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À vos nouveaux ordres !

 

À l’orgue de Saint-André de l’Europe (Paris 8) le 17 mai 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Cette nouvelle improvisation du samedi soir s’enroule autour de l’Évangile où Jésus déclare à ses disciples : « Je vous donne un commandement nouveau », avec cette bizarrerie que « Aimez-vous les uns les autres » paraît un projet éculé quoique rarement suivi. La musique prend acte de cette bizarrerie et la plonge dans un contexte humain qui n’est pas propre à l’époque christique !
Aussi le début évoque-t-il les habitudes sociales d’entente sinon cordiale, du moins correcte, avec les bisbilles dissonantes qui rendent la vie plus sapide quand elles ne la submergent pas au point de la rendre indigeste. Ce constat liminaire d’intentions calmes et presque paresseuses se refuse à l’univocité. Tantôt, il est porté par la fraternité évoquée par un large registre ; tantôt, il se révèle traversé de désirs plus troubles ensuquant l’orgue dans les profondeurs de l’orgue. Le nouveau commandement semble alors mettre tout le monde sur la voie de l’accord parfait, comme s’il essayait d’infuser chez chacun. Le graal se révèle cependant difficile à trouver, et les vieilles habitudes évoquées dans l’incipit persistent dans le grave du clavier et à la pédale.
Elles menacent l’espérance portée par un commandement fraternel, mais celui-ci, habité par la solennité du Verbe, finit par triompher. Pour les uns, ce triomphe sera une vue de l’esprit ; pour d’autres, un but à atteindre dans la prière et dans le monde. L’improvisation ne tranche pas : elle raconte une histoire que chaque auditeur est libre de s’approprier selon sa foi ou sa non-foi !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=lAaqS4PejDE[/embedyt]

 

 

Le Seigneur est pont perché

 

Photo : Bertrand Ferrier.

 

Pour la messe anticipée du dimanche du bon pasteur, dans le cadre des improvisations couronnant les messes du samedi soir, j’ai choisi un thème bien connu des paroissiens : la plus classique mise en musique du psaume 22 en suivant les ondulations du texte.

  • Une première partie chante la confiance et la joie que procure – parfois – le sentiment de sécurité inaltérable sans, pour autant, annuler l’existence de la peur donc du doute qui rôdent – ce s’rait trop simple ;
  • la deuxième, plus intériorisée, tente de mettre à distance la peur des « ravins de la mort » et la colère des « ennemis » ;
  • la troisième, comme si elle avait assez mastiqué le mantra du riff pour faire corps avec une espérance irréfragable, retrouve la force irradiante de la confiance dans la puissance, la générosité et l’attention du Seigneur, à la foi(s) pendant « les jours de ma vie » et pendant « la durée de mes jours », c’est-à-dire après ma mort.

Ainsi le bon berger devient-il un pont perché,

  • protecteur qui survole les tumultes,
  • guide qui permet d’avancer malgré les torrents, et
  • passerelle entre les deux rives de l’existence.

En musique, avec un orgue dont les jeux d’anche attendaient impatiemment, certes, le jour du bon facteur pour être accordés, ça donne ça.

 

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À la recherche de la miséricorde

En l’église Saint-André de l’Europe, le 26 avril 2025, pendant l’homélie du P. Pacôme. Photo : Bertrand Ferrier

 

Dans le cadre des « improvisations pour la sortie des messes du samedi soir », l’épisode du dimanche de la divine miséricorde s’est inspiré de l’homélie du jour pour interroger le rapport entre péché et, tiens donc, miséricorde en tournant autour des idées de faute (ici incarnée de manière sonore par diverses dissonances) versus la rédemption (qui passerait par le retour à une musique plus tonale). Les deux tentations – celles de l’énigmaticité harmonique et de la tonalité bienséante – parcourent donc la proposition ci-d’sous !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=hKGXqm5fsnk&live=1[/embedyt]

 

