Jean Muller, Les Sonates pour piano de Mozart, vol. 1 (Hänssler) – 3/3

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La dernière sonate choisie par Jean Muller pour le premier volume de son intégrale, commenté ici et , est la dix-septième en Si bémol. Composée en 1789, elle ne révolutionne guère la forme, avec sa structure en trois mouvements vif-long-vif – l’innovation formelle n’étant le genre ni du compositeur, ni de ses commanditaires.
L’Allegro liminaire semble chercher son thème en énonçant l’accord à l’unisson octavié.

  • Manières d’ornement,
  • redites nuancées et
  • chromatisme de bon aloi

font ce qu’ils peuvent pour animer la quête – en vain. Alors, comme souvent, le compositeur emploie la manière forte associée au passage en mineur.

  • Modulation en Fa,
  • secousse des doubles croches,
  • bariolages, traits et trilles

animent alors le discours avant la reprise. Le jeu polymorphe de Jean Muller, tour à tour tendre, rugueux et presque dandy quand les traits se déplient, séduit d’autant plus que les moments où le jeu mute sont particulièrement soignés. Ni collage, ni tuilage, les fondus saisissent et construisent une série d’effets de surprise pour le moins croquignolesques.

 

 

Une nouvelle modulation brutale en Ré bémol relance le mouvement et rappelle bientôt que le talent d’un virtuose n’est pas seulement celui de jouer vite un max de notes mais aussi de faire résonner un texte a priori anodin en lui offrant une perspective sonore rarement ouïe – écoutez les trois piani différents réussis par l’artiste autour de 3’20 : le dernier est incroyablement ténu, mais le decrescendo n’est pas moins stupéfiant !

  • La friction entre Sol majeur et sol mineur,
  • le dialogue entre les deux mains et
  • le retour des pages initiales

trahissent moins un manque d’inspiration du compositeur que son aspiration à épuiser le sujet – l’interprète veillant, lui, à ne pas épuiser l’auditeur en omettant opportunément la seconde reprise, et en faisant preuve

  • d’un toucher tonique,
  • d’un allant irréfutable (si, si) et
  • d’une sérénité aussi plaisante que communicative.

 

 

L’Adagio central, à quatre temps et en Mi bémol, est pris avec calme.

  • Le travail sur le son des différents registres,
  • le contraste entre legato et détaché, ainsi que
  • la façon de poser des contretemps sans les clouer avec un marteau

captent d’autant plus l’attention que, à nos portugaises, l’intérêt du texte est ténu. La partie en do mineur s’anime un chouïa grâce à la pulsation de notes puis de tierces répétées, mais Jean Muller veille à ne jamais surjouer. Posé, confiant dans la musique qu’il interprète, il assume la dimension méditative, déliée et cyclique du mouvement, concentrée essentiellement dans le registre médium.

  • Agogique supérieurement convaincante,
  • magie de la digitalité extraterrestre du géant luxembourgeois et
  • droiture inspirée de l’exécution

soutiennent l’intérêt de l’auditeur en dépit d’une écriture maigrement inspirée et inspirante.

 

 

L’affaire se conclut sur un bref Allegretto en Si bémol. Cette fois, on est reparti pour tressauter avec

  • appogiatures,
  • triples croches de relance,
  • traits de doubles,
  • notes ou intervalles bondissants,
  • modulation colorant le récit sous de nouvelles moirures,
  • reprises installant un thème,
  • notes répétées faisant la part belle aux accents dynamisants,
  • descentes chromatiques invitant à la glissade joyeuse, et même
  • structure un peu bancalounette, donc pour partie inattendue,

le tout paré

  • de nuances malines,
  • d’une technique admirable et
  • d’une musicalité toujours pimpante.

De quoi conclure ce premier volume avec le smile, ce qui n’est peut-être pas le compliment le plus recherché par les virtuoses, mais certainement pas la pire offense qui leur peut être faite.


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