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Photo : Bertrand Ferrier

 

En œnologie, surtout quand on n’y connaît rien, le pire est parfois l’étiquette.

  • Tantôt, elle est markettée si finement – subodorent les commerciaux – qu’un iPhone 18 semble celer dans la quille, un iPhone plutôt qu’un fruit de la vigne ;
  • tantôt, elle est bazardée pour montrer non moins subtilement que l’important, c’est la rose et le jus, pas les flonflons de l’extérieur
  • tantôt, elle peut aussi être un mix’n’match de négligences coupables (traits d’union manquant dans le toponyme, comme dans Coulanges-la-Vineuse – comme l’aurait stipulé Muriel Robin quand elle avait du talent en frayant avec Pierre Palmade, car les traits d’union, “c’est un détail, cependant votre veste a des boutons, c’est un détail mais avouez que, pour la fermer, c’est plus pratique, non ?”) et de bêtes croyances sur le consommateur (même si ça n’a aucun sens, il faut mettre “grand vin”, ça wow les cons).

Dans Le Monde, 22 décembre 2023, p. 18, le magnat Gérard Bertrand n’affirmait-il pas tantôt que la marque presque bientôt interdite “Sud de France”, créée par la région Occitanie, faisait “vendre des milliards de bouteilles” ? Que l’appréciation des non-spécialistes – dont nous revendiquons d’être, pas par fierté mais par objectivité – soit orientée par la scénographie, la sémantique et le storytelling lié à des hashtags, que ce soient des appellations dites contrôlées ou des attrape-couillons, c’est incontestable. Reste qu’être ouvertement pris pour un benêt n’est jamais une “expérience de partage de biens” totalement positive.

 

 

Aujourd’hui, nous dégustons – peut-être un peu tôt, mais conseil de caviste fait foi – un Bourgogne rouge du domaine Houblin-Vernin qui affiche 11 € hors frais de port sur le site officiel. Valentin Vernin a repris les rênes du domaine après la retraite de Jean-Luc Houblin pour proposer une vaste gamme de produits dont ce pinot noir  est le fondement de Coulanges-la-Vineuse. C’est l’objet de cette notule.
La robe affiche une clarté rouge unie. Le cépage l’empêche de froufouter avec la pénombre.
Le nez est léger, Télérama et France Inter diraient “presque impalpable” et l’on serait émus. En l’espèce, on palpe des naseaux quelques fruits rouges à dominante de cassis et, pour compléter l’affaire, on suppute déceler des notes de café ou d’épices. C’est dire si la fragrance invite à l’imagination du niaiseux, ce qui n’est pas sa moindre qualité.
La bouche revendique petit à petit une qualité louable qui nous a toujours échappé : l’équilibre. Officiellement, à cette heure, l’équilibre est très fruité. Dans notre partie buccale personnelle rien qu’à nous, il explore le boisé en s’aventurant, en effet, dans des notes tombées des arbres. Appellent l’attention sa persistance, son indécidabilité et la belle cohérence qu’il offre entre attaque et finale. Petit à petit,

 

c’est le jour qui baisse
un peu de sa nuque encore
(Ariane Dreyfus, Nous nous attendons précédé de Iris, c’est votre bleu [2008-2012], Gallimard, “Poésie”, 2023, p. 129)

 

et c’est bien.