Blog

Jann Halexander, « Mes plus belles chansons (2003-2021) » – 1/2

Première de la pochette

 

Selon les générations et les snobismes, on appellera ça une compil, un best of ou un florilège. C’est en tout cas une sélection personnelle de chansons semées çà ou là qu’a concoctée pour nous le chanteur Jann Halexander en personne. Originellement prévu pour 2021, retardé par le Covid, désormais habillé d’une pochette qui cache à peine l’influence d’un disque présentant des miscellanées d’Anne Sylvestre avec visage au premier plan et Notre-Dame fondue-enchaînée derrière, ce parcours est disponible ici. Voilà une bonne occasion pour les curieux de picorer quelques titres de celui qui se définit parfois comme « le mouton noir de la chanson française » ; mais voilà aussi une bonne occasion pour les habitués de découvrir un autoportrait singulier, l’artiste ayant

  • choisi quelques piliers de son répertoire,
  • sélectionné des chansons moins souvent présentes dans ses tours de chant, et
  • laissé de côté quelques-unes de ses fredonneries qui électrisent son public (« Le poisson dans mon assiette », pourtant créé en 2016, n’est pas de la partie, par exemple, peut-être parce qu’elle est devenue davantage une chanson de scène que de disque… en attendant peut-être une compil’ live ?).

Le voyage commence en 2003 avec « Pont Verdun ». Au fil de la longue intro, le piano ressasse une série de motifs que la batterie ponctue bientôt. La voix, ensuquée dans une apparente mélancolie, poursuit la chanson danger et d’Angers en prenant à contre-pied ceux qui réduisent Jann Halexander à un chanteur à texte façon rive gauche, et ceux qui aiment à voir en lui un chanteur de cabaret survolté. Dès lors, ce titre liminaire résonne comme une déclaration d’insoumission. Il revendique à la fois son côté pop façon moins Bashung qu’entre Daho et Christophe, avec

  • parophonies vintage,
  • ton traînant, comme défait, et
  • envolées mystiques que l’écriture irrégulière semble, dans un geste oxymorique, vouloir rendre autant claquantes qu’hypnotiques.

Jouant d’un timbre grave, le chanteur évoque, à travers le paysage angevin, la minuscule insaisissabilité des sentiments grandioses. Il raconte l’ambiguïté de la pulsion d’Eros qui peine à masquer, dans « le jour noir », la présence irradiante de Thanatos. Sous l’apparence d’épuisement qu’il arbore parfois comme pour dresser un voile (ou une voile, selon les moments) entre sa barque et le fleuve du monde, il lance son disque sur ce que les habitués pourraient à tort prendre pour une fausse piste. Si l’on est loin de « Papa, Mum », on est dans le dark side of the Halexander’s trip, où le chanteur paraît prendre plaisir à

  • désirer et maudire,
  • idéaliser et agonir de quolibets,
  • piédestaliser (et hop) et clouer au pilori

trois pôles qui le hantent :

  • la lumière,
  • l’amour et
  • la vie.

Pour l’artiste, il y a un plaisir presque ironique à

  • se morfondre,
  • constater la vanité des choses et
  • tâcher de se convaincre qu’il ne faut pas rêver plus haut que le cul – en attendant néanmoins avec impatience le prochain songe.

« L’Inconnue dans ma maison » ne prétend pas contraster avec cette amertume heureuse par une luminosité plus réjouie. Une double intro – spécialité halexanderienne s’il en est – installe un rythme résolument sixties sur lequel l’ACI pose un thème central dans son œuvre : l’identité. Retors, il ne pose pas a priori la question de son identité mais celui d’une « belle inconnue » au sexe changeant, qui semble être à la fois impalpable et assez charnelle pour qu’elle lui « redonne de l’envie ». En laissant une grande part

  • à l’imprécis,
  • aux pointillés et
  • à l’estompe,

l’estampe produite par Jann Halexander place dans le puzzle de son portrait son art de la suggestion et, par-delà les seuls mots, son goût pour la musique dont témoignent les plages instrumentales agrémentant le paysage de cette chanson. En témoigne la coda inquiétante qui reflète la première partie de l’introduction et boucle l’inconnaissance sur elle-même. C’est alors que, respectant le jeu de la compil’, le chanteur dégaine deux titres récurrents dans ses tours de chant, chacun avec un statut particulier. Premier titre iconique, voici « Le mulâtre », une chanson qui prolonge la question de l’identité

  • trouble,
  • floue et
  • profuse.

Avec la collaboration des chants d’oiseaux peu messiaeniques – heureusement – et trop mignons pour être honnêtes (la suite confirmera cette intuition), l’intro richement harmonisée contraste avec l’accompagnement pianistique sciemment étique qui soutient le chant d’humain. Jann Halexander excelle dans l’art de l’autobiographie biaisée, mais son introspection se dérobe à l’égocentrisme. Il l’assume : quand il sourit de lui, il nous invite à sourire de nous. Le mulâtrisme, et hop, n’est pas réservé aux gens « vaguement blancs, vaguement noirs » car nous sommes tous

  • des contradictions,
  • des mélanges,
  • des singularités plurielles

sur pattounettes.

