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Ensembles Perspectives, Salle Colonne, 23 novembre 2016

perspectivesLa salle Colonne est pleine, ce 23 novembre, pour le concert événement du quintette vocal Perspectives, fondé, dirigé et animé par Geoffroy Heurard avec des chanteurs mimi tout pleins (une préférence pour le ténor stachu, so typical). Alors qu’ils peaufinent leur second album, tout juste enregistré, Mathilde Bobot, soprano et quasi sosie de NKM en moins sorcière, ouf, Marie Pouchelon, alto, Sean Clayton, ténor, Romain Bockler, baryton, et Geoffroy Heurard himself, baryton tirant avec gourmandise sur la basse, proposent un récital-concept intitulé « Songs of experience ». Le défi : explorer les expériences de l’amour, de la mort et du sacré, avec des œuvres, toujours consonantes, allant du seizième siècle à aujourd’hui. Fil rouge aussi lâche que prometteur !
Une première partie de dix titres interprétés devant pupitres offre – en trio, quatuor ou quintette – un éventail de chants tant sacrés (via deux pièces d’André Caplet) que profanes, incluant le ravissant « O Happy Eyes » d’Edward Elgar, mais aussi des arrangements bien troussés (« Die Nacht » de Franz Schubert, revisité par Philip Lawson, et des « Chansons populaires expagnoles » de Maurice Ohana, remixées par Vincent Manac’h). Cette diversité permet aux artistes de parler une langue musicale harmoniquement riche, qui se présente éclatée entre de multiples langues humaines (anglais, allemand, latin, espagnol, italien, bientôt portugais du Brajiou pour Marcos Valle, français et même pelche). La seconde partie, de durée équivalente à la précédente, soit environ demi-heure avec prise de risque du « sans partition », revendique un côté plus « chanson », même si elle s’ouvre sur deux belles pièces d’Arthur Sullivan et d’Edward Elgar. Au menu principal, donc : Henri Salvador (et Bernard Dimey, le programme omettant de citer les paroliers…), Jacques Brel, David Bowie et des « chansons de cow-boys » traditionnelles. Les arrangements d’Étienne Planel et de « L. Larsen » (on suppose qu’il s’agit plutôt de Lloyd Larson) ou des deux sus-cités séduisent. Les couleurs musicales, jusqu’à présent « dépressives » selon l’expression de Geoffroy Heurard, disons entre gris clair et amande foncée, osent ici davantage conter fleurette à l’humour, ce que couronnent trois bis oscillant entre oiseau noir (celui de Paul McCartney, pas de Barbara) et facétieux blues instrumentalo-vocalistique.

Mathilde Bobot, Marie Pouchelon, Geoffroy Heurard, Romain Bockler, Sean Clayton (Ensemble Perspectives) à Colonne. Photo : Rozenn Douerin.

Mathilde Bobot, Marie Pouchelon, Geoffroy Heurard, Romain Bockler, Sean Clayton (Ensemble Perspectives) à Colonne. Photo : Rozenn Douerin.

Le critique peut bien pointer quelques ombres au tableau : tel grain de voix çà et là moins moelleux qu’espéré (l’acoustique de la salle doit jouer, y compris pour l’équilibre, quand le spectateur est situé au fond à cour) ; telle justesse parfois un peu juste, justement (probablement pour prouver que c’est du live, si tu veux de la perfection, t’as qu’à écouter le compact laser disque) ; telle prononciation hispanique semblant, peut-être à tort, plus exotique que vernaculaire, ou telle prononciation du français paraissant insuffisamment claire pour être 100 % intelligible (le baryton ne peut cependant être accusé de cette fautissime aux esgourdes d’un fan de chanson avec texte intégré) ; telle composition du programme qui aurait pu varier davantage les ambiances en première partie, afin de permettre au minichœur d’exprimer d’autres émotions que le feutré et le retenu (même si, de cette option, sourd un joli dégradé de nuances et de contrastes, moins spectaculaire que si le chromatisme était plus large, certes, mais plus subtilement musical) ; telle difficulté à se situer entre un ensemble classique – capable de chanter avec goût Michelangelo Rossi ou Thomas Tallis – et l’absolu « Cinq de cœur », pôle vers lequel le dernier bis tend évidemment (la seconde partie mériterait, certainement, un embryon de mise en scène que l’on imagine en projet)…
Reste l’essentiel : l’élégance du projet (et des tenues, même, dialoguant entre elles avec intelligence) ; la classe du mix’n’match ne sacrifiant pas l’art classique sur l’autel de la chanson, mais n’éteignant pas non plus la chanson sous le boisseau d’un lyrisme hors de propos dans ce répertoire ; le travail commun effectué et manifesté par une remarquable unité de respiration, et par des notes finales parfaitement éteintes ; le plaisir distribué aux spectateurs quand le savoir-faire de bons chanteurs frotte la polyphonie à son histoire et à ses extensions les plus plaisantes pour l’oreille, etc.

