Éclats de rires divins, première série : la joie obligatoire – 5/5

Détail d’un vitrail de la collégiale Saint-Martin de Montmorency (Val-d’Oise), le 21 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

 

La Suite fantasque improvisée autour de cinq rires de Dieu ouvrait mon récital du 21 juin en la collégiale Saint-Martin de Montmorency, et s’achevait sur une improvisation autour de l’injonction christique :

Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse !

L’injonction lâchée par Jésus dans l’évangile selon saint Matthieu, au chapitre V, verset 12, est doublement paradoxale. « Réjouissez-vous ! », déjà, est un ordre curieux. Se réjouit-on sur demande ou par obligation ? Mais ce n’est pas tout ! L’impératif surgit après une série de déclarations contradictoires, décrivant des béatitudes où

  • les larmes,
  • les persécutions (par deux fois),
  • les insultes et
  • les calomnies

sont censées rendre « heureux » ceux qui les affrontent ou, moins fiers-à-bras, les subissent. Pour le dernier épisode de cette Suite fantasque improvisée autour de cinq rires de Dieu, je voulais terminer avec une réflexion musicale autour de cette tension propre à la jubilation en général et au rire en particulier, autour de constats simples :

  • le rire porte ceux qui rient et horripile ceux qui ne rient pas ;
  • si le rire allège les rieurs, il engonce et agace les autres ;
  • le rire transforme le réel mais pour quelques secondes seulement.

L’improvisation part donc de l’injonction de réjouissance en la transformant en mantra. Le ressassement du « Réjouissez-vous ! » sature le discours moins par insincérité que par conviction que de la répétition de l’injonction naîtra l’allégresse exigée. Dès lors, l’obligation

  • de la bonne humeur,
  • de l’optimisme,
  • de la conformité au rythme des gens épanouis

envahit peu à peu les registres donc se teinte d’inquiétude : comment garder ce joyeux principe dans le biotope hostile de la vraie vie ? Sur le métal du rire, l’obligation agit comme une corrosion galopante. La joie rieuse devient fake et envahit tout, désarticulant le projet même de joie. Désormais, semble glisser Jésus, il faut se réjouir de ses avanies (et framboises), alors allons-y. Le tambourin devient

  • marche militaire,
  • procession funèbre, voire
  • requiem décadent.

Dans de derniers éclats de rire, le monde explose. Et alors ? Réjouissons-nous, soyons dans l’allégresse ! Qui sait si notre récompense ne sera pas grande dans les Cieux ?

 

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