  • Bourgeois et précaires,
  • honnêtes hommes et filous fieffés,
  • gens reconnus des leurs et des voisins – donc inconnus :

l’ambiguïté identitaire se nourrit de nos contradictions. Loin d’une phraséologie woke, le Français d’origine gabonaise métaphorise sa condition. Contre lui, tout contre, on irait jusqu’à dire qu’il la sublime ou qu’il la transcende, au sens où il la dépose aux oreilles du public en la chansonnant, c’est-à-dire en nous permettant de nous l’approprier. Nés à Libreville, « Paris, Bordeaux, Lille, Brest(e) », nous avons à gagner à apprécier la complexité de nos identités. Elle n’est pas forcément

  • richesse,
  • éblouissement ou
  • orgasme intellectuel.

Croire à cette équivalence serait la définition même du fascisme. Non, ce que semble suggérer le chanteur dans cette proposition habilement habillée dans un piano-voix puissamment dénudé, c’est que

  • la dissonance (lui qui aime tant l’harmonie des secondes et des neuvièmes…),
  • la contradiction (lui qui cherche à longueur de textes son identité tout en refusant d’y être assigné), et
  • l’interpolation (lui qui, perdu devant les entrelacs qui constituent l’humain, en est ailleurs réduit à espérer une réponse des statues de l’île de Pâques, elles-mêmes inexpliquées)

sont potentiellement fécondes, mais il nous appartient de leur donner du sens, ce qui n’est point chose aisée. Planent sur ce questionnement ontologique

  • le constat de nos limites humaines,
  • l’anticipation de notre finitude, et la promesse de la mort, cette flamme qui brûle nos vies, nous fait « valser avec le malheur » et à l’aune de laquelle nous n’aurons jamais vraiment la lucidité de jauger nos « villages natals »,
    • réels,
    • reconstruits ou simplement
    • imaginaires.

Le second titre iconique du zozo s’appelle « À table ». C’est un moment-clef de ses concerts, ici rappelé dans sa VO. Les fans redécouvriront un titre présenté en piano-voix, avec l’artiste au piano (alors qu’il délègue souvent cette fonction, sur ce titre, quand il est sur scène). Les autres goûteront la logique narrative de l’album digital car, après avoir fait péter l’idée d’une identité fixe, qu’elle soit sexuelle

  • (l’hétéro,
  • l’homo,
  • le bi)

ou géographique

  • (l’Angevin du Gabon,
  • le Différent qui se fond dans la foule,
  • le Métissé qui se revendique tel tout en affirmant n’être que lui, comme un ornithorynque),

Jann Halexander propose d’expliciter le malaise de l’ambiguïté en affirmant que, malgré qu’on en ait, « il va falloir se dire tout ça à table ». Dans un arrangement sans flonflons superfétatoires, la chanson propose de « bouffer la vérité » au lieu du saumon dégueu et du crumble froid – peine perdue. Le fredonneur évoque

  • les non-dits,
  • les implicites,
  • les connexions imaginaires

qui ravinent les familles – celles du sang ou celles que l’on se choisit. Même en s’appuyant sur les autres, rien ne permet de solidifier son identité ni d’en faire un espace de sérénité.

  • La famille d’où nous venons est un lieu de haine recuite,
  • l’amour ne sert qu’à se sauver au sens de la fuite, sans doute, plus que dans une acception rédemptrice, et
  • la réunion entre proches ou amis est
    • un gouffre,
    • une vacuité,
    • un faux-semblant,

tonne l’artiste, mordant. Moins dandysme que lucidité, cette posture désenchantée du chanteur farmerophile se prolonge dans « J’aimerais, j’aimerais », long récit – toujours en piano-voix – de la révolte d’une « pédale » plouc de vingt ans face à son amant « député et bon catholique ». La confrontation entre le fils de péquenot et le politique au-dessus de tout soupçon n’est qu’une facette d’un double malentendu que narre ici le troubadour franco-gabonais. Nous ne spoilerons pas la suite du drame, qui confirme la conviction de l’artiste : seul le sexe dit vrai, tout le reste est bullshit et personne ne nous comprendra jamais. En dépit de son emphase définitive, une telle affirmation serait rassurante si l’humain n’avait pas tendance à déborder le support, donc à vouloir, en dépit du bon sens,

  • s’attacher,
  • se projeter,
  • espérer.

Dans cette première moitié de compilation, un Jann Halexander très sombre nous le déconseille fermement. Nous vérifierons fort bientôt s’il persiste et signe dans la seconde moitié de son florilège. À suivre !


Pour écouter ou acheter le disque virtuel, c’est ici.

