
En choisissant le Lavoir moderne parisien pour son « concert de sortie de disque », Vittorio Forte et son label ont opté pour un décor presque indus dissonant comme le programme fomenté par Vittorio Forte est dissonant. Dans le monde feutré de la musique savante pianistique, oser inventer un disque latino avec si peu de grandes stars de la catégorie dans la manche (Villa-Lobos, Piazzolla et, pour les plus populaires, Gardel cautionnent certes l’expérience) pour un premier opus chez Mirare ne manque pas de toupet non plus. Le Lavoir moderne parisien, nous ne nous y étions glissé qu’une fois, pour le concert lançant le deuxième disque de Michèle Atlani, chanteuse atypique dont certaines fredonneries nous hantent encore joyeusement. Il y a donc de l’envie
- de friction,
- de singularité et
- d’audace
dans cette manière de glisser du piano très savant dans un espace pas forcément conçu pour lui, comme l’ont vérifié les déménageurs de clavier avant le concert. En quelques mots, Vittorio Forte promet
- de la mélancolie violente,
- de la nostalgie réactive et
- de la passion contradictoire.
Ça nous va. « Por una cabeza » de Carlos Gardel prend de l’ampleur sous les doigts vivants de Vittorio Forte, artiste qui allie sans chichiteries
- extrême sensibilité,
- technique superlative,
- musicalité éclairante et
- humble sobriété,
à vous faire croire qu’il ne fait rien d’exceptionnel en se donnant en concert, le gourgandin. Dans ce tube schindlérien par lui recréé, il joue, oui, il joue même sacrément, mais il laisse place à
- la respiration,
- l’attente,
- la résonance.
En sus, il y a
- des doigts,
- de la clarté dans l’étagement des voix, et
- de la caractérisation dans l’évocation de la versatilité de l’âme humaine.
Dans « Las niñas » de Carlos Guastavino, l’interprète habite les tranquillités
- du tempo,
- de la mélodie et
- de la narration
puis l’intranquillité
- des traits,
- des accents et
- des breaks à suspense.
On est saisi par
- un brio sans affectation,
- une variété d’intensités exempte de show-off, et
- une fluidité du geste qui libère les possibles d’une œuvre.
Avec « Ballecito » du même compositeur, Vittorio Forte feint de revenir au calme, le roublard. Aussi laisse-t-il impunément
- scintiller les différenciations de registre,
- résonner les contrastes discrets, et
- se dévoiler la relativité de la mesure.
On croirait que la vraie vie en mieux est possible. À suivre pour vérifier si.