Insider : Jean-Luc Thellin à Notre-Dame, épisode 2
Suite de notre reportage en trois mouvements sur les coulisses du concert de Jean-Luc Thellin à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Avec un premier arrêt pour s’éclabousser des dernières gouttes de lumière du jour, dans le Quartier latin, avant de monter vers la Bête pour la seconde répétition…
Près du Monstre, la lumière est toute autre.
C’est la minute des derniers préparatifs. Le Belge dégingandé se défait de ses chaussures d’homme presque normal pour passer celles qui symbolisent sa mutation en rganiss virtuose – l’objectif pragmatique étant de ne pas souiller avec ses souliers, ha-ha, le pédalier sur lequel vont virevolter les semelles du maître. Les partitions sont prêtes. On peut commencer l’ultime répétition.
Cette fois, la pression n’a rien à boire avec la bière. Elle est cette émotion qui sourd de la difficulté des compositions à interpréter, de l’importance de l’enjeu que constitue un récital en ce lieu, et de la brièveté du temps de répétition imparti. Partant, l’élégance exige d’esquisser un exquis sourire afin de masquer le juste stress. D’esquisser, oui. Mais un sourire quand même.
C’est alors que « les chos’s aussi retiennent leur souffle, et puis le moment vient ». Vient, donc, le moment de remplir un triple objectif : exécuter sans faiblir l’enchaînement précis des notes ; vérifier et ajuster la pertinence des registrations (choix des sons dans le catalogue infini dont dispose cet orgue) ; et parfaire la synchronisation entre l’interprète et l’assistant – celui-ci est chargé de tourner les pages à peu près au bon moment ainsi que de changer les registrations selon les annotations et les respirations du musicien.
De prenantes demi-heures plus tard, il est plus que temps de quitter la cathédrale. La prochaine fois que l’on y reviendra, ce sera pour le concert – l’instant magique et dangereux que documentera le dernier volet de notre reportage !
Exsider : Bruxelles
Faux, zéro, nul : je ne suis pas allé à Bruxelles en vacances de deux jours. Déjà, j’ai pas le temps. Ensuite, je suis bien allé à Bruxelles mais, comme dirait le philosophe JJG lors de son dernier live, j’y suis allé « dans un but tout à fait précis » que je ne manquerai pas de dévoiler prochainement. En tout cas, rassurons-nous, certainement pas pour baguenauder de ci de là, entre travées lumineuses…
… et typiques chaires noires carrément pas engageantes et pourtant superbes. Tout le contraire de, je sais pas, moi, Rihanna, par exemple.
Je n’étais pas venu non plus pour scruter les cotons-tiges pour nuages…
… ni pour vaguer sur les grands-places…
… ou pour regarder des p’tits mecs qui pissent. Ben non, Bertrand Ferrier, y a un certain minimum de standing à respecter, quand même. C’est pas your average Chinese touriste, mârde.
Non, non, non. Même en insistant. Ou alors, un chien qui pisse, à l’art gueur.
Mais, en vrai, non. Et c’est dommage, en fait, car y a plein de choses à voir, à Bruxelles. Des calendriers 2007 offerts à qui-n’en-veut au détour d’une église…
… des orgues avec, parfois, des djeunses qui y répètent les Passacaille et fugue de JSB sur des registrations qui sonnent synthétique…
… un hôtel trois étoiles – en fait, trois astérisques…
- Une vue de rêve
- L’esthétique du Chao Chow Palace en une image
- Seule chaîne disponible au Chao Chow Palace
… et puis, ces magasins qui font rêver les spécialiss du pizzicato de la pantoufle fourée, mârde.
Inflexible, je le maintiens : non, je ne suis pas venu à Bruxelles pour ça. Ni pour ça.
… ni pour découvrir des sous-Sempé comme Zhu Deyong, dans le triste Centre belge de la bande dessinée…
… ni pour essayer de décrypter la langue avant de prendre l’ascenceur.
- L’accueil au rdc du Chao Chow Palace
- L’accueil au cinquième étage du Chao Chow Palace
Soupçonnons que le prochain post belge sera un tantinet plus positif. Sinon, c’est à n’y rien comprendre, palsambleu.
Insider : Jean-Luc Thellin à Notre-Dame, épisode 1
Avec un programme qui rendra fou de joie tant les amateurs de musique forte et spectaculaire que les spécialiss de Jean Guillou, Jean-Luc Thellin – qui a tout juste enregistré le premier disque de son intégrale Bach… sur un orgue du pays basque – revient jouer le plus grand orgue de France, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, où nous nous faufilâmes jadis. Concert ce samedi 16 juin à 20 h pétantes. Durée : 45′. Entrée libre. Programme : Prometheus de Franz Liszt (transcr. : Jean Guillou) et Sonate « Psaume 94 » de Julius Reubke. Pour préparer ce récital, nous vous proposons un making of exceptionnel, au moins, révélant les dernières heures avant le concert, dans les coulisses de Notre-Dame, côté orgue.