Le salut. Photo : Rozenn Douerin.

Le salut. Photo : Rozenn Douerin.

En conclusion, un bel ensemble dont l’évolution est à suivre avec intérêt, mais que l’on aura grande joie à écouter dès à présent, tant on le sent sur le fil entre respectabilité classique, envie de faire péter les codes et désir d’allier art savant et jubilation populaire… ou l’inverse. Oui, on a hâte de les voir s’encanailler, et de travailler en profondeur leur mise en scène et la scénarisation de leur propos – on croit supputer que cela les titille. Ce nonobstant, pour le moment, sans aucun doute, c’est cette alchimie en cours perpétuel de réalisation (cette tension est une marque de fabrique qui marquait déjà le premier concert de Perspectives, à Saint-André-de-l’Europe, il y a cinq ans) qui a su susciter le frisson de plaisir ayant balayé et rebalayé la salle Colonne ce 23 novembre. C’est aussi cette singularité fière de ses aspérités et puissamment assise sur un collectif sûr de ses ambitions qui motive le triomphe fait à l’Ensemble Perspectives pour son grand concert parisien de la fin 2016… et en attendant la sortie de son nouveau disque, que vous pouvez soutenir ici – même si, honnêtement, 150 € pour recevoir ladite galette paraît viser des donateurs un brin fortunés.

DIY

Flyer Vincent Genvrin rectoMagique ! Réalisez vous-même votre flailleur pour le récital sekspsionnel de Vincent Genvrin en contrecollant les deux photos de ce post. Bravo, et rendez-vous vendredi !Flyer Vincent Genvrin - set-list

Ça te Barbara

Ta gueule– Bertrand Ferrier, ce mardi, vous vous apprêtez à répéter avec Fabrice Dupray, baryton au Chœur de la Philharmonie de Paris, trompettissse virtuose, prof en conservartoire et…
– Certes, ça va, calme-toi…
– Comment vous préparez-vous ?
– Je suis essstrêmement serein, et je n’hésiterai pas à lui réclamer qui un café, qui un rhum préparé. Y a un minimum de respect, quand même. Quant à le « on entend bien qu’vous avez pas enregistré à Abbey Road » et mes interludes en 4/4 contre le 3/4 pour évoquer le temps perdu, si c’est la question…
– Non. En dehors de votre taux d’alcoolémie, avez-vous vraiment travaillé, notamment les passages qui, lors de la dernière répétition…
– En même temps, j’ai pas vraiment à te répondre, gros con.
– Je n’ai pas d’autre question, Votre Honneur.

Sad sadisme

Univers impitoyrableVoilà à quoi ressemble le sadisme entre organissses : laisser, près de la console, en évidence un paquet de Bim’s (comme des Pim’s mais en faux). Vide. Le jour où tu invites un remplaçant à sévir. Comme par zazar. Entre eux, les organissses sont vraiment sans pitié.

L’art de la f(r)acture

20161118_1409521Après avoir restauré l’orgue sans consulter le titulaire (ni son adjoint), après l’avoir inauguré sans en avertir le titulaire (ni son adjoint), après avoir inauguré une plaque en hommage à Yannick Daguerre sans en avertir personne, après avoir fait physiquement pression sur l’adjoint du titulaire pour qu’il arrête de se mêler de ce qui le regarde, la mairie diligente des travaux complémentaires… sans qu’elle ou le facteur, pensez, daigne en avertir le titulaire (ou son adjoint). On ne peut que saluer la classe et le savoir-vivre de gens qui, tout en réclamant des gros sous à leurs concitoyens pour cette opération bâclée et boiteuse, commandent des travaux sans un état des lieux précis, sans appel d’offres, sans devis détaillé, sans réception par les affectataires par délégation, sans concertation ni considération pour ceux qui ont le plus grand usage de l’instrument. Comme dirait Isolde en fin de monologue : attristant.
(Je voulais mettre « affligeant », mais la blagounette ne fonctionnait plus, alors bon.)