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Augustin Dumay au 228, le 7 mars 2022. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Il est rare qu’un artiste en activité s’exprime avec franchise, quel que soit le sujet : lui, son art, le monde qui l’entoure, la vie comme elle va ou comme elle ne va pas. Dès lors, quand on en tient un, il est logique de le pressurer comme une olive de qualité. Dans les lignes qui suivent et concluent notre grand entretien en trois épisodes, Augustin Dumay nous parle de sa relation au public, de son expérience du Covid, de sa macronophilie, de la russophobie et même de ses prochains rêves, rien que ça. Bienvenue sur les terres intimes de celui qui affirmait : “Chacun a une part d’anormalité, mais seuls les artistes sont invités à montrer la leur.”

 

  1. Un artiste polymorphe
  2. Un disque multiple
  3. Une actualité multifacettes

 

Augustin Dumay, après un premier épisode autour de l’artiste que vous êtes et un deuxième épisode autour du disque Mendelssohn que vous venez de publier, il est peut-être temps de s’intéresser à l’actualité, d’autant que cette actualité est kaléidoscopique. Au cours des épisodes précédents, on a évoqué les conséquences étrangement positives du coronavirus. Passons au concret : faites-vous partie des musiciens qui ont été rassurés que les gouvernements arrêtent la culture et confinent les peuples, ou êtes-vous plutôt de ceux qui ont été frustrés par la rupture du contact avec le public qui vous soutenait depuis tant d’années ?
Hum, il y a beaucoup de questions dans votre question ! Sur le plan personnel, dans un premier temps, j’ai vécu cet arrêt brutal comme une opportunité merveilleuse voire magnifique car, pour une fois, j’étais OBLIGÉ de ne pas voyager et de ne pas me produire en concert.

Ces obligations…
Entendons-nous : en temps ordinaire, l’obligation de me déplacer pour jouer devant un public de mélomanes est une opportunité formidable et souvent la source de plaisirs incommensurables. Néanmoins, en masse, ce genre d’obligation devient oppressant, même lorsque l’habitude permet aux artistes de ne plus s’en rendre compte. Quand ces obligations s’arrêtent, elles nous laissent libres de partager du temps avec notre famille… et avec nous-mêmes ! Bref, un espace incroyable s’ouvre devant vous.

 

 

« On ne fait pas de la musique pour le public »

Depuis votre début de carrière, cela n’avait pas dû vous arriver si souvent…
Clairement, une telle récréation ne s’était pas présentée depuis très, très longtemps. En général, ma vie est réglée trois ans à l’avance comme du papier à musique. Là encore, soyons précis : c’est moi qui choisis. Je ne suis victime de personne. Je ne vais que là où j’ai envie d’aller. Mais, une fois que j’ai donné mon accord, je me suis engagé donc je suis contraint par ma parole. À partir du moment où j’ai dit « je le fais », pas de oui, pas de ouah, je dois y aller.

Le contraste entre vos obligations et le blanc lié aux décisions politiques d’annulation ja dû être saisissant. Peut-être même déstabilisant !
J’ai vécu une sorte de sidération. La sidération de la liberté. Que faire de ce formidable espace libre ? Je l’ai dit lors des épisodes précédents : ce temps libre m’a laissé le temps, à soixante-dix ans, d’apprendre de nouvelles œuvres et même d’accomplir des choses que je suis, d’ordinaire, incapable d’accomplir car je n’ai pas une minute à moi. Oh, mon Dieu, ça, c’est merveilleux ! Et puis, petit à petit, l’aspect négatif émerge. Je dirais qu’il arrive après trois ou quatre mois de ces grandes vacances de l’esprit, de cette escapade inattendue en terres de liberté – liberté qui vous permet de travailler, il ne s’agit pas de se promener toute la journée non plus.

Comment caractériseriez-vous cette seconde étape ?
Le premier symptôme, c’est une pointe de frustration et une once de tristesse psychologique. Sans pouvoir mettre un mot sur ce phénomène, vous avez l’impression d’éprouver quelque chose comme un manque. Pour autant, suis-je un grand mégalomane consterné de n’être plus en mesure de délivrer sa dose de joie, de bonheur voire d’extase à mon public ? Non, d’autant que, je vais peut-être choquer en formulant mon ressenti de la sorte, mais enfin, on ne fait pas la musique pour le public. Les musiciens qui font la musique pour le public, c’est comme les écrivains qui écrivent pour le public : on voit ce qu’il résulte de ce genre d’artisanat.