Premier épisode, aujourd’hui, avec la première répétition in situ. En effet, les organistes admis à donner une « audition du samedi soir », comme Hervé Désarbre tantôt, ont droit à deux créneaux de répétition : trois heures l’avant-veille, deux heures la veille. La première séance est consacrée – le terme n’est presque pas trop fort car le projet est aussi enthousiasmant qu’aride – à la registration. Autrement dit : quels jeux choisir, les jeux étant les sons que l’organiste utilisera pour interpréter tel moment de son concert ?
Le terrrrible problème, c’est que le grand orgue de Notre-Dame rassemble 8000 tuyaux. Partant, le choix est extrêmement vaste, rendant ultraprécieux les avis du facteur d’orgue récemment recruté par Notre-Dame pour conseiller les artistes. Après la prise de contact avec l’instrument, l’enregistrement sur ordinateur des combinaisons de sons peut commencer, ce qui exige une concentration maximale pendant… quatre heures et demie.
Pour effectuer les bons choix sans se perdre dans l’infini des combinaisons envisageables, l’artiste associe plusieurs critères, parmi lesquels : la tradition ; son expérience ; ses choix d’interprétation ; les particularités de l’instrument ; son écoute ; les avis et suggestions parfois faussement farfelues du facteur d’orgue qui connaît incroyablement le rendu possible de dizaines de milliers d’associations envisageables ; et l’anticipation du « rendu dans la nef » (ce que le musicien entend n’est pas ce que les auditeurs percevront). Dès qu’il a déniché la bonne combinaison, il l’enregistre, la vérifie, l’enchaîne avec les sons qui la précèdent et la suivent… et passe à la suivante. En moyenne, il faut compter 90 secondes par registration. Rapide ? Oui, mais imaginez quand il y en a 157 à inventer !
- 21 h 30 : début effectif des registrations. Photo : Bertrand Ferrier.
- 284 minutes et 162 combinaisons plus tard. Photo : Bertrand Ferrier. (Oui, photo moche car, à cette heure, l’appareil photo officiel avait démissionné…)
Dès lors, cette première répétition n’a rien à voir avec une « répétition » comme les musiciens la pratiquent régulièrement – jouer un morceau et reprendre quand ça ripe un brin. On est entre la musicologie, la science pragmatique de l’orgue et… le sport, car il faut enchaîner les figures sans cesse : le temps est compté.
Doit-on rappeler que les saucisses s’agitent autant en haut qu’en bas ? D’autant que Jean-Luc Thellin a choisi des pièces qui valorisent au mieux cet hénaurme instrument. Pour cela, il faut un interprète capable de maîtriser autant les claviers « manuels » que les deux pédales d’expression (permettant d’enfermer les tuyaux ou de les ouvrir sur la cathédrale afin de les laisser jouer plus ou moins fort)… et le clavier réservé aux pieds.
Bref, à part le mec censé tourner les pages et appuyer sur un bouton pour changer les sons dès qu’ils ont été programmés, tout le monde (deux zozos, donc, mais quels zozos !) est dans une bulle pour découvrir les sons les mieux adaptés à l’interprétation des pièces choisies sur cet instrument particulier – chaque orgue étant trrrès particulier. Bref, le récitaliste (?) n’a pas le temps de poser pour une jolie photo. Il bosse, lui.
Même avec des mains un peu partout, le coquin.
Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, la répétition de trois heures, grâce à la bienveillance du facteur, admiratif du musicien tant pour sa dextérité que pour son art de la registration et son sens de l’écoute, a fini après cinq heures et demie d’effort et d’émotions. Plus qu’à récupérer vite, vite, pour revenir à une autre vraie vie et préparer la répétition de ce vendredi soir. Nouveaux scoupses à venir, donc !
Kyra Steckeweh, « Compositrices », Institut Goethe, 12 juin 2018
Musique et féminisme font-ils bon ménage ? Dans une tenue curieuse aux francs accents SM, Kyra Steckeweh posait la question depuis son piano, pour ce dernier épisode de la saison de « Classique en suites », ensemble de concerts mensuels fomentés certains mardis soirs par François Segré et l’institut Goethe. La problématique est simple : jusqu’à présent, dit en substance l’artiste, je n’ai joué que des mâles ; place aux compositrices – sujet d’un film qu’elle vient de réaliser.