Quintettes de Bartók et Catoire (Continuo) – 5/6

Quatrième de couverture

 

Contrairement aux tristesses, douleurs et autres souffrances,

  • chaque plaisir,
  • chaque joie,
  • chaque ébaubissement

a son envers. Ainsi en est-il de l’écoute du quintette pour piano et cordes de Béla Bartók : ses deux premiers mouvements font saliver pour les deux derniers dont nous allons à présent écouter l’Adagio ; mais la suite et fin, sous les doigts d’Etsuko Hirose et les archers digitaux de Vadim Tchijik, Pablo Schatzman, Andrei Malakhov et Igor Kiritchenko, vont-ils nous éblouir autant que les deux premiers épisodes ?
Le troisième épisode de cette saga sapide s’ouvre sur un motif énoncé à l’unisson par les cordes puis réinventé peu à peu par le piano.

  • Contrastes d’intensités (du pianissimo au double sforzendissimo),
  • déformations rythmiques (contretemps et instabilité de tempo),
  • suspensions du discours (retards, ralentissements, point d’orgue)

donnent au prélude une aura de mystère que pimentent

  • d’inquiétantes secondes,
  • un abondant recours aux triolets – bientôt de quintolets, de septolets voire divers ensembles allant de 10 doubles croches pour 8 à 20, 23, 24, 27 voire 40 triples croches pour 16 – et
  • le ressassement quasi obsessionnel de la même série de quatre notes.

Un dialogue presque confus s’engage entre le quatuor et le piano, puis entre les membres du quatuor. Le compositeur se délecte en secouant

  • la mesure (entre 4/4 et 2/4),
  • la battue (agitato versus retards progressifs) et
  • les caractères liés aux indications de tempo (adagio, adagio molto, maestoso, etc.).

 

 

Amplifié par la large palette expressive des interprètes, le charme naît notamment

  • des effets d’écho entre le quatuor et le piano,
  • de l’inventivité dans les traitements curieusement post-wagnériens infligé au leitmotiv, et
  • du mélange entre la grande précision rythmique de l’écriture et les plages ménagées pour déformer cette structure très exigeante.

Après un vivace foufou, Béla Bartók semble se réapproprier le calme avec une liberté que la mesure traduit bien, entre 4, 5, 6 et 7 temps. Dans ce mouvement a priori moins spectaculaire que le précédent, la prouesse est triple :

  • donner de la fluidité à ce qui, sur le papier, risque d’être conçu dans un morcellement dommageable à la continuité – réelle – du propos ;
  • offrir, en dépit des oppositions entre quatuor et piano, une cohérence de son qui n’aplatisse pas le récit – la prise de son de Bertrand Cazé se refuse astucieusement à tout gonflement acoustique pompeux (hormis l’inutile réverbération ajoutée parfois au dernier accord d’un mouvement) ;
  • enrouler les cinq musiciens dans une même énergie qui tourne autour du piano exceptionnel d’Etsuko Hirose, insaisissable partenaire sachant, sur l’ensemble des registres, être l’accompagnatrice, la provocatrice, la rugissante, la douceur même et la réconciliatrice.

Comme l’eût chanté Georges Brassens grâce aux mots d’Antoine Pol,

  • la dynamique de cette version,
  • la respiration commune du quintette et
  • la créativité de la partition

« fait paraître court le chemin » de près de douze minutes qu’emprunte l’auditeur. On ne peut qu’être emporté par

  • les modulations à la fois logiques et surprenantes,
  • la souplesse du geste interprétatif, et
  • la musicalité profonde couvrant la virtuosité – notamment pianistique – sous le manteau de l’art laissant presque ignorer la technique.

Tout crépite : ondulations se transformant en cahots, traits de harpe basculant dans un agitato où les petites saucisses d’Etsuko Hirose ne chôment point, les nuances orchestrales évoquant une « Mort d’Isolde » avant de se fondre dans le sautillement progressif d’un mouvement final « poco a poco più vivace ». À suivre !


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour l’écouter gracieusement en intégrale, c’est .
Pour retrouver Etsuko Hirose en entretien, c’est ici.
Pour retrouver la chronique de 
Schéhérazade by Etsuko Hirose, c’est ici, re-ici et .

Aimer bien : projet sélectif

Saluts à la fin de « Tout est un possible ». Claudio Zaretti, Jann Halexander, Pierre-Marie Bonafos et son bonnet, Sébastyén « le clown » Defiolle et son chapeau, Bertrand Ferrier au théâtre du Gouvernail(Paris 19) le 19 mai 2025. Photo : Rozenn Douerin.

Parfois, on met en ligne des extraits de concert en pensant : « Bon, ça s’est bien passé. » Parfois, on met en ligne des extraits de concert en pensant : « J’aurais pu être meilleur, mais quelque chose se passait, tant pis pour les bafouillages et les problèmes de son. » Dans les deux cas, on partage

  • des souvenirs,
  • des instantanés,
  • des histoires,

et on assume de reporter la perfection à une autre fois. Voici donc l’histoire partagée à la fin de la set-list principale de Tout est un possible, tour de chant donné au théâtre du Gouvernail le 19 mai 2025.

