
Le deuxième disque du florilège de Sylvie Carbonel – dont le nom est curieusement absent de la pochette – est un étrange donc intrigant attelage de musique française, enregistré en 1997 par Michel Blanvillain pour Quantum – au moment où nous écrivons ces lignes, un exemplaire est disponible à la vente ici. D’un côté, Emmanuel Chabrier (1851-1894), de l’autre Jacques Desbrière (1925-2021).
Du premier nommé, la pianiste élit les Dix pièces pittoresques qui s’ouvrent sur un « Paysage ». Cet allegro « non troppo » et « avec calme » en Ré bémol, déploie son charme grâce
- au toucher habile de la musicienne,
 - à sa liberté de tempo, et
 - à son art de switcher d’une humeur à l’autre en caractérisant parfaitement les multiples mutations
- de style,
 - de caractère et
 - de tonalité notamment.
 
 
Paradoxalement, le choix de nuances relativement uniformes – qui semble constitutif de l’art carbonélique – et peut-être la prise de son mate conviennent à cette interprétation, l’attention de l’auditeur se concentrant ainsi davantage sur les changements de couleurs. La « Mélancolie » en 9 et 6/8 alternés travaille joliment
- les différents registres du piano,
 - le rythme donc le contretemps et l’esprit « senza rigore« ,
 - l’unisson et l’écho,
 - le statique et l’inventif
 
jusqu’au Sol final libéré des chromatismes qui ont habillé le lead – signe que la mélancolie peut être un état d’esprit sinon joyeux, du moins qui finit par être confortable.
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Le « Tourbillon » reste ternaire avec son 3/4 souvent proche d’un 9/8, mais il exige d’être pris « con fuoco« . Pas de quoi effrayer Sylvie Carbonel, dont la dextérité n’est pas la moindre qualité. La tension entre
- ternaire et binaire,
 - légèreté digitale et emportement tonique,
 - ivresse de la célérité et solidité des sforzendi
 
permet à la musique
- de souligner la virtuosité de l’interprète,
 - de séduire par ses astuces rythmiques et
 - d’amuser par ses trouvailles facétieuses.
 
Le « Sous-bois » en deux temps est lancé par le moteur mystérieux de la main gauche. Une pédale insistante fait frémir les frondaisons où la lumière de la main droite étincelle grâce à un joli contraste avec les graves et une certaine liberté rythmique
- (appogiatures,
 - contretemps,
 - ternaire dans le binaire et glissement de quintolets suivis par des triolets,
 - irrégularités dans la régularité de la main gauche parfois privée par le compositeur de sa première double croche).
 
Le jeu de Sylvie Carbonel
- n’est pas expansif,
 - ne surjoue pas l’émotion du contact avec la nature et
 - s’abstient de tout épanchement dramatico-expressionniste.
 
Cela sied à cette musique plus habile et élégante que platement programmatique. Toujours ternaire, la « Mauresque » en la mineur va, elle, comme un gant à l’interprète : le travail sur
- les touchers,
 - la pédalisation et
 - les contrastes de couleur
 
fait pétiller cette miniature avec les caractéristiques requises :
- soin,
 - charme et
 - légèreté.
 
À suivre !