Les musiciennes convoquées ce soir sont représentatives de différents courants d’écriture allant du début du dix-neuvième siècle (Fanny Hensel et Emilie Mayer, nées en 1805 et 1812) au premier tiers du vingtième siècle (Lili Boulanger et Mel Bonis, mortes en 1918 et 1937). Il s’agit de belle et bonne musique, de facture agréable – ce qui n’est pas une insulte. Kyra Steckeweh, pianiste aux doigts solides, choisit de jouer ces œuvres assez uniformément, avec un mélange égal de maintien et de sérieux qui exclut tout sentimentalisme ou toute prise de risque « spectaculaire » susceptible de causer des frissons en exacerbant la virtuosité exigée. Dans cette interprétation paisible, quasi didactique, l’on voit folâtrer les fantômes de quelques références masculines (çà et là, Debussy, Brahms et Schumann pointent ainsi le bout de leur barbichette), parfois dévergondés par une plume inventive, parfois sédimentés par une langueur contemplative, parfois assombris par une sourde colère (« Thème et variations » de Lili Boulanger, la grande pièce du soir à notre pas humble goût).
Tout nous passionne-t-il également ? Avouons que non : en dépit du plaisant savoir-faire, le mois de « Juli » 1841 de Fanny Hensel et certains moments de la Sonate d’Emilie Mayer nous semblent quelque peu longuets et, disons-le, trop mignons pour être touchants. Seulement voilà : nous n’avions jamais ouï, non, ces compositrices auparavant. Si, donc, la relative uniformité de certaines pièces et le hiératisme de l’interprétation font parfois regretter que musiques et musicienne n’osent pas puiser davantage dans la liberté du sentiment ou la folie de l’émotion, l’on goûte néanmoins la découverte de compositions qui, pléonasme mais bon, nous étaient inconnues.
Cette mise en lumière, fût-ce sous un prétexte féministe qui peine à nous intéresser en soi, conclut une saison riche sur de jolies notes festonnant à souhait. Encore une réussite pour cette initiative qui renaîtra le 25 septembre sous les doigts de Christian Chamorel. À bon entendeur, bon été !
SPA Grammont, 12 juin 2018
Et c’est reparti à Gennevilliers avec Maiko dit (par moi) El Barbichudo, un p’tit bonhomme hyper gentil mais hyper peureux suite à des expériences un peu hard. Du coup, il est fort cordial mais ses craintes font de lui un petit personnage à éduquer – et éventuellement, c’est malin de sa part, à porter à l’aller puisque, au retour, il aura hâte de rentrer.
Pour les amateurs de pikifien, voifi Connie (orthographe approximative, chien non référencé sur le site). Comme tout pikifien qui fe refpecte, c’est lui c’est qui qui décide. Où c’est-y qu’il va, quand c’est-y qu’il rentre au bercail – pour ainsi dire… Un vrai patron, sympa mais, je le soupçonne, un rien macroniste.
Bon, le truc, c’est qu’un chien de refuge, c’est toujours hypermoche et sale et difforme. Par exemple, Kenian (pas référencé sur le site). Ah, non, ça marche pas. Visiblement, le mec est un ancien chasseur, mais il peut aisément se transformer en berger de canards, pour ceux que ce profil intéresse.
Il était donc temps de finir les balades avec un personnage que l’on pourrait aisément prendre pour une chienne alors que, en vrai, c’est un cabri-gazelle qui n’aime rien tant que gambader dans les hautes herbes. Ladies and gentlemen, please welcome miss Anaïs. Pour ceux que cette belle gosse séduit, signalons qu’elle peut être adoptée par une famille d’accueil. Renseignements sur l’hyperlien. Et pour la suite, on verra dès que possible se fera, or something.
Pétition, répétition
En répétition avant d’aller applaudir Nora Gubisch…
… et son cher Alain Altinoglu.
C’est vrai, ce fake qui se tortille ne donne pas envie…
… mais les Belges ont cette façon de présenter l’opéra à la fois respectueuse et honnête qui me frite. Bref, j’y serai. Prépare-toi, Hongrie de Brussèl !
En attendant Pierre-Marie Bonafos…
Mémorable, je vous dis : grâce à l’engagement total et au talent de l’artiste, Noël Hazebroucq (dont tel ou tel de ses ex-profs du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris continue d’être fan au point d’assister avec gourmandise à ses concerts, et à payer pour ça, c’est dire), grâce aux petites mains anonymes mais salvatrices qui ont permis sa réalisation très concrète (l’intendante multijointe pendant ses jours off, la photographe-technicienne vidéo, le proche sauveur de situation, l’artiste pas anonyme mais capable de dénicher un câble HDMI-HDMI un samedi à 20 h…), et grâce au distributeur Films sans frontières représenté par Christophe Calmels, qui s’est montré compréhensif devant l’intérêt artistique du projet, le cincéconcert de Noël Hazebroucq a ébloui les nombreux spectateurs qui ont eu la curiosité et l’énergie de venir y assister. Oui, parmi les spectateurs ébaubis, yavhé le programmateur mais, genre, le programmateur, lui, il aime pareil tous les concerts qu’il programme, l’hyprcrite.