 

Quintettes de Bartók et Catoire (Continuo) – 4/6

Quatrième de couverture

Après un premier mouvement bi-goût, le quintette pour piano et cordes de Béla Bartók s’annonce plus unifié. En effet, le deuxième mouvement est intitulé Vivace (scherzando).

  • Ternaire,
  • rythmique,
  • changeant et
  • contrasté,

il s’enroule autour d’un thème chromatique peut-être d’origine folklorique. Deux blocs se distinguent : le piano et les cordes. Pour autant, les rôles s’échangent : le leader d’un segment devient l’accompagnateur de l’autre. On se goberge de la labilité de la partition,

  • passant d’un marcato à un grazioso,
  • risquant un pesante bien martelé,
  • glissant un dolce presque sucré, tout en
  • manipulant le rythme comme d’autres jouent au Rubik’s Cube.

Le dialogue enflammé entre le piano d’Etsuko Hirose et le quatuor Élysée (les deux violonistes ont interverti les pupitres : après Vadim Tchijik dans le quintette de Georges Catoire, c’est à Pablo Schatzman qu’est échu le premier rang) sait être

  • bataille rangée,
  • engrenage qui s’auto-entretient dans de vigoureux crescendi mais aussi
  • apaisement provisoire.

Béla Bartók flatte l’oreille grâce à

  • sa science de l’harmonie,
  • son sens du groove,
  • son art de la narration, et grâce à
  • sa maîtrise de l’instrumentarium dont il prend soin de laisser goûter les très riches possibles.

 

 

Les interprètes caractérisent habilement les différents segments, qu’ils soient

  • rythmiques,
  • élégiaques,
  • tendus ou
  • furibonds.

Le surgissement d’un moderato inattendu aux deux-tiers de la course avive la curiosité qui anime l’auditeur depuis le début et le rend suspendu aux prochains épisodes comme un netflixophile en plein binge drinking de son feuilleton préféré. Le travail sur

  • les registres,
  • la complexité rythmique (ainsi de ces huit croches pour six),
  • l’agogique augmentant le suspense, et
  • les ondulations des tempi

est présenté avec une mâle assurance par les musiciens. La diégèse est

  • riche,
  • profuse,
  • savoureuse.

Le résultat est

  • impressionnant mais jamais m’as-tu-vu,
  • virtuose mais point extravagant,
  • fascinant et pourtant empreint d’un naturel qui ébaubit.

À suivre !


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour l’écouter gracieusement en intégrale, c’est .
Pour retrouver Etsuko Hirose en entretien, c’est ici.
Pour retrouver la chronique de 
Schéhérazade by Etsuko Hirose, c’est ici, re-ici et .

Bien accompagné 36 : église Sainte-Marguerite (Paris 11)

Il Professore en l’église Sainte-Marguerite (Paris 11), le 19 septembre 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

Il est arrivé en croquant un radis, sa vieille sacoche au cuir usé au bout de la patte nous proposant un légume croquant de la famille des Brassicacées, renouant avec une tradition désormais bien établie : depuis le 9 juin 2019 à la collégiale de Montmorency, Sleepy & Partners sont peu ou prou considérés comme les spécialistes de la granularité sonore notamment en matière organistique (« parfois même organique », tient à stipuler un membre de la confrérie avec ce sens du mystère qui rend la guilde si troublante). Pour leur trente-sixième mission presque au grand jour, la smala a envoyé Il Professore – l’un des plus récents experts à avoir rejoint la bande – expertiser l’orgue Stolz de Sainte-Marguerite.

L’essspertise organistoloyique – parfois même organique – esssiche oune sens dé l’observatsionné, oune coultoure dé la historia dé notre amico l’organo, i oune sennessibilita artistique qu’elle donne, per la mousiqua, dé la profondeur métaphysique à cé qui, sans céla, né sérait qu’artisanat

nous a-t-il soufflé avec son accent très spécifique. Nous avons obtenu partiellement le droit de l’observer observer. En observant l’observateur, nous avons subodoré que, pour lui, l’orgue était avant tout

  • un reconstructeur d’intemporalité,
  • une plateforme pluridimensionnelle désymptomisant le réel en le nouménisant, en quelque sorte (la simplification est un peu hasardeuse, mais, n’en déplaise aux plus grands kantologues, elle s’impose dans le cadre restreint de ce compte-rendu), donc
  • un outil vibratoire associant, si nous avons bien feint de comprendre,
    • la pragmaticité de la matière,
    • l’acousticité dans la profération, et
    • la transcendance visée par l’ensemble des process mis en œuvre dans la substance du projet organistologique, parfois même organique.

C’est un peu l’inconvénient, avec les experts spécialistes sachants : on a beau comprendre, on se rend compte que l’on ne peut pas comprendre, en tout cas pas autant qu’il le faudrait pour être compris dans la compréhension, bien sûr.

 

Il Professore en l’église Sainte-Marguerite (Paris 11), le 19 septembre 2025. Photo : Bertrand Ferrier.