Tautologie, niveau expert

Photo : Rozenn Douerin

 

Et Dieu dit à Moïse :

 

Je suis qui je suis.
Tu parleras ainsi aux fils d’Israël :
« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis. »

 

C’est sur cet extrait du Livre de l’Exode, proposé parmi les lectures du troisième dimanche de Carême, qu’a fleuri l’improvisation accompagnant la sortie de la grand-messe du 23 août avec les exigences d’une registration de Carême. Voici donc le nouvel épisode de la série des « improvisations du samedi soir » ou presque.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=NqanvxyoR7w&live=1[/embedyt]

 

Le masque est un visage, et retour

Utopie du Paradis des edelweiss le 28 juillet 2024 à la tribune de Saint-André de l’Europe (Paris 8). Photo : Bertrand Ferrier.

 

Comme le veut notre nouvelle série, voici une improvisation du samedi soir enregistrée le dimanche midi. Une transfiguration, sans doute ou peut-être, gravée dans le recueillement et l’enthousiasme général, a minima. En tout cas, le projet ne manque pas de chien et donne ce qui suit…

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=9SuOkBXyWcc[/embedyt]

 

On the road again (to Easter)

En attendant Pâques, le lapin ! (Photo : Bertrand Ferrier)

 

Dans le cadre de la série « Improvisations du samedi soir », le premier week-end de Carême était l’occasion de méditer en musique sur les tentations du Christ et notamment sur la symbolique des quarante jours dans le désert sans apéro, sandwich ni cassoulet. Soit, si un embryon informel d’exultet se faufile sur le seuil de la sortie, c’est certes un excès d’optimisme pour le moment. Baste, exultera bien qui exultera le dernier !

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=-XNYyFaA32c&live=1[/embedyt]

 

Les Puritains, Bastille, 6 février 2025 – 2/2

Lawrence Brownlee renvoyant Lisette Oropesa saluer, sous le regard de Corrado Rovaris et de Ching-Lien Wu, le 6 révier 2024 à l’Opéra Bastille (Paris 11). Photo : Bertrand Ferrier.

 

Après un premier acte plaisant et un entracte qui, avec ou sans libation intermédiaire, permet à de nombreux spectateurs d’optimiser leur placement en profitant des fauteuils vides repérés au mitan du show, le retour de l’orchestre est salué par des applaudissements chaleureux… et mérités. Le prélude qui ouvre le deuxième acte est

  • juste,
  • musical,
  • efficace et
  • sans chichi.

Au lever de rideau, le Meccano métallique qui sert de décor ne figure plus que la chambre d’Elvira. Les lamentations du chœur (« Ah, dolor! Ah, terror!) confirment les qualités de l’ensemble, en terrain assez conquis pour associer équilibre et expressivité. En dépit d’une mise en scène qui contredit le sous-titre (« Approchez », lance Giorgio au chœur qui est déjà collé à lui, à jardin), Roberto Tagliavini ne se dérobe pas pour son air de reprise (« Cinta di fiori e col ben crin disciolto »),

  • hiératique mais sensible,
  • solennel mais vibrant,
  • intense mais troublé,

et habilement ponctué par les « castellani » de tout sexe, tandis que Lisette Oropesa se voit confier un rôle muet. Andrii Kymach (Sir Riccardo Forth) revient pour se réjouir de la condamnation à mort d’Arturo Talbot, le fuyard. Le chœur, estomaqué, profite de la vacuité de l’espace scénique pour se disperser dans un ordre soigneusement chorégraphié. Elvira reprend alors le premier rôle en exprimant son désespoir et sa folie (« O rendetemi la speme »). Le récitatif est

  • tenu,
  • maîtrisé,
  • immédiatement et durablement intense.

