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Fallait pas se tromper à la sortie du métro : tout droit, c’est Patrick Bruel ; si on bifurque, c’est Heinz Holliger. Je bifurquai. So long, Patou.
Ce jeudi où il drachait plus qu’abondamment, était donnée à la Cité de la musique l’intégrale de Scardanelli-Zyklus, un ensemble de pièces inspirées par les poèmes que Hölderlin signa Scardanelli. Le tout est annoncé pour durer 2h30 sans entracte ce qui, après une journée de labeur peut effrayer. Pourtant, disons-le d’emblée et sans snobisme, la durée ne sera jamais pesante, même pour un non-spécialiste. On peut en proposer trois explications.
Premièrement, l’événement : entendre l’ensemble de ces pièces dirigées par le compositeur, considéré comme une vedette dans son domaine, est une rareté qui aiguise la curiosité. Deuxièmement, la diversité : le cycle rassemble des pièces pour ensemble, solistes (gros solo de la flûtiste Sophie Cherrier), chœur a capella ou accompagné, musiciens acoustiques ou sonorisés, de sorte que l’alternance stimule l’audition et l’intérêt. Troisièmement, la musique, interprétée par des spécialistes de haute volée : malgré des notes de programme imbittables de Kristina Ericson (“les processus ne se développent pas sur la base de rapports de cause à effet, mais ils sont menés presque systématiquement jusqu’à leurs propres limites, jusqu’à une sorte d’effondrement”, gâ ?), la variété des climats, la beauté des harmonies obtenues par moments, l’exploration continue des possibilités musicales et vocales (souffles, aspirations, notes filées ou perdues, claquements, déchirures…), l’alternance de tensions brutales ou de contrastes moins rapprochés donc attendus, l’interrogation perceptible de l’écriture (au centre de la composition, un choral harmonisé par Bach est accompagné par un orchestre qui rature toute cette écriture traditionnelle et juxtapose aux harmonies traditionnelles une autre forme d’accompagnement : choc 100% garanti !), bref, tout cela, qui est audible par tout être de bonne volonté, capte l’oreille, en dépit de quelques répétitions d’effets rappelant que le “cycle” est en réalité appelé à être joué par petits fragments plus souvent que d’un seul bloc.
Le résultat, porté par l’Ensemble intercontemporain et le Chœur de la Radio lettonne, invité pour la Biennale d’art vocal, est palpitant et souvent beau. On regrette d’autant plus que la Cité ait cru bon de ne fournir qu’une liste de titres à une partie des spectateurs, au lieu d’un programme (sans couverture, ben voyons) que seuls quelques privilégiés ont pu obtenir. En sus de l’aspect désagréable de la chose, c’est esthétiquement dommage, car Scardanelli-Zyklus propose une évolution dramatique, un agencement spécifique, que l’on peut certes écouter sans guide mais qui gagne à être entendue avec trois pages d’indications. Cette piètre raspinguerie est stupide (combien coûte un programme dans le budget d’un tel événement ?), mais elle ne remet pas en cause l’intérêt que j’ai eu à profiter, cette année, de l’abonnement à l’Ensemble intercontemporain (cinq concerts originaux et stimulants à 10,8€ la place, c’est bon d’habiter Paris, parfois). Mais bon, ça énerve quand même.