 

 

« Le confinement, ce n’est pas le ghetto »

Alors à quoi sert le public, si on ne joue pas pour lui ?
Le public qui vient au concert est témoin de notre travail. Il nous permet d’être dans une intensité encore plus grande par rapport à la musique. Il ne change pas notre interprétation, pas plus que nous ne décidons de notre interprétation en fonction de lui. Néanmoins, il nous permet d’approfondir.

Parce qu’il vous donne le trac ?
Il est vrai que le public a aussi ce talent de nous rendre nerveux, de nous mettre sous tension. Et force est de constater que, au bout d’un certain temps, cette tension nous manque. Sans public, un artiste yoyote en circuit fermé. À l’intérieur de nous-mêmes, nous autres musiciens tournons en rond. J’avais personnellement l’impression d’être en train de me regarder jouer. Quand vous allez vers le public, forcément, vous vous regardez beaucoup moins. En fait, vous ne vous regardez pas. Vous êtes là pour donner, pour partager. Eh bien, voilà, au bout de quelques mois, le partage me manquait. Il me manquait d’autant plus que, à mes yeux – à mon cœur devrais-je dire –, le partage, dans la vie en général, c’est très, très, trrrès important.

Dans le long entretien qu’elle nous a accordé en juin 2021, la mezzo-soprano Nora Gubisch nous décrivait un phénomène assez proche de jubilation post-confinement (« j’étais enfin avec mon homme, mon fils, chez moi, ça n’était jamais arrivé, quel bonheur ! »), puis d’irritation dont elle avait eu du mal à déterminer l’origine… Son analyse approchait la vôtre : les circuits de l’artiste étaient en surchauffe car, sans oreille extérieure, approbative et gourmande, ils n’avaient nulle part où se déverser.
En ce qui me concerne, ce circuit fermé n’était qu’un des aspects de mon ire. Il y avait aussi l’idée que plein de projets étaient perdus à jamais. J’ai eu cent soixante concerts annulés. CENT SOIXANTE ! Tout n’est pas quantitatif, mais cent soixante concerts jetés à la poubelle, ça n’est ni commun, ni anodin. D’autant que je suis lucide, je sais que je ne retrouverai jamais ces moments. Si, quelques-uns, différemment. Une partie de mes engagements a été reportée. Une petite partie. Aussi, quand j’étais confiné chez moi, avais-je également – je l’ai toujours, d’ailleurs ! – l’impression d’avoir été dépossédé, volé, privé d’instants qui auraient pu être précieux, et pas seulement pour le public, soyons honnête : pour moi aussi, pour mon évolution musicale, pour ma vie.

Je crois que Nora Gubisch aurait souscrit à votre radiographie du malaise d’après confinement ! Mais comment vous, Augustin Dumay, avez-vous réagi devant cette bérézina ?
En tout premier lieu, j’ai eu conscience qu’il fallait relativiser. Le confinement, ce n’est pas le ghetto de Varsovie. Nous qui avons la chance d’être toujours vivants, nous ne pouvons pas comparer nos désagréments avec ce que nos parents et grands-parents ont vécu pendant les guerres. Les événements récents nous rappellent que la vraie détresse est bien pire, et je dirais : bien plus concrète que les regrets que nous pouvons éprouver en pensant à telle ou telle occasion ratée, fût-ce à jamais. Pendant le couvre-feu, si nous étions surpris dans la rue, personne ne nous tirait dessus.

 

 

« Emmanuel Macron est un homme de culture »

Serait-ce un côté positif des restrictions de circulation ou de réunion, selon vous : la relativisation ?
Je crois qu’il est bon que, parfois, des épreuves nous permettent de réfléchir et de rééchelonner nos acquis et nos frustrations dans une perspective plus large et plus juste. C’est ainsi que j’ai vécu cette étrange période.