 

Les conclusions qu’Il Professore a tirées de son examen minutieux sont hélas couvertes par le secret professionnel le plus strict, ainsi que l’expert l’a martelé lorsque nous avons tâché avec quelque insistance de connaître le verdict. Ce nonobstant, Il Professore a accepté de nous confier quelques éléments de réponse préalablement cryptés :

Pour oune orgue, cé n’est point tant l’étendoue – yé dirais la massivité – dé l’obyet mais l’obyet de la massivité, si yé pouis mé permettre cé chiasme. C’est-à-dire qu’il convienne d’étalonner lé dimensionnément de l’émission, d’un point dé voue à la fois qualitatif, historique et fonctionnel, en le comparant à la pratique dé l’instroumenneto dé oune point de voue coultouel, coultourel i patrimonial.

Quand nous avons essayé d’en savoir plus afin de distinguer le sens derrière le galimatias, notre interlocuteur a levé une patte pour rappeler qu’il était tenu au plus strict secret professionnel. Puis il a ajouté, patelin :

L’orgue est oune domaine qu’il né faut pas croire dominer, sous peine dé repousser la questionne au lieu d’y répondre. Comme l’écrivait Yoryes Vigarellllllllo, « oune terre youyée touyours plous dominée fait naître dé nouveaux lointains »(c’est dans « Oune histoire de lointains. Entrée réel et imaginaire », qué Lé Seuil il vienne dé rééditer en poche – dé mémoire, vous trouverez la citatsionné à la paye 203, yé crois). Pour oune essspert, innevenneter des lointains est oune prétesssto pour né pas esssaminer lé proche, lé donné, l’obyet même de son essspertise. Chez Sleepy & Partners, cé type dé faux-fuyant est frappé d’oune nonne négativissimo. Nous né nous dérobons yamais, au grand YAMAIS, au momènneto dé cerner la granoularité sonore.

Nous avons voulu en profiter pour obtenir enfin une définition de ladite granularité sonore, pierre angulaire du prisme organistologique – et parfois même organique – de la confrérie. Peine perdue : Il Professore nous a proposé un radis, en a croqué un autre et, saisissant sa vieille sacoche au cuir usé, est reparti en fredonnant : « Pom, pom, pom. » Une prochaine fois, peut-être ?


Retrouvez les aventures de Sleepy & Partners…

  1. … aux grandes orgues de la collégiale de Montmorency.
  2. … à l’église Saint-Marcel (Paris 13).
  3. … à l’église Sainte-Marie-Madeleine de Domont.
  4. … à l’église Saint-Martin de Groslay.
  5. … à l’église Saint-Louis de Vincennes.
  6. … à l’église Saint-Joseph d’Enghien-les-Bains.
  7. … sur l’orgue provisoire loué par Notre-Dame de Vincennes.
  8. … aux grandes orgues de la cathédrale de Gap.
  9. … aux grandes orgues de Sainte-Julienne de Namur puis de la cathédrale de Namur.
  10. … à l’église Notre-Dame de Beauchamp.
  11. … sur l’harmonium du temple protestant du Saint-Esprit (Paris 8).
  12. … à l’église de Taverny et à l’église de Bessancourt.
  13. … à l’église du Raincy.
  14. … à l’église de Notre-Dame du Rosaire.
  15. … aux grandes orgues de l’église Sainte-Marie des Batignolles (Paris 17).
  16. … aux grandes orgues de la chapelle du Val-de-Grâce (Paris 5).
  17. … aux grandes orgues de la basilique d’Argenteuil.
  18. … sur l’orgue Cattin de Notre-Dame de Vincennes.
  19. … sur l’orgue Mutin-Cavaillé-Coll de Saint-Georges de la Villette (Paris 19).
  20. … sur l’orgue Merklin de Saint-Dominique (Paris 14), une fois ou deux.
  21. … sur l’orgue Delmotte de Saint-André de l’Europe (Paris 8).
  22. … aux grandes orgues de la collégiale Saint-Jean de Pézenas.
  23. … aux orgues de l’Immaculée Conception (Paris 12).
  24. … sur l’orgue de l’église Sainte-Claire (Paris 19).
  25. … sur l’orgue de l’église Saint-Denis de Gerstheim.
  26. … sur l’orgue de l’église Saint-Saturnin de Nogent-sur-Marne.
  27. … sur l’orgue de Bécon-les-Bruyères.
  28. … sur l’orgue de Saint-Serge d’Angers.
  29. … sur l’orgue de la chapelle Ozanam (Paris 17).
  30. … sur l’orgue de la collégiale Notre-Dame de Vernon.
  31. … sur l’orgue du temple du Saint-Esprit (Paris 8).
  32. … aux deux orgues de la Madeleine (Paris 8).
  33. … sur l’orgue de la basilique Notre-Dame du Perpétuel Secours (Paris 11).
  34. … sur l’orgue de Saint-Eugène-Sainte-Cécile (Paris 9).
  35. … sur l’orgue de Saint-Albert le Grand (Paris 13).

