
Pour le bonheur des ménages, Charles-Valentin Alkan a un projet qui dépasse les faiblesses orthotypo
- DE la première
- DE couverture
- DE la réédition
- DU disque Alkan
- DE Pierre Réach,
ouf, avec, d’une part,
- capitales,
- itals (les opus les mériteraient) et
- accents aléatoires (pourquoi sur Réach et pas sur « âge » ?),
et, d’autre part, manque d’unité avec alignement
- au fer à gauche,
- au fer à droite,
- centré, et
- un nom de label abandonné dans l’espace :
le double ternaire (trois temps avec triolets) frotté au binaire – oui, la phrase est un rien dégingandée mais, si vous la relisez, elle devrait être à peu près cohérente. Dans le troisième mouvement de la Grande sonate, « 40 ans : un heureux ménage », à jouer « lentement » et très lié », le compositeur a prévu, d’un côté, une mélodie qui commence en 3/4, de l’autre, un accompagnement escarpé qui s’assume en 9/8. Il s’agit de dépeindre la quadragénie « lentement » car, à cet âge, l’homme est censé s’être rendu à la raison avec
- famille,
- foyer et
- prière obligatoires.
Pierre Réach saisit l’auditeur grâce
- au parfait étagement sonore des différentes voix,
- à sa science ébaubissante d’une agogique qui clarifie en oubliant de poser, et
- à son art de faire entendre l’harmonie avec élégance et finesse.
Tour à tour, les triolets
- balancent,
- ronronnent,
- groovent
sans jamais parasiter la ligne mélodique jouée avec
- grâce,
- clarté et
- délicatesse.
L’arrivée des enfants, explicitée dans la partition, remplace les douze croches à la mesure par seize doubles croches auxquelles Pierre Réach parvient à donner un scintillement oxymorique : à la fois sautillant et « très lié » selon l’exigence du compositeur. La familiarité de l’interprète avec l’œuvre donne à cet enregistrement manière d’évidence que
- la précision de l’interprétation,
- la conviction du musicien et
- sa maîtrise éblouissante du toucher
rendent encore plus émouvante qu’impressionnante. Le retour du premier motif en triolets signale l’approche d’une grande coda méditative intitulée « La prière » où des séries de sixtes discrètement redoutables ébrouent un tantinet le choral jusqu’à l’extinction des feux.
Lancé par un tremblement grave en quintuples croches, le dernier mouvement « extrêmement lent » n’est donc pas si lent que cela ! Selon les savants, ce quatrième acte serait le plus autobiographique du lot, Charles-Valentin Alkan étant
- dégoûté de ne pas avoir été nommé prof au conservatoire de Paris,
- engoncé dans une grave dépression et
- tellement down qu’il balance en ouverture de partition :
Mourir… de mes tourments seroit la délivrance !
Va donc pour un « Prométhée enchaîné » où
- les trémolos,
- les motifs graves et
- les silences hésitants
dessinent un prologue vibrant dans les profondeurs.
- Sursauts,
- jeux chromatiques et
- oscillations thymiques
ne cherchent pas la lumière, fatalistes devant les ténèbres qui grignotent lentement le vivant. Plus qu’un appel au secours, Pierre Réach évoque un touchant mélange
- d’acceptation impossible,
- de révolte avortée et
- de bilan amer.
Le seul refuge de l’homme lucide serait donc la musique ? Hélas, comme semble le suggérer la fin dramatique, si loin des finales tonitruants que ménagent en général les compositeurs, même elle ne sert de rien, sinon à nous laisser imaginer que
- du plus obscur de nos âmes,
- de la certitude d’avoir échoué et
- de la conscience que la mort nous attend
peut jaillir quelque chose de beau. L’interprétation puissante de la « Grande sonate » de Charles-Valentin Alkan par Pierre Réach participe de ce mirage qui n’est pas sans charme puisqu’il nous aide à oublier, un instant, que s’approche de nous, à pas plus ou moins feutrés, l’éternité du néant. Comme pour ne pas nous abandonner à la désespérance qu’entraîne la lucidité, le pianiste n’abandonne pas son auditeur sur ce constat : nous attend la sonatine opus 61 du même compositeur. Elle fera donc l’objet d’une prochaine chronique. À suivre !
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