Orlando Bass, “Préludes et fugues”, Indésens – 8/8

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Quatrième du disque

 

Orlando Bass a choisi de conclure son disque de préludes-et-fugues sur les Passacaille, intermezzo et fugue de Dimitri Mitropoulos, considérée comme une œuvre charnière du compositeur. Censée exalter le nationalisme grec, elle a déçu les auditeurs en associant

  • formalisme,
  • sérialisme et
  • atonalité.

Le musicien, soupçonné par ses auditeurs d’avoir perdu son mojo, a petit à petit réduit son travail créatif pour développer sa carrière de chef d’orchestre. Dans le livret concis et précis de son disque, son interprète du jour donne quelques clefs de fabrication. Ainsi, pour la passacaille,

  • la basse “est répétée strictement treize fois” ;
  • la mesure comprend “sept temps” dont le chaloupage évoquerait les danses traditionnelles ; et
  • l’ensemble est marqué par l’usage généreux de quartes qui “confèrent un hiératisme digne des piliers du Parthénon”.

Mettons ces pistes dans notre musette et passons à l’écoute !

 

 

La passacaille part d’un grave

  • sourd,
  • abyssal et
  • résonant.

L’énoncé du sample s’agrémente bientôt de la réponse en accords dans le régime médium. Orlando Bass en travaille

  • la sonorité,
  • l’intensité et
  • la fluidité.

Ainsi fomenté, le mystère se nourrit

  • de l’immuabilité de la basse,
  • d’une harmonie ténébreuse et
  • d’une tension qui naît de la manière dont l’interprète semble ensacher momentanément la puissance de son instrument,

prêt à bondir comme le laisse imaginer les crescendi promptement dissipés.

  • L’insertion de lignes complexes traversant les registres du clavier,
  • le surgissement de trilles semblant faire monter la houle,
  • la tripartition entre
    • basse obstinée,
    • commentaire tantôt au soprano, tantôt en voix intermédiaire et
    • accompagnement par accords, ornements et travail de pédalisation

plongent l’auditeur dans une tempête qui se creuse inéluctablement mais de façon non linéaire.

  • Des guirlandes de notes accentuent la pression ;
  • des accords arpégés soutiennent le gonflement des vagues ;
  • l’accélération du débit confirme qu’un sacré grain se prépare ; et
  • la circulation d’un même motif de droite à gauche et retour laissent deviner que l’affaire remue tant les tréfonds que la surface.

On apprécie l’astuce du pianiste : comme Alfred Hitchcock s’offrait une scène de panique en plein jour plutôt que dans les ténèbres, Orlando Bass cristallise la tension dans des piani très efficaces plutôt que dans des nuances plus tonitruantes. Ainsi nous offre-t-il un mélange

  • de netteté,
  • d’énergie globale
    • (circulation des motifs descendants et montants,
    • résonance par pédalisation,
    • accents redynamisant le propos), et
  • d’itération obligeant le compositeur à renouveler son écriture (hauteurs, rythmiques, couleurs)

jusqu’au magnifique decrescendo final.

 

 

L’intermezzo (1’30 contre 8′ pour la passacaille) revendique un esprit jazzy à travers

  • harmonisation,
  • groove et
  • frictions entre tonicité et suspension

dont Orlando Bass règle avec précision

  • notes,
  • accords,
  • sforzendi et
  • effets de sustain.

 

 

La fugue (2’45)

  • s’avance avec une fougue que tempèrent d’habiles nuances,
  • ne se dérobe pas aux conventions d’usage mais
  • fait résonner de concert

    • un chromatisme personnel,
    • un sautillement réfléchi (si) et
    • une gourmande variété de touchers.

De cette partition touffue, Orlando Bass gomme toute complexité par

  • une aisance technique époustouflante,
  • une hauteur de vue qui rend lisible jusqu’aux clusters les plus ardus et
  • une conviction qui entraîne l’auditeur avec lui.

La conclusion – euphorisante jusqu’au Ré bémol final – parachève un disque impressionnant

  • d’intelligence dans la construction,
  • de singularité dans le choix du répertoire et
  • d’une virtuosité faite musique.

Pour l’écouter intégralement gratis, c’est ici. Pour l’acquérir, c’est .