suspension et
  • une retenue

qui lâche brusquement pour laisser place sans transition à la huitième variation, un allegro moderato en 12/8. Les rôles,

  • d’abord divisés,
  • bientôt complémentaires,
  • enfin inversés,

festonnent autour

  • d’une pulsation,
  • de sextolets de doubles croches souvent octaviées, et
  • d’effets
    • d’échos,
    • de prolongements et
    • de divisions

qui étoffent un tissu initial volontairement étique.

  • Modulations énergisantes,
  • gammes tonifiantes,
  • légers ritendi permettant ensuite de lâcher la bride à des chevaux disciplinés

alimentent cette conclusion brillante d’une pièce qui sait animer un classicisme de bon aloi par d’indispensables

  • surprises,
  • trouvailles et
  • astuces

admirablement serties dans le jeu

  • précis,
  • fin et
  • toujours délicat

de Monica Leone et Michele Campanella. Ainsi se concluent les soixante-quatorze premières minutes du double disque. Bientôt débutera l’exploration des soixante-quatorze minutes suivantes !


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 4/9

Première du disque

 

Après une fantaisie, quatre polonaises, une danse allemande et deux danses paysannes, Monica Leone et Michele Campanella continuent d’effeuiller la marguerite des genres abordés par Franz Schubert pour piano à quatre mains.  Voici à présent le rondo, à travers l’opus 107 dit D.951, composé en 1828, donc à la fin de la vie du compositeur. La friction avec l’opus 138 dit D.608, qui conclura le disque et notre série de chroniques, composé, lui, en 1818, promet d’être captivante. C’est toujours sur un Steinway de 1892 qu’est abordé cet allegretto quasi andantino (un piano plus moderne colorera trois pièces ultérieurement). Le refrain est abordé avec

  • la sérénité,
  • la tranquillité mais aussi
  • l’allant

requis. On goûte notamment

  • la netteté des octaves du piano I,
  • la douceur de l’accompagnement du piano II et
  • la précision rythmique de l’énoncé
    • (ornementation,
    • triolets,
    • quintolets,
    • sextolets,
    • rythme pointé…).

L’usage judicieux de la pédale de sustain assure une résonance qui n’est jamais floutage mais, au-delà du confort d’écoute,

  • prolongement,
  • accompagnement et, en quelque sorte,
  • gestion du son,

lequel est autant pensé et pesé que posé.

  • La variété des couplets,
  • le recours au mode mineur, et
  • les différenciations
    • d’accents,
    • de touchers et
    • de phrasés,

pour partie écrits, pour partie propres aux interprètes, alimentent la richesse d’une partition qui paraît pourtant simple et benoîte si l’on l’entend au lieu de l’écouter.

 

 

  • La complexification des échanges entre les deux musiciens,
  • la sûreté du tempo et
  • l’art de respirer de concert

permettent de savourer les embardées étonnantes que ménage la partition, notamment en matière de modulations,

  • ici tuilées logiquement,
  • çà fondues-enchaînées,
  • là secouantes (le Fa à 5’48, pour préparer le Sol7 !).

Plus énergique, la partie en Ut ne se dépare point toutefois d’une élégance dont témoigne le dialogue entre les deux partenaires.

  • L’instabilité tonale,
  • le motorisme du piano II,
  • le pétillement de notes répétées dans les registres aigus du piano, mais aussi
  • le plaisir du refrain

alimentent l’intérêt de l’auditeur. Le rapprochement entre la main droite du piano II et la main gauche du piano primo concentre un temps la sonorité vers le médium, ajoutant une couleur à la palette jusqu’ici utilisée par Franz Schubert. Ce nonobstant, ici comme ailleurs,

  • nulle affèterie mignarde,
  • nulle agogique minaudante,
  • nul stabylotage intempestif.

Triomphent

  • l’écoute mutuelle des pianistes,
  • une profonde intelligence de la partition, et
  • un sens de la musicalité impressionnant (jusque dans le détail de la walking bass autour de 9’50, par exemple, avec la sélection des blue notes à faire sonner plus que les autres…)

Le lead confié au piano II pour le retour du Fa signale le louable souci de renouvellement du compositeur, par-delà la cyclicité propre à la forme du rondo. La coda associe

  • la liberté de la presque cadence rubato,
  • la netteté du finale commun, et
  • la jubilation du point d’orgue avalant le son dans le temps long du silence.

Une proposition jamais spectaculaire, toujours délicate : de quoi mettre en appétit pour les 8 variations opus 35 qui concluent le premier disque et que nous évoquerons très prochainement !


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 3/9

Première du disque

 

Les danses pour piano de Franz Schubert sont souvent considérées, en grande partie, comme la petite monnaie des grosses coupures que seraient les chefs-d’œuvre du compositeur. Pourtant, même s’il est évident que les quatre polonaises opus 75, évoquées dans le deuxième épisode de cette chronique d’Insieme, n’ont ni l’ambition ni la puissance de la fantaisie en fa mineur opus 103, évoquée dans le premier épisode. Néanmoins, Monica Leone et Michele Campanella semblent résolus à ne pas s’en tenir aux mastodontes du catalogue pour élargir un peu notre image gentiment étriquée et sagement conventionnelle de la geste schubertienne. Dans cette perspective, l’auditeur doit admettre qu’il ne sera pas soufflé par la force émotionnelle émanant de la musique ; il est appelé à profiter de divertissements bien troussés et exécutés avec soin.
En témoigne le D.618, composé en 1818 et constitué de deux parties. La première est une danse allemande agrémentée de deux trios. La danse allemande, un trois-temps en Sol, est d’une élégance confondante en dépit de son côté terrien

  • (rythme,
  • simplicité harmonique,
  • cyclicité des motifs)

Nulle bourrinade dans cette version, mais une dose ébouriffante de finesse :

  • le pianissimo exigé par le compositeur unit les quatre mains dans une même douceur ;
  • l’appui sur le premier temps se fond dans l’anacrouse swing ;
  • les petits mordants ajoutent une révérence à la chorégraphie imaginaire des danseurs.