Quintettes de Bartók et Catoire (Continuo) – 3/6

Première du disque

Quarante minutes : c’est la durée du quintette pour piano et cordes en Ut de Béla Bartók, qui fera l’objet de quatre chroniques sur ce site – une par mouvement. L’œuvre a été

  • composée en 1904,
  • créée avec le compositeur au piano,
  • révisée en 1921,
  • perdue puis
  • retrouvée en 1963.

Son premier mouvement est un diptyque associant un andante à un allegro molto. L’andante est d’abord confié aux cordes que rejoint un piano décidé – cette fois un Fazioli concert 280. Les cinq musiciens s’attachent à rendre la versatilité du prélude en faisant miroiter

  • les différentes humeurs,
  • les nombreux changements de tempo, et
  • les modifications de couleurs apportés par la registration (cordes seules, cordes avec piano, duo violon – violoncelle, trio piano – alto – violoncelle, etc.).

Etsuko Hirose impressionne singulièrement dans sa manière magistrale de traiter avec fluidité

  • les traits atypiques de triples croches,
  • les cahots rythmiques, et
  • les ajustements d’intensité en fonction du rôle attribué par le compositeur à son instrument.

Ensemble, les compères excellent dans

  • la création d’atmosphères
    • (sérénité,
    • suspense,
    • électricité,
    • explosivité),
  • le tuilage d’un registre à l’autre, et
  • la capacité à donner une sensation de cohérence à cette étrange donc fascinante succession de vagues hésitant entre
    • le fracas bénin sur la digue,
    • la tension sous-marine dont on redoute à raison les conséquences, et
    • la colère tempétueuse qui débouche sur un allegro de cinq mesures puis sur l’allegro molto attendu.

 

 

La présente version sait associer (c’est-à-dire tantôt

  • opposer,
  • confronter mais aussi, à l’occasion,
  • superposer)

des caractéristiques aussi contradictoires que

  • le brio et et l’intériorité,
  • la tonicité et la douceur,
  • l’expressivité et l’allant.

En ébullition, l’écriture du jeune Bartók multiplie les modifications de cap :

  • ici un agitato,
  • çà un dolce,
  • là un pesante.

On apprécie la manière dont les musiciens donnent une cohérence à cette collection de vignettes bigarrées.

  • L’étagement des voix,
  • le travail de synchronisation, et
  • l’art de contrastes parfois univoques, parfois ambigus,

soutiennent l’attention au long de ce voyage dépassant les douze minutes. La partition n’y est pas pour rien, mais la vaillance spectaculaire des interprètes lui rend joliment justice. À suivre !


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour l’écouter gracieusement en intégrale, c’est .
Pour retrouver Etsuko Hirose en entretien, c’est ici.
Pour retrouver la chronique de 
Schéhérazade by Etsuko Hirose, c’est ici, re-ici et .

Éclats de rires divins, deuxième série : le rire qui console – 1/4

Collégiale de Montmorency à la nuit tombante, le 21 juin 2025. Photo : Rozenn Douerin.

Pour conclure le récital sur Le Rire de Dieu, donné en la collégiale de Montmorency le 21 juin 2025, j’avais choisi d’improviser une symphonie bigarrée « autour de quatre rires de Dieu ». Le premier mouvement, intitulé « Le rire qui console », évoque une « note sur le rire » de Marcel Pagnol, selon laquelle « Dieu a donné aux hommes le rire pour les consoler d’être intelligents ». Bien que cette consolation ne soit guère utile à une grande partie de l’humanité, la punchline explore avantageusement le désarroi lié à la lucidité et l’abîme qu’il ouvre dans l’esprit de celui qui le vit. J’aime bien l’idée

  • que le rire n’est pas réductible à la joie ;
  • qu’une métaphysique du rire est nécessaire, d’autant plus que « métaphysique du rire » ressemble à un oxymoron tant le rire, aussi bienfaiteur soit-il, est souvent lié à l’éphémère et au futile, pas au transcendantal – or, un oxymoron, c’est rigolo ;
  • que le rire est moins un cadeau de Dieu qu’une compensation offerte par le mythique big boss à sa créature afin de pallier les inconvénients de sa capacité à réfléchir, même si moult individus semblent avoir de la peine à se souvenir de ce superpouvoir.

L’improvisation s’ouvre donc sur une claudication qui évoque le désarroi métaphysique considéré ab initio non comme un gouffre abyssal mais comme

  • un petit truc qui cloche,
  • une écorchure dans l’évidence,
  • une très frêle fêlure relevée sur le mur des certitudes.

Cette découverte

  • résonne,
  • se déforme,
  • revient à la charge

façon envie de gratter une croûte qui fait mal : on sait que ça va saigner, mais impossible de s’en empêcher. La petite musique du doute et de l’incompréhension

  • s’harmonise,
  • se colore différemment,
  • s’amplifie peu à peu puis
  • semble, ô folie, chercher une explication à la bizarrerie du monde.