L’air est un régal

  • la précision des phrasés,
  • le tuilage des registres,
  • la caractérisation des nuances et
  • la tension entre chant et silences

témoignent de l’émouvante maîtrise d’un personnage qui ne maîtrise plus rien. La direction affutée de Corrado Rovaris transforme en quatuor ample et poignant le trio entre Elvira, Riccardo et Giorgio, l’orchestre joignant sa voix au plateau scénique. À la virtuosité lyrique, Lisette Oropesa ajoute l’art de la scène : elle sait prendre les applauses et s’effacer avec un naturel confondant. Alors que disparaît la diva, le décor s’enrichit de deux blocs de fer et d’une sorte de cheminée dont l’intérêt dramatique, avouons-le, nous échappe autant que, disons, la justification éthique de la nomination d’un détestable spécialiste des mutuelles et des locaux de campagne à la tête du Conseil constitutionnel. Un solo de cor nous fait basculer de la perplexité scénique à l’admiration musicale. En effet, la musique de Vincenzo Bellini peut sembler se confire dans la réalisation brillante de scènes de genre stéréotypées – et c’est certain qu’il y a de la gourmandise  dans cet art

  • orchestral,
  • mélodique et
  • topique

que déploie l’Italien avec une maestria parfois coupable quand elle paraît assécher la créativité de l’artiste dans ce qui deviendra son dernier opéra. Toutefois, la réussite des tableaux et, surtout, la variété des dispositifs qu’agence le compositeur

  • (orchestre seul,
  • chœur,
  • chœur et soliste,
  • air solo,
  • trio…)

ébaubissent l’auditeur et contribuent à faire presque oublier la platitude consternante du livret de Carlo Pepoli. Giorgio parvient alors – en apparence – à convaincre Riccardo d’aider celui qui l’a supplanté auprès d’Elvira (« Il rival salvar tu dei »). Le vibrato d’Andrii Kymach, décidément trop généreux à notre goût, gâche un peu le beau retournement (« Se d’Elvira il fantasma dolente m’apparisca »), mais le duo martial qui conclut l’acte promet « all’alba » un beau combat (« Suoni la tromba »).

 

Le chœur de l’Opéra (détail), l’une des vedettes du 6 février 2025 à l’Opéra Bastille (Paris 11). Au premier rang, à droite, Ching-Lien Wu, chef ; au deuxième rang (troisième en partant de la droite), le ténor Luca Sannai. Photo : Bertrand Ferrier.

 

L’acte troisième s’ouvre sur un prélude

  • vigoureux,
  • tendu,
  • orageux

mais non désespéré. Sur scène, Elvira se remet à crapahuter dans un décor d’où le module chambre a disparu. Un jeu d’ombre chinoises anime en vidéo le fond de scène. Lawrence Brownlee lance son marathon de quarante minutes avec « Son salvo, alfin son salvo ». La direction d’acteurs faisant défaut, il caresse non pas le décor mais l’absence de décor – c’est fort – id est la limite de la scène à jardin. Au cas où le spectateur serait un peu concon, ce qui peut arriver mais n’exclut pas le fait que le concon soit celui qui envisage cette hypothèse, une vidéo de nuages noirs qui s’accumoncellent anime l’espace pour bien stabyloter le fait que le retour d’Arturo ne signifie pas pour autant la fin des fâcheuses péripéties entravant l’amûûûûr.
À distance, Lawrence Brownlee et Lisette Oropesa se font écho (« A una fonte afflitto e solo s’assideva un trovator »). Vincenzo Bellini travaille ses effets en modifiant les orchestrations (harpe contre ensemble). Le ténor endosse ses airs de bravoure avec

  • brio,
  • sûreté, bientôt
  • endurance

mais sans nous communiquer une once d’émotion. Techniquement, c’est remarquable ; théâtralement, cela ne vibre guère.