Avez-vous confiance dans le retour au statu quo ante quant au lien que vous et vos collègues aviez tissé avec le public ? Pensez-vous que tout va revenir « comme avant » ou que quelque chose va évoluer ?
Il me semble que l’appétit des mélomanes a été stimulé. Je pense que nous aurons l’occasion de le vérifier très vite. J’ai ainsi eu le plaisir de donner un récital avec Maria João Pires, il y a quinze jours, à la Philharmonie de Paris. La jauge était pleine. C’était un grand bonheur, porté par une grande exaltation que je sentais dans la salle. Ce qui fait que la musique est belle, ce qui unit la vie de chacun d’entre nous et la musique, tout cela perdure. Ça ne peut pas disparaître parce qu’un méchant virus est venu nous casser les pieds pendant un temps.

Bien, je crois que j’ai de quoi écrire pour notre entretien. Je peux donc passer aux questions polémiques susceptibles de vous escagasser au plus haut point.
Essayez, mais ça m’étonnerait : je n’ai pas du tout l’intention de m’énerver.

Dans ce troisième épisode de l’entretien, nous avons promis d’aborder une actualité multifacettes. Après la rétrospective toujours actuelle relative au coronavirus et surtout aux mesures prises au nom des problématiques sanitaires, abordons l’actualité, un peu cachée en ce moment mais réelle : les élections présidentielles d’avril 2022.
Oui !

Cette imminence me pousse à vous poser une double question politique. En 2017, vous déclariez votre admiration pour Emmanuel Macron. Selon vous, c’est un « très bon pianiste infiniment cultivé. Avant toute chose, c’est quelqu’un qui s’inscrit profondément dans la culture. Il est tout le temps dans une prospective culturelle. Donc, sur le plan culturel, je pense qu’il peut y avoir un développement essentiel pour notre pays dans l’avenir. Moi, je suis très confiant par rapport à ça. » Deux questions : signeriez-vous de nouveau une telle déclaration en 2022 ; et quelle politique culturelle vous paraîtrait-il urgent ou précieux de développer après les soubresauts que nous avons connus ?
Toutes les qualités que je prêtais à Emmanuel Macron sont toujours là. Il n’a pas changé. C’est toujours un homme de culture. C’est toujours un homme brillamment intelligent, je dirais même : d’une intelligence rare, surtout dans le monde politique. Il y en a un ou deux comme ça. Si l’on omet l’orientation programmatique, Jean-Luc Mélenchon est lui aussi un type très cultivé, très intelligent, très compétent sur les politiques culturelles.

 

 

« Quand je viens à Paris, je sens une énorme tension »

Certains vous rétorqueront que, même avant le coronavirus, la politique culturelle du président Macron heurtait à raison nombre de ses acteurs !
Tout homme de bonne foi reconnaîtra que les circonstances n’ont pas vraiment été favorables à la concrétisation des projets judicieux qui étaient portés par le gouvernement.

Vraiment ?
Personne ne peut dire le contraire, même les plus grands opposants à Emmanuel Macron… et ils sont nombreux, car le Macron-bashing est une espèce de sport national.

Selon vous, c’est injustifié ?
Pis qu’injustifié : absurde, quand on voit toutes les qualités qu’a notre président – celles qu’il avait et qu’il a toujours, l’expérience en plus ! Certes, je reconnais que les circonstances extrêmement difficiles ne lui ont pas permis d’aller toujours au bout de ses projets et de concrétiser toutes ses convictions.

Les circonstances ne sont-elles pas une excuse pratique pour…
Les circonstances ne sont pas une excuse. Elles sont un fait. Regardez : alors que la crise sanitaire paraissait se tasser, voici que la guerre en Ukraine nous remplit à tous les niveaux  d’incertitude – non, d’inquiétude – pour l’année qui vient… a minima !

Ces événements objectivables ne sauraient masquer que la société française semble être dans un état de délabrement très inquiétant, et que le président actuel, si brillant soit-il, n’a pas contribué à apaiser la situation.
Vous avez raison et tort. La société française est dans un état inquiétant, mais vous auriez meilleur compte à préciser que cet état de fait ne date pas d’Emmanuel Macron ! C’est le cas depuis plus de dix ou quinze ans.