Résultat ? La question posée par l’observation devient obsédante, façon sparadrap du capitaine Haddock. Aucun angle, aucun plan sonore de l’orgue ne semble en mesure d’apaiser l’angoisse qui monte.

  • Les saccades liminaires deviennent les éclats d’un rire nerveux.
  • Les rares interstices plus calmes ne sont qu’attente du prochain éclat dont l’intelligence a besoin.
  • L’explosion finale laisse entendre un rire puissant dont la vocation consolatrice n’épuise pas la féroce inquiétude que l’intelligence sait souvent distiller.

Laissons cette inquiétude aux gens intelligents, s’ils existent, et, pour eux comme pour les autres, ainsi que chantait Ben Sidran, let’s turn to the music !

 

 

Quintettes de Bartók et Catoire (Continuo) – 2/6

Quatrième de couverture

Vigoureux et inventif, l’allegro moderato du quintette pour piano et cordes de Georges Catoire nous a mis dans de joyeuses dispositions. L’incipit de l’andante en Si ne laisse pas retomber notre enthousiasme en persistant dans l’envie de faire dialoguer battues binaire et ternaire. Binaire pour les cordes dont l’alto d’Andrei Malakhov prend la tête et pour les ploum-ploums à la main gauche du piano ; ternaire pour les flonflons de la main droite. L’effet de bancalité, et hop, est parfait.

    • L’oscillation entre les pôles,
    • la richesse de la partie de piano avec ses quintolets de doubles (mais pas que) posés sur des triolets de croches,
    • la netteté du quatuor qui n’obère pas sa capacité à respirer de concert

happent l’auditeur dans cette nouvelle aventure.

  • L’étrangeté de la modulation en Mi bémol « con intimo sentimente » confiée aux cordes seules,
  • le travail sur les contretemps et les rythmes pointés,
  • l’élégance de la partie pianistique et
  • l’instabilité de la mesure et du tempo

font, comme la dépanneuse Simoun selon Tintin Ternet, boum. Ils

  • surprennent,
  • bousculent l’évidence et
  • avivent l’écoute.

Le retour de la tonalité de Si, au mitan du mouvement, confirme la capacité de Georges Catoire à explorer sans cesse de nouvelles combinaisons sonores avec, notamment,

  • des traits parallèles pour les deux violons et l’alto,
  • des unissons vibrants pour les mêmes compères,
  • des porosités laissant circuler le thème de pupitre en pupitre, et
  • un polyusage du piano entre
    • enrichissement harmonique,
    • battement rythmique et
    • écho mélodique.

Les interprètes rendent raison d’une partition

  • complexe,
  • palpitante et
  • habile

en jouant d’une grande variété

  • de nuances,
  • de sentiments et
  • de vibrations

sans avoir peur – et c’est appréciable – ni du tumulte ni du murmure.

 

 

Le dernier mouvement se cabre en Mi bémol et promet d’être « allegro con spirito e capricioso ». On salive. Pourtant, contrairement au titre aguicheur, le début est presque calme : les cordes sont sourdinées et portées sur le pizzicato. Rien de furibond a priori. Au contraire !

  • Un piano aérien,
  • une métrique libre,
  • un registre exclusivement aigu, même pour le violoncelle :

une ambiance féérique et butinante (j’essaye), quasi Maya l’abeille avant le retour des néonicotinoïdes pour que cette merde qu’est la FNSEA écoule ses produits nocifs. Or, le retour a tempo remet grave du grave dans la machine.

  • À-coups,
  • retours en arrière,
  • changements de direction thymique

font frissonner le frichti. Dès lors, dans le faitout bouillonnant de Georges Catoire,

  • la tonalité de Mi bémol devient Mi (on passe un demi-ton au-dessus),
  • les quatre doubles croches deviennent quintolet (on rajoute une note dans la fougue du piano),
  • le tempo est sans cesse boosté par des stéroïdes comme ces indications
    • « con moto » (« avec une Yamaha de circuit », traduirait-on aujourd’hui),
    • « molto animato »,
    • « agitato » ou
    • « con inpeto ».

Jamais à court d’inventivité, Georges Catoire ajoute

  • modulations,
  • échos et
  • rythmes-contrerythmes

que les interprètes embellissent, quitte à estomper certaines notes pour stimuler l’imagination des auditeurs (le la du piano à 2’50).

  • Le mesurage démesuré,
  • la substitution de la tension 2 contre 3 par 4 contre 5,
  • les modulations impétueuses

contribuent à dynamiter et à dynamiser une musique qui refuse de se cantonner au bon aloi.

  • La virtuosité sans affectation des interprètes,
  • la multiplicité des colorations (pour quelques secondes, Wagner arrive énormément vers 4’51),
  • le sublime et étrangement consensuel apaisement final en Sol

mettent en lumière une partition fulgurante. Les musiciens réussissent à lui éviter la taxinomie de « pièce rare » : c’est une grande œuvre,

  • redoutable pour les interprètes,
  • passionnante pour les auditeurs et
  • grisante pour les âmes sensibles,

ici magnifiquement exécutée. Vivement la prochaine piste – que nous explorerons dans une chronique à venir !