  • La fougue du chœur traquant le fuyard,
  • la pertinence des inflexions de l’orchestre et
  • la poésie distillée par les instrumentistes solistes (çà un cuivre, là une clarinette concluant la touchante lamentation d’Elvira, « C’est fini, infortunée que je suis »)

assurent néanmoins le spectacle. Corrado Rovaris aide les chanteurs à

  • poser la musique,
  • intérioriser l’expression et
  • trouver la voie vers le partage d’émotion,

ce dont profitent les amoureux dans leur duo d’amour infini (« Sempre con te vivrò d’amor »). Arrêté, promis à la mort, Arturo abat ses dernières cartes (« Arrestatevi, scostate, crudeli! ») en suppliant de vivre pour qu’Elvira survive. Un cor de chasse annonce le dénouement où

  • solistes,
  • chœur et
  • orchestre

sont à la fête. Le triomphe qui anticipe le dernier accord confirme que, oui, comme nous le suggérions dans l’incipit de notre première chronique sur I Puritani, on va à l’opéra en espérant passer un bon moment. Non pas un moment cosy fan tutte ou non, pas pu m’en empêcher – mais un moment où

  • le plaisir du beau,
  • le frisson de l’émotion créée par une tension habilement incarnée,
  • la capacité laissée aux artistes de privilégier le talent voire le génie d’un compositeur sur la fatuité voire la connerie crasse – pas toujours faciles à distinguer l’une de l’autre – d’un metteur en scène,
  • l’évidence, enfin, d’une vibration suscitée par un art total

embrasent

  • l’esprit,
  • les sens et
  • le cœur ou l’âme,

bref, nous envolent, plus ou moins haut mais nous envolent. En ce sens, ce 6 février 2025, en dépit des réserves formulées au fil de la chronique, nous pouvons admettre que nous avons passé un bon moment, et ce n’est pas rien.

 

Le quatrième prélude et demi enfin révélé

Pierre-Marie Bonafos au studio Rêve le jour (Drancy), devant le micro de Réjean Mourlevat en 2019, pendant l’enregistrement de « 44 ou presque ». Photo : Bertrand Ferrier.

 

C’est un exercice que nous avons inventé pour notre récital Une histoire du cool, en la chapelle du Val-de-Grâce (Paris 5) : revisiter quatre golden hits de la musique classique, que ce soit

  • en débordant librement le thème,
  • en réinvestissant la grille d’accords,
  • en extrayant juste un sample sur lequel improviser,
  • en augmentant la mélodie par la paraphrase, etc.

À ce moment du concert, le sort est tombé sur Frédéric Chopin, et le jeu a donné ce qui suit.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=BdvJOSXXIns&live=1[/embedyt]

 

C’est la folia dans la chapelle !

Pierre-Marie Bonafos le 22 mars 2022. Photo : Rozenn Douerin.

 

Comme l’aurait spécifié Blaze Bayley, this was our bastardization d’un tube du quinzième siècle, dans un cycle d’appropriation de golden hits de la musique classique proposé lors du récital Une histoire du cool, propulsé le 3 novembre en la chapelle du Val-de-Grâce. Pour être très précis ou presque, ça donnait ça.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=W08wKNitojc&live=1[/embedyt]

 

Une trompette cool

Au Val-de-Grâce (Paris 5), le 3 novembre 2024, en compagnie de Pierre-Marie Bonafos,. Photo : Rozenn Douerin.

 

Et si, « à la finale », ainsi que s’expriment les paltoquets voulant avoir l’air cool, le saxophone était une trompette en plus cool ? C’est l’une des questions fondamentales pour l’humanité – au moins – que posait Une histoire du cool, le récital proposé le 3 novembre 2024 en la chapelle du Val-de-Grâce (Paris 5) par Pierre-Marie Bonafos, l’homme-au-bonnet, et votre serviteur.
Pour une raison simple : le concert se décapsulait sur les Pièces pour trompette et orgue de Jean Langlais. Les curieux qui n’auraient pas encore médité sur la coolitude comparée du saxophone et de la trompette peuvent désormais alimenter leur débat intérieur avec cette pièce très cool placée par Jean Langlais au début de son cycle.

 

[embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=AhHw_tAIbNE&live=1[/embedyt]