- Photo : Rozenn Douerin.
- Photo : Rozenn Douerin
- Photo : Rozenn Douerin
C’est vrai, quand on organise un événement, on a toujours l’impression que les gens doivent être foufous à l’idée de venir ; alors que, en vrai, la fatigue, la lassitude, les autres événements, le ras-le-bol, la peur de se faire suer, tout ça, le rganizateur la connaît bien – il l’éprouve aussi mieux quand c’est pas lui le rganizateur. Or, un film de 1919 qui dure 77′, comme Le Cabinet du docteur Caligari, un samedi soir, il faut de la force pour venir voir ça – dans une église, en sus… Et pourtant, bordel, et pourtant, pardon pour la prétention, comme les curieux qui sont venus ont eu raison de se secouer les saucisses !
Certains sont venus par fidélité pour le festival Komm, Bach!. (Ben quoi ? On peut le dire, bon sang !) D’autres par admiration pour le classique de Robert Wiene projeté ce jour ; ou par amitié pour le programmateur ; ou par adulation du musicien exceptionnel qu’est Noël ; ou parce qu’intrigué par les tracts distribués par l’artiste, le programmateur ou le papa du virtuose ; ou pour moult autres raisons. En tout cas, les gourmands étaient en force, et c’était bien aimable à eux – tout juste espérons-nous les en avoir bien récompensés.
Les tests de l’après-midi avaient permis la mise en place de l’essentiel du matériel… à un câble près, tant il est vrai que l’organiste titulaire n’est pas prévenu de toutes les messes dans l’église où il joue, ce qui peut compliquer une partie de l’organisation – sauf quand l’artiss est compréhensif et sympa donc, en gros, sauf quand il est programmé par le festival Komm, Bach!. Résultat, quand le concert finit par commencer, l’attente est maximale et l’espoir d’émotions à son comble.
À la tribune aussi, la pression est maximale juste avant le début de l’événement. Un discours bien pourri – pardon : spontané – du programmateur plus tard, c’est parti ! Avec cette surprise extraordinaire pour les incultes de mon espèce : en fait, un « film-culte » réservé aux spécialisss, quand c’est magnifié par un endroit inattendu et une musique magnifiquement maîtrisée autour de deux gimmicks, c’est frisson.
Alors, oui, certains souligneront que ce concert est aussi mémorable parce que la fin fut colorée par telle intervention extérieure où l’envie de religion sentait l’alcool à plein nez, et où le souci de solidarité communautaire puait le racisme antiblanc ; c’est vrai, mais, honnêtement, c’est de la paraffine. Un artiste qui démontre une nouvelle fois sa science de l’accompagnement de film, de l’harmonie, de l’émotion et de la musique en général, c’est avant tout une pierre blanche dans l’histoire du festival Komm, Bach! après quarante-six concerts. Merci et bravo, Mr Noël Hazebroucq !
Robert Wiene fait son Komm, Bach!
Évènement en l’église Saint-André de l’Europe, ce samedi : Noël Hazebroucq, considéré comme l’un des improvisateurs les plus singuliers d’un monde de l’orgue souvent conformiste, improvise sur Le Cabinet du docteur Caligari, LE film de Robert Wiene qui en réalisa pourtant moult.
Orgue (tout juste accordé), guitare électrique et chant seront propulsés par le même musicien – c’est Noël ; le film sera projeté sur grantécran ; le tout sera gratuit, même si l’on a le droit de donner quelque obole pour financer et l’expérience et la vie de l’artisss. Ci-dessous, le programme – cliquer pour agrandir. D’avance, à tout de suite.
Si, ça existe, l’atout reine
Rencontre avec le vigneron Xavier Frissant, viticulteur avisé, promoteur des vins de sa région (Cahors inclus, c’est dire) et raconteur roué, aussi croustillant que capable de s’adapter à ses interlocuteurs. Ses rouges à base de côt (plus chic que le malbec, appellation hors sujet sur ses coteaux !) s’adressent davantage aux amateurs de vin fruité qu’aux fanatiques de tanins corsés – bien que lui considère le côt comme la syrah de la Touraine.
En revanche, ses blancs séduiront tous les palais, du fié-gris au chenin en passant par le sauvignon. À Paris, chez Mes Accords mets vins, compter entre une onzaine d’euros pour la plaisante entrée de gamme et une large vingtaine d’euros pour des flacons fort délectables. À noter que le crémant du domaine est une réussite alliant finesse et élégance grâce à un dosage minimal sourdinant le sucre au profit des autres mélodies plus subtiles.
(Non, « sourdiner » ne veut rien dire, mais bon.)