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Le plus difficile – selon l’interprète – et le plus connu : tel est le couplage fomenté par Zhen Chen entre les concerti 15 et 21 de Wolfgang Amadeus Mozart, Thomas Rösner dirigeant le Kurpfälzisches Kammerorchester. Enregistré en deux jours par Manfred Schumacher, assisté de Fabian Knopf, le disque s’ouvre donc avec l’allegro du Quinzième concerto en Si bémol étiqueté K. 450.  L’introduction

  • sautille,
  • rebondit sur des notes répétées et
  • prend le soin de s’alanguir sans traîner.

Le gang de Thomas Rösner est à son affaire :

  • les bois contrechantent,
  • les cordes mènent la danse,
  • les cors solennisent

et, soudain, la main droite du pianiste vient aimablement délivrer ses chapelets de doubles croches. Le soliste s’installe peu à peu. Il

  • dialogue avec les bois puis avec les cordes,
  • s’amuse des changements rythmiques
    • (croches,
    • triolets de croches,
    • doubles) et
  • se goberge des oscillations entre plaisir mélodique et gourmandise tonique
    • (staccati,
    • octaves égrenées en descendant et en montant,
    • respirations,
    • noires et croches pointées énergisant le propos)…

En somme, la chose s’annonce bien :

  • les doigts sont déliés,
  • la pédalisation est généreuse mais élégante,
  • la synchronisation avec l’orchestre de chambre fonctionne,
  • le son est parfaitement spatialisé sans étouffer ni le piano, ni ses faire-valoir.

L’orchestre sait ponctuer – par ex. mesure 112, vers 3′ et des breloques – les arpèges brisés du piano avec une variété d’intentions stimulant l’écoute

  • (ploum discret posant ou galvanisant le rythme,
  • ploum-ploum-ploum enrichissant l’harmonie,
  • deux-en-deux avec crescendo injectant du swing dans l’énoncé rigoureux du soliste).

Si l’on croit percevoir sporadiquement une tendance de Zhen Chen à aller tant de l’avant que cela ressemble à une accélération, difficile de lui reprocher de pimenter le concerto d’un zeste de peps bravache qui

  • ajoute des bulles à l’ambiance solaire,
  • désamorce le risque d’emphase ou de pompe flottant presque toujours chez Mozart et
  • met en valeur les contrastes entre traits binaires et triolets au phrasé soigné.

On se laisse ainsi séduire par

  • des trilles ciselés,
  • des couleurs variées,
  • une sérénité pianistique euphorisante et qui ne sonne jamais autosatisfaite, et
  • un dialogue réel entre soliste et orchestre.

La cadence est prise avec la même envie d’en découdre, donc de ménager des plages de respiration entre des traits fort prompts où, parfois, le sustain peut paraître à la fois

  • superflu (n’apporte rien à l’atmosphère),
  • parasite (ne fait pas davantage pulser la virtuosité…) et
  • dommageable (… au contraire),

même s’il fait peut-être écho à la phobie boulangère, aka la crainte du pain, longuement exposée par le soliste dans le livret, certains pianistes ayant la tendance absurde de pédaliser pour se rassurer.

 

 

L’Andante ternaire en Mi bémol est pris avec modération par l’orchestre, comme pour mieux contraster avec l’exubérance du premier mouvement. Plus qu’un dialogue entre les deux parties, Mozart propose un duo en apparence indépendant, le pianiste alternant soli et accompagnement du bloc orchestral puis des bois.

  • Les changements de dispositif dialectique,
  • les brèves audaces chromatiques et
  • les louables différenciations d’intensité

laissent l’attention en éveil. L’Allegro synthétise en quelque sorte les deux premiers mouvements : il est

  • en Si bémol, comme le premier, et
  • sur un rythme ternaire, comme le deuxième.

Cette fois, c’est le piano qui lance le groove avec un art de l’élan et du staccato que maîtrise à merveille Zhen Chen. L’orchestre lui répond puis s’emporte sur des notes répétées. Le piano propose alors des pistes d’apaisement – lequel n’est pas engourdissement – et de concorde.

  • Doubles croches,
  • tentation modulante,
  • deux en deux pulsés,
  • grands arpèges en doubles,
  • traits en triples et unissons grondeurs

assurent la vivacité du passage.

  • Croisements de mains faisant crépiter le clavier,
  • babillages avec le hautbois relançant le ressassement thématique et
  • dynamique tonifiante (pour le morceau et pour l’écoutant)

    • des doubles,
    • du ternaire,
    • des contrastes

contribuent à l’intérêt de la chose. La cadence ne respire guère : ce n’est pas le projet de cette version

  • plus vibrionnante que poétique,
  • plus tendue que confortable,
  • plus dans la relative prise de risque que dans le luxe de la pose (encore moins de la pause).

Un joli crescendo final achève de convaincre de l’appréciable connivence entre le soliste et ses comparses, valorisant le meilleur de l’enregistrement :

  • du punch,
  • de la complicité et
  • de l’envie d’avancer.

Sérieux, dans un monde où l’on semble avoir le choix entre la mollesse du consensus abêtissant et la dureté de la haine mortifère de l’autre, l’envie d’avancer, fût-ce dans un concerto de Mozart, ben, ça fait du bien par les écoutilles où c’que ça passe.