 

 


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour l’écouter gracieusement en intégrale, c’est .
Pour retrouver Etsuko Hirose en entretien, c’est ici.
Pour retrouver la chronique de 
Schéhérazade by Etsuko Hirose, c’est ici, re-ici et .

Demandez l’programme !

Voilà l’programme (cliquez pour agrandir) !

En novembre, il est prévu

  • de continuer à festoyer avec Estuko Hirose et le quatuor Élysée,
  • d’improviser et de chanter,
  • d’écouter pas mal de musique de chambre mais aussi du répertoire baroque,
  • de se promener dans les orgues parisiennes,
  • de découvrir la première compil’ de Jann Halexander,
  • d’esgourder le nouveau disque de Vittorio Forte et, quand même,
  • d’aller au théââââtre pour voir du théââââtre.

What else?

Quintettes de Bartók et Catoire (Continuo) – 1/6

Première du disque

Derrière le nom bien français de Georges Catoire se cache en réalité Georgi Lvovitch Catoire, wagnérophile de la première heure et mathématicien devenu professeur de composition au conservatoire de Moscou. Plus chanceux que Béla Bartók sur ce disque, puisque le label Continuo n’a pas eu l’inélégance de souiller son patronyme (le quatuor Élysée devient itou le quatuor Elysée, dans un étonnant laisser-aller éditorial, comme si apposer un accent coûtait trop cher…), il ne bénéficie cependant pas d’une gloire posthume à la mesure du compositeur avec lequel il partage la set-list de ce disque où le quatuor Élysée convie Estuko Hirose pour coupler deux imposants quintettes pour piano et cordes. Comme il a été dit : « Il avait un défaut, celui de ne pas savoir se mettre en avant. » Et pourtant…
C’est en 1921 que Georges Catoire a terminé son quintette op. 28 en sol mineur, lequel s’ouvre par un allegro moderato en 3/4 officiellement, mais plutôt en 9/8 puisqu’au ternaire de la mesure s’ajoute celui de la main droite qui égrène trois croches par temps. D’emblée, le compositeur crée une tension entre l’énoncé à trois triolets par mesure et un accompagnement binaire privilégiant le contretemps.
Abstrait, ce galimatias ? Au contraire, très concret car c’est de ces frictions que jaillissent les escarbilles animant cet incipit jusqu’à un grand crescendo qui se résorbe peu à peu, passant du plein souffle des cinq instruments à un dialogue entre le violoncelle d’Igor Kiritchenko (croisé tantôt avec Jasmina Kulaglich) et le piano d’Etsuko Hirose.

  • Des harmonies changeantes,
  • des rôles qui s’interpolent, et
  • des changements de mesure

caractérisent une musique où l’élégance n’est jamais éloignée du mystère. Georges Catoire joue avec les miroitements de son quintette.

  • Différenciation des pupitres,
  • éviction du piano,
  • piano solo,

point de doute : d’emblée, Georges Catoire marque sa maîtrise de l’instrumentarium. L’écriture est assez habile pour faire du piano d’Etsuko Hirose le pivot de la narration. Sa rythmique

  • sensible,
  • labile et
  • rigoureuse

galvanise le propos.

 

 

Des effets

  • d’écho,
  • de contamination et
  • de contraste

entre pupitres font circuler le propos autour d’un motif familier que le piano semble expliciter en le rapprochant du « Dies irae » (4’15). Les cinq compères excellent à faire gonfler puis dégonfler les bulles d’émotion. Grâce à leur aisance technique

  • (confondants suraigus de Vadim Tchijik,
  • précision rythmique de Pablo Schatzman,
  • ampleur et chaleur de l’alto d’Andrei Malakhov,
  • vigueur et caractérisation des registres du violoncelle d’Igor Kiritchenko,
  • capacité à être lead et à accompagner avec la même rigueur imaginative d’Etsuko Hirose sur son Steinway D)

et leur évident désir de jouer avec expression et dans une belle cohérence de son et d’intentions,

  • les emportements emportent,
  • les decrescendi sont subtilement agencés,
  • les fortissimi savent sonner sans jamais confondre puissance et bruit.

Ainsi les interprètes offrent-ils une vision très animée de la partition tout en donnant une sensation d’intensité et de cohérence libre, sinon de logique, dans l’agencement des humeurs.

  • La richesse rythmique sait s’abstraire de la confusion ;
  • la richesse harmonique sait aguicher sans virer au clinquant ;
  • la richesse des nuances (superbe finale pianissimo) sait capter l’attention sans verser dans l’histrionisme.

Bref, on se régale et l’on s’ébaubit. À suivre !


Pour acheter le disque, c’est par exemple ici.
Pour l’écouter gracieusement en intégrale, c’est .
Pour retrouver Etsuko Hirose en entretien, c’est ici.
Pour retrouver la chronique de 
Schéhérazade by Etsuko Hirose, c’est ici, re-ici et .