Irakly Avaliani, Intégrale Brahms volume 1, L’art du toucher – 7/10

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Première du disque

 

Voici le troisième épisode sur les quatre prévus pour évoquer les Huit pièces pour piano opus 76 de Johannes Brahms par Irakly Avaliani. Après quatre pièces bien rangées (les caprices d’un côté, les intermèdes de l’autre), tout s’mélange pour la seconde mi-temps du match : d’abord un caprice, puis deux intermèdes, et enfin un dernier caprice.
Le caprice en do dièse majeur et en 6/8 (à l’heure où nous écrivons ces lignes, la pièce n’est pas disponible sur la play-list YouTube reprenant le disque) est indiqué “agitato, ma non troppo presto”. En effet, c’est bien l’agitation qu’en traduit le pianiste en distinguant

  • le rythme des noires qui guident la ligne mélodique,
  • le motorisme des croches au grondement chromatique,
  • le groove des basses opposant au ternaire de la main droite le binaire de la main gauche (trois noires à dextre, deux appuis à senestre) et
  • l’aspect tourmenté de la musicalité
    • (minicrescendi-decrescendi,
    • concentration des registres dans le médium grave renforçant l’efficacité des notes plus aiguës,
    • surgissement des contretemps “sostenuto” puis des doubles croches à l’alto…).

Tout cela est à la fois

  • très net et pas clair,
  • précis et remuant,
  • cadré et débordant,

bref, agité.

  • La colère des octaves graves,
  • le ressassement et la répétition, ainsi que
  • la confrontation des mesures binaires et ternaires

conduisent le morceau à développer vraiment un caractère capricieux qui fait tour à tour

  • tonner,
  • murmurer,
  • tanguer,
  • hésiter,
  • s’ébrouer,
  • s’emporter puis
  • exploser (chose rare chez ce musicien !)

le piano. Dans cette atmosphère orageuse, Irakly Avaliani fait valoir

  • son intériorité musicale aux piani caractéristiques,
  • son intégrité interprétative privilégiant la lettre de la partition à sa réinterprétation sous couvert d’émotion artistique, et
  • la solidité de sa vision musicale qui lui permet de dessiner une continuité derrière la rhapsodie sans écraser les contrastes.

 

 

L’intermezzo en La, “andante con moto” comme la quatrième ballade, est affiché à 2/4 mais prolonge la tension précédente entre trois temps et deux fois un temps et demi. Cette fois, Johannes Brahms associe

  • le 6/8 des triolets au 4/8 de la basse, puis
  • le 3/4 de la main droite au 2/4 de la main gauche, et enfin
  • un peu des deux modèles ensemble, sinon, c’eût été trop simple.

Les reprises permettent de se goberger

  • de l’étrange balancement,
  • du rythme volontiers dissocié,
  • de l’association entre clarté de l’articulation et onctuosité de la pédalisation, ainsi que
  • du spectre des nuances allant du piano au mezzo forte.

La modulation en fa dièse mineur poursuit cette association entre binaire et ternaire jusqu’à ce que la reprise sans transition du motif liminaire nous ramène

  • au soleil du majeur,
  • aux irisations du chromatisme grave et
  • aux mystères d’un apaisement sous forme de résolution que l’on doit appeler sérénité…

et que la coda et sa fin brève ne sous-titreront pas. Dans une prochaine notule, suite et fin du voyage en miroir avec l’intermède et le caprice qui concluront notre parcours de l’opus 76.


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