Fruits de la vigne – Domaine Striffling, « Le gamay de Guigui » 2023

Photo : Bertrand Ferrier

 

Un beaujolais-villages de 2023, titrant 12° : voilà comment l’on pourrait résumer le « gamay de Guigui », un produit du domaine Striffling dont nous évoquâmes tantôt

Si, sans pratique, le don n’est rien qu’une sale manie, il est assez certain que, sans manie, le don n’est rien qu’une simple pratique. Or, autant certains se passionnent pour la collection de cornflakes, passent leur temps à crapahuter sur des sentiers impraticables ou s’échinent à recenser les pires kebabs de Paris, autant Guillaume Striffling, aka Guigui, s’est spécialisé sur le monocépagisme, ce qui n’est pas la maladie professionnelle du vigneron la plus répandue. Cette stratégie lui permet de proposer, selon ses gammes moins musicales que commerciales, un travail désormais réputé à des prix titillant parfois le monochiffrage. Par exemple, sur le gamay qui nous intéresse aujourd’hui, on peut dénicher des offres par correspondance à 10 € la quille, hors frais d’envoi ; chez les revendeurs parisiens en chair et en verre comme Mes accords mets vins, il faudra compter une bonne margeounette de plus. Pour quel résultat ? Un produit à la robe miroitante :

  • groseille sur les bords,
  • elle se densifie peu à peu pour prendre
  • une teinte griotte en son centre.

Ainsi rend-elle raison de ce que l’on attend d’un produit de ce type : de la franchise et une certaine légèreté frisottant l’insouciance, et hop, qui font que, comme pour un « nègre tempête », soudain, il y a des griffes qui poussent et font « sauter [nos] ténèbres en mille matins de lions » (René Depestre, Journal d’un animal marin, Gallimard [1990], « Poésie », 2024, p. 57). Le nez paraît typique du gamay bien travaillé. Il

  • est discret,
  • se laisse découvrir et
  • cultive l’ambiguïté sur le temps long, entre
    • cuir,
    • épices et
    • cassis.

Le flairer incite au lâcher-prise, à ces moments où, en pleine polémique de long repas de samedi soir, on lâche, façon Robert Desnos ouvrant « comme une main à l’instant de la mort » (in : Corps et biens [1930], Gallimard, « Poésie » [1968], 2010, p. 121) :

 

vraiment, c’est tellement inutile,
toi et moi nous mourrons bientôt.

 

La bouche étonne.

  • L’attaque assume une certaine amertume ; puis
  • une sensation de fraîcheur remonte aux naseaux,
  • dessinant les contours d’un vin direct et franc du collier.

Le mariage avec des tagliatelles fraîches au foie gras (olé !) ne dévoile pas davantage de rondeur mais propose une nouvelle lecture, plus dynamique. Le jus aiguillonne la générosité du foie gras qui, en échange, souligne les aspérités savoureuses d’accents fruités qui se révèlent. Fort adéquat pour « apaiser les oiseaux sauvages dans son sang », selon l’expression d’Aksina Mikhaylova (in : Ciel à perdre, trad. A.M. et Dostena Lavergne, Gallimard [2014], 2021, p. 53) !

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