Monica Leone et Michele Campanella jouent Schubert (Odradek) – 8/9

 

Première du disque

 

Dernière forme proposée par Monica Leone et Michele Campanella dans leur florilège du catalogue schubertien pour piano à quatre mains, la fugue en mi mineur op. 152 et étiquetée D.952, part d’un sujet exposé à la basse. Le mixage de Corrado Ruzza, sur une prise de son de Valter Neri, étale la polyphonie sur l’ensemble de la stéréo, donnant – notamment au casque – un côté saisissant à l’incipit qui restera affaire de goût, amoureux de la clarté presque pédagogique versus fans de la profusion des voix où le talent des interprètes guide, si tout va bien, l’oreille de l’auditeur. Les quatre voix se déploient

  • paisiblement,
  • sagement,
  • presque intimement.

L’effet d’écho plus que de canon traverse la pièce, éclairé par d’habiles réexpositions notamment au piano II qu’a repris Michele Campanella après la parenthèse des Grandes marches op. 60 où il avait été bombardé piano I. On apprécie

  • ses variations d’intensité,
  • sa large palette d’attaques, et
  • son sens de la petite respiration en plus qui change tout.

 

 

L‘équilibre sonore entre les registres du grave pas trop grave à l’aigu pas très aigu est magistral. La tentation du mineur repeint, elle, le sujet d’une autre couleur, gardant vive l’attention en dépit de l’absence d’effets wow. Tierce picarde incluse pour la dernière mesure, règne ici un calme invitant

  • à écouter plus qu’à entendre,
  • à méditer plus qu’à écouter,
  • à se laisser envoler plus qu’à méditer.

Si l’on est dans cet état d’esprit, on pourra friser l’état de grâce, voire plus ! Puis l’on écoutera, concluant la session sur le Yamaha CFX, la fantaisie en sol mineur alias D.9, composée en 1811. Deux fois plus courte que la fantaisie op. 103 qui ouvrait le programme, elle n’en comporte pas moins quatre mouvements comme sa future consœur, composée dix-sept ans après elle. Le prélude est un largo très digne avec

  • son train de sénateur,
  • ses valeurs longues à peine distraites par quelques fumerolles passagères, et
  • ses trois points d’orgue

dont le dernier prolonge un intervalle majeur d’autant plus saillant que, juste après, l’allegro bascule direct en ut mineur.

 

 

Une vive discussion anime alors les deux complices. Elle est finement mise en valeur par

  • des choix d’intensité parfois paradoxaux (quelle grâce pour faire ressortir la voix principale en la jouant moins fort qu’une voix secondaire !),
  • des trilles et des appogiatures quasi funky, et
  • une façon impressionnante de
    • jouer ensemble,
    • se répondre clairement, et
    • suspendre puis relancer le propos avec une synchronicité fascinante.

Derrière une musique d’apparence carrée-carrée, on s’amuse, dans le tempo di marcia, des bosselures prévues par le compositeur

  • (modulations vigoureuses,
  • ruptures de lignes,
  • silences et surgissement).

Un largo, en ré mineur même si la tierce picarde est de rigueur à la fin, et pour partie reconstitué, conclut une pièce souvent considérée comme secondaire mais dont Monica Leone et Michele Campanella ont l’élégance de montrer qu’elle contient déjà de quoi alimenter

  • le savoir-faire,
  • l’inspiration et
  • la technique compositionnelle

de celui qui n’est pas encore le Grand Franz que les siècles ont imaginé… avant de nous inviter à finir le voyage, dans une dernière notule, autour du rondo opus 138. To be concluded!


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