Dépassons les clivages politiques et allons au cœur du sujet : comment décririez-vous cette société ? Vous avez un regard triplement éclairant sur le sujet car 1) vous êtes un artiste, donc un membre de la société mais aussi un peu à l’extérieur de la société ; 2) vous êtes un grand voyageur, passionné par les différences – et notamment très proche des spécificités japonaises ; et 3), bien que vous soyez Français, vous ne vivez pas en France, ce qui vous donne un recul important pour éclairer votre vision… donc la nôtre.
Je dirais que la société française est traversée par des tensions colossales, où se multiplient les ghettos. Des blocs de gens ne se comprennent absolument plus. Ils ne parlent plus le même langage. Ils n’ont plus les mêmes objectifs. Ils ne se retrouvent que dans les conflits, ce qui n’est pas très encourageant. Je ne sais si Emmanuel Macron peut résoudre cette problématique…

Je n’ai rien dit.
… néanmoins, si je regarde les autres candidats, je n’ai pas plus de certitudes, et je me demande s’ils ne vont pas jeter de l’huile sur le feu et créer encore plus de conflits.

Si l’on met de côté la politique pour se concentrer sur l’aspect sociétal, quelle est votre conviction ?
Quand je viens à Paris, je sens une énorme tension. Je ne crois pas qu’il existe une réelle volonté ou même une capacité éventuelle de compréhension entre ses membres. Les gens sont très différents et s’en satisfont.

 

 

« Au nom du buzz, les médias contribuent à diviser »

À force de devenir « multiculturelle », terme qui cache une inculture souvent profonde, l’Europe, ne s’est-elle pas enkystée dans cette incompréhension potentiellement violente ?
Il est vrai que, dans chaque société européenne, existent de grandes différences. Cependant, la plupart du temps, je sens qu’il est possible de se comprendre voire d’accepter de vivre ensemble. On parle beaucoup du vivre ensemble, non ?

Oui, surtout dans les beaux quartiers. Dans les quartiers dits populaires ou mixtes, il arrive que l’on ait plus de mal à comprendre le concept.
C’est précisément pourquoi, pour la France, je suis très inquiet quant à l’évolution de la situation, quel que soit celui qui sera élu dans quelques semaines. La société française est devenue éruptive.

L’éruption, n’est-ce pas la base de la démocratie ?
Certainement pas. Quand une société est éruptive, tout peut arriver. L’éruption n’a rien de démocratique. Il conviendrait de s’employer à se réunir, à stopper les confrontations automatiques. Il faut absolument que les chaînes d’information permanentes arrêtent de faire du buzz qui contribue à diviser encore plus la société. Je pense que les médias ont un rôle fantastique à jouer.

Pourtant, les Français ne sont-ils pas pour partie insensibilisés devant une certaine propagande en constatant à quel point leur vie contredit des médias mainstream trop rassurants ou positifs ?
Au contraire ! Il serait bon que les médias fassent un peu d’introspection afin qu’ils se rendent compte à quel point ils sont responsables de la création de tensions indues.

Selon vous, ces tensions ne sont-elles pas liées aux conséquences factuelles de politiques menées depuis de nombreuses années ?
Les tensions sont nourries par un imaginaire. Je crois que les médias sont loin d’être neutres et qu’ils ont un travail conséquent à envisager. Mais, je vous le concède, le travail en question ne peut être laissé à la seule responsabilité des médias. Il doit être envisagé par chacun d’entre nous, à son niveau, avec ses proches et ses lointains, je veux dire les gens qui semblent éloignés, différents, irrécupérables. Je ne sais pas si un président, quel qu’il soit, va réussir à initier ce travail. Il faut que nous nous y mettions tous. Voilà ce que je sens, pour l’instant.

Tant pis, jusque-là, je n’ai pas réussi à vous énerver…
… mais allez-y, allez-y, j’attends votre prochaine pique avec impatience, ça peut être productif.