 

 

Le premier trio trouve un nouveau souffle en transformant le 3/4 en 6/8.

  • Ça gambade,
  • ça sautille avec plus de mordants,
  • ça contraste entre
    • forte piano,
    • piano,
    • sforzendi,
    • forte

Tout est senti :

  • les ralentis modérés et parfaitement synchrones,
  • les crescendi et
  • l’accompagnement à la fois discret et efficace assuré par Michele Campanella.

Le second trio, invitation non dissimulée à boire chopine, brille par

  • ses accents,
  • ses tierces simples et entraînantes, et
  • ses changements d’intensité.

On applaudit

  • le contraste franc et assumé entre la tonalité d’Ut et le retour du thème en Sol sans penser par le Ré7,
  • la friction de couleurs entre un trio franc du collier et un premier motif beaucoup plus intérieur, et
  • la capacité de Monica Leone d’user d’une large palette d’attaques, de touchers et de phrasés.

 

 

L’opus se poursuit avec deux Ländlerid sunt deux danses paysannes. On est toujours à trois temps, évidemment, pour le swing, mais on passe dans la tonalité de Mi. La première danse saisit par la ligne escarpée de la mélodie, jouée dans des aigus cristallins. La grâce de Monica Leone est parfaitement soutenue par la maîtrise du clavier que déploie Michele Campanella pour en tirer des piani refaisant l’éloge du Steinway 1892 que jouent les deux artistes.
La seconde danse, enchaînée, joue sur les différences de sonorité provoquées par les changements d’octave, avec une tendance à l’alanguissement quasi chopinienne… La première danse est alors un da capo délicieux. Comme quoi, des pièces mineurs (en majeur) peuvent faire fondre le petit cœur sensible de l’auditeur et lui faire avaler son chapeau sur une hiérarchie de plaisirs mélomaniaques qui n’existe pas toujours ! Dans ces conditions, manger son chapeau est un plaisir qui relance notre intérêt pour ce disque que les quatre polonaises, en dépit de l’excellence de l’interprétation, avait presque mis en question.


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Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 2/9

Première du disque

 

Les quatre polonaises de 1818, opus 75, codées D.599, s’ouvrent sur une danse en ré mineur. Monica Leone et Michele Campanella tâchent d’y associer

  • rythmique fonctionnelle,
  • mignonnitude de la ligne mélodique parfois doublée à l’octave, et
  • contraste du trio.

Cela est fait avec un mélange

  • de sérieux,
  • de délicatesse et
  • de foi

dans une œuvre dont l’intérêt est surtout d’être moins intéressante que les grandes pièces pour quatre mains, ce qui permet à l’auditeur de relâcher sa tension et son émotion après la prenante Fantaisie en fa mineur. La polonaise en Si bémol majeur

  • sautille joliment dans les aigus,
  • respire avant ses reprises,
  • sublime ses nuances piani d’accompagnement et de lead.

C’est fait avec un goût extrême (ceci n’est pas une insulte) sans convaincre que le savoir-faire artistique des interprètes ne tente pas un peu vainement de sublimer une partition fort pimpante – c’est pas si mal – mais guère frissonnante.

 

 

La polonaise en Mi confirme les qualités ouïes précédemment :

  • science du toucher,
  • astuce du phrasé,
  • capacité de placer l’accent juste pour rendre punchy l’énoncé mignon.

L’exécution est remarquable.

  • La mélodie est déliée (les ornementations !) mais décidée,
  • l’accompagnement est léger mais assuré et présent,
  • les effets de synchronisation sont admirables mais d’un naturel confondant.

Quoique délectable, l’écoute mais laisse le fan de Schubert sur le gué s’il n’est pas hardcore : joué par de tels artistes, c’est

  • plaisant à ouïr,
  • clairement capable d’éblouir techniquement le clampin qui a ploum-ploumé sur un piano avec balourdise et se rend compte qu’il lui manquait un détail pour faire musique : le talent, mais
  • tellement loin d’émouvoir tant ces partitions sont secondaires dans la geste schubertienne.

La quatrième polonaise en Fa n’efface aucun des charmes des pistes précédentes. Il y a

  • de l’énergie dans l’accent,
  • de la précision dans la synchronisation de l’intention,
  • de l’efficacité dans l’impulsion et
  • de la science musicale dans l’art de donner du sens au propos par la valorisation
    • d’une harmonie,
    • d’un effet d’attente,
    • d’un motif.

Les interprètes n’y peuvent mais : en dépit de

  • leur perfectionnisme,
  • leur science,
  • leur conviction,

l’urgence de produire ces œuvres sur CD ne paraît pas évidente. Une explicitation sur le livret aurait peut-être défloré le mystère mais aurait aussi orienté le curieux. Peut-être la confrontation d’un opus de 1818 et d’un autre de 1828 nous montrera-t-il pourquoi si, en fait ? À suivre, donc.


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