 

 

« Pour me convaincre, rendez l’argent ! »

Vous avez souligné que, comme Horowitz et Milstein avaient fui la révolution de 1917, « peut-être dans le flot de réfugiés de Syrie il y a quelques grands musiciens, quelques grands peintres, quelques grands architectes » (on ne les a pas encore repérés, mais ça va sans doute venir…). Inversement, comment le musicien de métier, de cœur et de conviction que vous êtes, vit-il la mise au ban des artistes russes sur les grandes scènes internationales au nom de leur nationalité ou de leur refus de retourner leur veste politique, que cela touche des stars comme Denis Matsuev, Valery Gergiev, Anna Netrebko ou Tugan Sokhiev, ou qu’elle frappe des artistes russes bien moins connus ?
Je suis très content que vous posiez cette question car je la vis intensément, en ce moment. Hier, j’ai reçu un coup de téléphone de Pologne d’un groupe de gens très influents dans ce pays, sur le plan musical. En tant que président du jury Wieniawski, ils me demandaient d’exclure les candidats russes. J’ai réagi très simplement en disant que, s’il m’était demandé d’exclure les Russes, je préférais m’exclure d’abord.

Réaction audacieuse et rare, dans le monde musical.
Mais enfin, comment pourrait-on imaginer de pénaliser de jeunes violonistes, ou de jeunes cinéastes, écrivains, architectes, artistes en général, ou même des jeunes de la société qui ont une vocation internationale parce qu’ils sont Russes ? Pour moi, ce serait absolument impossible d’envisager ça.

Si l’on est convaincu de l’ignominie de cette exclusion raciste, votre position semble de bon sens. Pourtant, quand on voit l’unanimité médiatique occidentale…
Comme vous, j’ai vu cette houle antirusse. En particulier, j’ai vu les déclarations honteuses de Marcus Felsner, l’agent de Valery Gergiev, capable de dire à la fois que c’était un génie, un musicien d’exception, ce qui est vrai, avant d’ajouter : « Je ne veux plus travailler pour lui. » Alors, je voudrais dire à ce monsieur : « Rendez l’argent. Rendez tout l’argent que vous avez gagné grâce à Valery Gergiev. À ce moment-là, vos grandes déclarations auront un p’tit peu plus de gueule. » Se présenter avec une virginité politiquement correcte aussi fallacieuse que celle-là m’écœure presque autant que la violence inouïe de Vladimir Poutine.

Tant pis et tant mieux, je n’aurai pas réussi à vous escagasser. Terminons donc sur une tonalité positive et majeure. Vous avez déclaré que vous aviez une passion pour le travail, mais que vous ne pensiez pas à laisser une trace, « c’est vulgaire », ajoutiez-vous. Peut-être néanmoins laisserez-vous, comme le sous-entendait le documentaire de Gérard Corbiau une trace dans le cœur. D’où ma dernière question : quelles sont les prochaines traces que vous allez laisser sur l’agenda culturel mondial – en clair, quels sont les projets, prochains ou lointains, bien engagés ou encore sous forme de rêve, dont vous pouvez nous parler à ce jour ?
Vouloir laisser des traces, c’est un p’tit peu mégalomane. Je ne suis pas mégalomane, donc je ne veux pas laisser des traces. Moi, ce qui m’intéresse – et vous allez me dire que ça a un côté très égoïste, et vous n’aurez pas tort –, c’est d’avoir plaisir à faire ce que je fais. Et si ce plaisir personnel peut avoir quelque chose de personnel pour d’autres, alors, c’est merveilleux. Donc je vais continuer à faire ce que j’ai toujours tenté de faire le plus longtemps possible. Les traces, ce n’est pas moi qui vais m’en occuper. D’autres vont les constater ou ne pas les constater.

Concrètement, certains projets doivent hic et nunc vous faire rêver, non ?
Un certain nombre, oui. Et quelques-uns sont importants.

Par exemple ?
Eh bien, par exemple, je n’ai jamais enregistré le concerto de Brahms. On me l’a proposé à plusieurs reprises. J’ai toujours repoussé car les circonstances n’étaient pas celles que j’escomptais… et aussi parce que je pensais pouvoir proposer beaucoup mieux. Sauf qu’il y a un moment où il faut prendre garde à faire les choses si l’on veut réaliser ses rêves. Donc je vais enregistrer le concerto de Brahms. Ce sera une première étape pour la suite.